SORTIR DE l’EURO : UNE CATASTROPHE
15 décembre 2011
Revendiquée par le Front national, la sortie volontaire de l'euro provoquerait la destruction de 6 à 19 points de la richesse nationale à un horizon de dix ans et la destruction de plus de 1 million d'emplois, estime l'Institut Montaigne sur la base des modèles économétriques de Bercy.
C'est le rêve de Marine Le Pen. La sortie de l'euro, qui n'avait jamais été sérieusement envisagée avant l'effondrement de la Grèce et la difficulté de l'Europe à y répondre rapidement, a intégré le champ des possibles bien que les engagements qui viennent d'être pris par les pays européens - à l'exception du Royaume-Uni -pour créer une union budgétaire ait éloigné cette perspective. Elle est souhaitée par plus du tiers des Français, si l'on en croit un sondage publié la semaine dernière par Ipsos.
« Les rafistolages et plans de renflouement successifs pour sauver l'euro ne permettront pas de résoudre la crise. Sans sortie de l'euro, ça va être le chaos économique et social », ne cesse de clamer la présidente du Front national. C’est le remède qu’elle préconise pour relancer la France. Mais Marine Le Pen est à l’économie ce que Diafoirus est à la médecine.
Le retour au franc apporterait certainement bien pire. Il impliquerait des conséquences a priori désastreuses pour les ménages et les entreprises, en termes de croissance, d'emploi et de pouvoir d'achat. L'institut Montaigne a tenté d'en mesurer l'ampleur. Décidé à expertiser les principales mesures défendues par les candidats à la présidentielle 2012, en partenariat avec les « Echos », il s'est penché sur la proposition concrète du Front national, à savoir le retrait de la France de la zone euro. Il entraînerait la destruction de 6 à 19 % de la richesse nationale à un horizon de dix ans, estime cet Institut . Concrètement, la France s'appauvrirait donc de 9.000 euros par salarié. Plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d'emplois seraient supprimés dès la première année. A long terme, il faudrait même s'attendre à la destruction de plus de 1 million de postes, évaluation approximative qui s’appuie sur des modèles économétriques qui la sous-estime très probablement (sa fiabilité est d'ailleurs estimée à 1 sur 5).
Dévaluation et dette plus lourde
Les chiffrages de l’Institut Montaigne ne tiennent pas compte des changements de comportement des investisseurs - qui seraient tentés de transférer leurs capitaux à l'étranger, des autres pays qui imposeraient des quotas sur les produits français et augmenteraient les droits de douane et des marchés financiers qui couperaient les crédits. La zone euro, elle-même, ne survivrait certainement pas au retrait de la France, ce qui aurait des effets encore plus désastreux. L'agriculture française, notamment, serait alors malmenée par celle de l'Espagne et de l'Italie, plus compétitive. Si l'Institut Montaigne encourt un risque, c'est donc davantage celui de l'optimisme excessif que du catastrophisme, estime-t-il. L'estimation se concentre en fait sur les événements majeurs qui ne manqueraient pas d'arriver en cas de retour volontaire au franc.
Le FN l'évoque d’ailleurs dans son programme : la sortie de l'euro s'accompagnerait d'une dévaluation de 20 % de la nouvelle monnaie. A court terme, les produits français bénéficieraient d'un important avantage en terme de compétitivité, la dépréciation de la monnaie les rendant beaucoup moins chers que les produits importés. Les exportations seraient plus dynamiques. Mais les ménages, qui consomment beaucoup de produits importés, perdraient en pouvoir d'achat : i-Phone, jouets et voitures étrangères deviendraient 20 % plus chers. Cette dévaluation serait surtout sévèrement sanctionnée par les marchés, qui exigeraient une forte hausse des taux d'intérêts. La dette passerait mécaniquement de 82 à 103 points de PIB avec la dévaluation de la monnaie et deviendrait alors extrêmement lourde à financer.
La France sur la pente de la Grèce.
Dans un premier temps, la France se trouverait rapidement dans la situation de l'Italie aujourd'hui (118 % de dette), qui doit faire face à des taux d'intérêt bien plus élevés (entre 6 % et 7 %) que les nôtres actuellement (3%). Encore est-il supposé que Paris parviendrait à refinancer l'ensemble de sa dette (400 milliards la première année), ce qui est loin d'être acquis. Pour supporter un tel fardeau, le pays serait contraint de réduire ses dépenses (prestations sociales, salaire des fonctionnaires, etc.) ou d'augmenter les impôts. Les Français seraient alors incités à moins dépenser, alimentant le cercle infernal récession> chômage>moindre consommation. La dégradation de la situation économique conduirait à un emballement de la dette, des taux pour la financer… le calvaire suivi par la Grèce avec son cortège de tensions sociales, d’augmentation massive du chômage, de ruine des épargnants.
Hollande et les agences : même combat
En attendant, les menaces qui pèsent sur la France sont suffisamment inquiétantes pour inspirer à nos politiques un peu de sens des responsabilités. La déclaration du Directeur de la Banque de France qui s’interroge sur l’objectivité des agences de notation, dès lors que le Royaume-Uni, par exemple a des « fondamentaux » moins bons que ceux de notre pays, une dégradation de la note de la seule France apparaîtrait comme une volonté de nuire très ciblée. Mais dans ce contexte, où le « doute » sur la fiabilité et la « visibilité sur l’avenir » sont des constantes d’évaluation pour les prêteurs, François Hollande ne peut s’exonérer de sa responsabilité, par ses déclarations sur la renégociation et la réitération de promesses coûteuses et intenables. Ce serait certes un échec pour le Président de la République. Ceux qui s’en réjouiraient pourraient bien se mordre les doigts.
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