Le point de vue...
16 novembre 2012
... de Frédéric Potelle
Voici un article très instructif et frappé au coin du bon sens paru dans "Les Echos" que je souhaite partager avec vous :
A la saint Gallois… un peu de bonne foi
Choc (puis pacte) de compétitivité, « pigeons », manifeste de l’Afep, rapport Gallois : la France bouillonne sur l’analyse de ses fondamentaux. Les indicateurs sont au rouge. Tous. Déficit public chronique, dette publique, chômage, balance commerciale.
En une seule phrase mardi, le président Hollande a résumé le paradoxe français : la dépense publique représente 57 % du PIB. Cinq points de plus en cinq ans. s’interroge-t-il. Non.
D’où vient le dérapage, quand s’est-il installé ? Que représente-t-il en flux annuel et en dette publique accumulée « indûment » ? La Suisse reste le pays de l’horlogerie : à question structurelle, nous proposons une réponse temporelle. Entre 1980 et 2007 (la tendance s’est stabilisée depuis), les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 36 %, passant de 3,86 millions à 5,27 millions de personnes, lorsque la population augmentait, elle, de 18 %. Un rythme deux fois supérieur. Les grandes forces à l’œuvre : la décentralisation d’abord, la loi sur les 35 heures ensuite. Alors même que des pans entiers de l’action publique étaient transférés aux collectivités territoriales – effectifs + 71 % sur la période –, la fonction publique d’Etat continuait sur sa lancée : + 14 % !
Que coûte, en flux annuel, cette « glissade » ? Si les effectifs publics n’avaient augmenté que proportionnellement à la population, ceux-ci seraient aujourd’hui de 4,69 millions de personnes (tout de même). Le Conseil d’analyse stratégique nous apprend que, dépenses directes et indirectes comprises, le coût des emplois publics représente 23,5 % du PIB 2008, soit 22,9 % du PIB 2011. Première réponse : la glissade des effectifs publics s’est traduite par des dépenses supérieures de 68 milliards d’euros en 2011 à ce qu’elles auraient été à taux d’effectif public constant. C’est 3.4 % du PIB ou encore – en gros – le déficit structurel de la France.
Plus spectaculaire : qu’a coûté cette glissade sur les trente années cumulées ? Sous l’hypothèse qu’un emploi public a présenté un coût stable rapporté à la richesse du pays et en appliquant le calcul précédent aux années 1980 à 2011, on montre que l’excès de dépenses cumulées s’établit à plus de 1.000 milliards d’euros. Autrement dit, la dette de la France serait d’environ 800 milliards d’euros, 40 % du PIB, contre les 1.800 milliards ou 90 % du PIB constatés aujourd’hui.
Avec ces fondamentaux, comparables à ceux de la Norvège ou de la Suisse, la France ferait durablement partie des signatures les plus sûres du monde. Ni les agences ni l’Allemagne n’auraient de raison de s’interroger sur sa situation financière. Ni les marchés, c’est-à-dire les prêteurs de la France, qui lui accordent encore des taux de financement historiquement bas. Mieux, à ce niveau d’endettement, la France disposerait, par rapport aux critères de Maastricht, d’une force de frappe de 20 points de PIB, soit 400 milliards d’euros, 13 grands emprunts Sarkozy ou vingt ans de crédits d’impôts Hollande pour répondre à la crise, relancer l’économie ou redonner aux entreprises les marges nécessaires à la reconquête de leurs parts de marché mondial.
Au pays de La Fontaine, de la Cigale et de la Fourmi, le sujet mérite probablement réflexion.
Frédéric Potelle est directeur de la Recherche chez Bordier & Cie à
Genève
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