LOI NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité)
29 novembre 2010
Le parlement français a adopté définitivement le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché français de l'électricité (NOME) qui prévoit qu'EDF cèdera jusqu'à 25% de sa production nucléaire à ses concurrents.
Depuis l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité exigée par Bruxelles, aucun concurrent d'EDF n'a pu s'imposer. Et pour cause : avec son parc nucléaire, l’opérateur historique bénéficie de faibles coûts de production. La loi NOME doit l'obliger à céder une partie de sa production nucléaire à ses concurrents à un prix inférieur à celui du marché, mais auquel ? C'est l'une des questions épineuses de la réforme.
Le texte stipule qu'EDF cède jusqu'à 25% de la production de son électricité d'origine nucléaire à ses concurrents comme GDF Suez, Poweo ou Direct Energie, afin qu'ils puissent proposer des offres à tarifs concurrentiels. Il ne précise cependant pas le prix auquel devra être cédée cette part de sa production nucléaire. Ce prix, qui fait l'objet de vifs débats entre l'opérateur historique et ses concurrents, devra être fixé par décret. Dans un premier temps, le prix et la répartition seront fixés par le gouvernement, puis la Commission de régulation de l'énergie (CRE) prendra le relais.
Principale crainte soulevée par ce texte, qui doit entrer en vigueur début 2011 : la hausse des tarifs. Tandis que les groupes UMP et du Nouveau centre (NC) ont voté pour, les groupes de l'opposition de gauche ont voté contre, affirmant que cette réforme se traduirait par une augmentation de 11 à 15% des tarifs. Pour sa part, l'UFC-Que Choisir, organisation de défense des consommateurs, a affirmé que cette réforme risquait d'entraîner une forte hausse des tarifs « de 7% à 11% dès la mise en place de la loi et de 21% à 28% d'ici 2015 ».
Mais pour EDF, la loi NOME constituait surtout un risque direct pour sa position dominante sur le marché de l'électricité français. C'est ainsi qu’Henri Proglio avait dénoncé cette loi dès la fin octobre 2009, alors qu'il n'était pas encore entré en fonction à la présidence d'EDF. Il s'était alors exprimé devant les membres de la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée Nationale et avait annoncé qu'il résisterait autant que possible au "pillage" d'EDF.
On peut même penser que la direction d'EDF a conclu une alliance de circonstance avec les syndicats particulièrement hostiles à la loi NOME. La CGT parle ainsi de « déconstruction du système électrique français » et en adopte une vision particulièrement négative. Le syndicat FO a demandé au gouvernement de « renoncer au projet de loi ». La CFDT d'EDF s'est exprimée en des termes plus directifs: « arrêtez la casse d'EDF ». Le lobbying syndical s’est même traduit par une campagne d’affichage scandaleuse, financée par le comité d’entreprise. La mise en concurrence effective d’EDF est en effet susceptible de faire apparaître son inutile et coûteuse lourdeur de structure, en comparaison de ses concurrents fournisseurs alternatifs, développés dans un esprit très « start-up » où tous les coûts doivent être maîtrisés au plus juste.
La CFDT d'EDF argumente que la rente nucléaire ne peut être redistribuée à tous les français qu'au travers de tarifs réglementés proposés par un opérateur public. C’est un marché de dupes qui maintient des tarifs réglementés 25% en-dessous de ceux du marché réel. Comme ils devront disparaître, le réajustement est inévitable.
EDF en tant que producteur, devrait vendre directement à ses clients et à tout autre fournisseur indifféremment, à un prix de 34 €/MWh. Mais l’ex-entreprise nationale cherche en réalité à négocier une augmentation de ses tarifs avec un raisonnement simple : le prix de vente aux concurrents doit couvrir les coûts qui se situent à 45 €/MWh selon ses estimations, bien qu’elle semble disposée à un « compromis » à 42 €/MWh. On peut cependant regretter que ni l’Etat ni la CRE n’aient pris les moyens d’expertiser ces chiffres avancés par EDF (qui reste une entreprise publique !).
Si le prix est fixé à 34 €/MWh, la concurrence pourra se développer, les prix aux clients n’augmenteront pas ou peu, mais, selon EDF, il y aurait un risque de sous-rémunération du nucléaire. A l’inverse, si le prix est fixé à 42 €/MWh, des hausses importantes de 10% à 30% des tarifs de l’électricité seront nécessaires d’ici 2015 et il faut évidemment s’interroger sur l’usage qui sera fait par EDF des 8 €/MWh de rémunération supplémentaire qui lui seraient ainsi accordés. Cette somme pourra-t-elle servir à financer autre chose que le parc nucléaire (par exemple le développement international) et dès lors qu’elle aiderait à financer le renouvellement du parc, comment garantir que le client futur, qui consommera l’énergie produite par ces futures centrales, ne paierait pas une seconde fois les investissements concernés ?
En fait, EDF est le grand bénéficiaire de la loi NOME au détriment de ses concurrents et surtout des consommateurs ! Car en faussant la concurrence, on empêche la baisse des prix de jouer et on rend inéluctable l’augmentation des tarifs aux consommateurs.
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