A FRANCOIS BAYROU
12 avril 2007
JE DENONCE !
Cher François, c’est en homme libre, dégagé de tout engagement politique, redevenu simple citoyen, mais néanmoins observateur attentif de la vie politique que je m’adresse à toi. Nous avons appartenu pendant deux décennies au même parti, l’UDF, dont j’ai été l’un des premiers en Anjou à porter les couleurs aux législatives de 1978 et dont j’ai fait partie en permanence des instances départementales. J’ai voté pour toi au premier tour de 2002 par fidélité à mon engagement. Mais le choc du 21 avril m’a fait comprendre quel danger il y avait à disperser nos voix et j’en ai tiré la conclusion logique en participant à la création de l’UMP.
Tout cela me donne quelques droits.
Je trouve que tu as du courage : tu joues ta carrière politique à quitte ou double. Mais l’avenir de la France ne se joue pas à la roulette russe. Je ne partage pas ton analyse du regroupement au centre tant que l’extrême droite et l’extrême gauche seront aux niveaux élevés actuels et tant que le PS n’aura pas fait sa mue sociale-démocrate. Au lieu de la société apaisée, dont tu rêves, tu te retrouveras paralysé par des intérêts contradictoires à gérer, avec une recrudescence de violence générée par l’espace politique qui sera ainsi livré aux extrémistes de tout poil.
C’est pourquoi :
JE DENONCE l’emploi abusif que tu fais du sigle UDF.
Le parti que tu présides aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le regroupement des centristes, des libéraux et des radicaux initié par GISCARD. Tu en as fait une écurie présidentielle au service de ton ambition personnelle. Et tu as fait le vide autour de toi, un vide que n’arrivent pas à combler quelques ralliements tardifs teintés de règlement de compte. Aujourd’hui les Centristes et le vrai centre sont dans l’UMP, comme l’a rappelé Pierre MEHAIGNERIE. Ils y ont toute leur place et une réelle influence.
JE DENONCE ta ligne de conduite à l’encontre de l’UMP.
Tu avais parié sur l’échec de l’UMP, et depuis tu t’es acharné à essayer de le prouver. Pari perdu. Jamais un parti politique n’a accueilli autant d’adhérents, ce qui est bien la preuve qu’il correspondait à une attente de nos électeurs, las de nos querelles sybillines. Jamais un parti n’a autant débattu en interne, écoutant toutes les sensibilités qui sont sa richesse. Ayant pris l’habitude de gouverner ensemble nos collectivités territoriales, nous n’avons eu aucun mal à nous retrouver au sein d’un même parti.
Alors de dépit, tu as joué les victimes, tu as crié fort pour être entendu. Alors que personne n’agressait l’UDF, tu as mené une guerre de harcèlement contre les projets du gouvernement, allant jusqu’à voter la censure. Le seul résultat tangible que tu aies obtenu, c’est d’avoir entraîné, en 2004, une partie des électeurs à s’abstenir au 2ème tour des régionales avec le résultat que l’on sait.
JE DENONCE l’abandon des valeurs que tu étais censé porter.
Mon UDF était celle de la tolérance et de l’ouverture d’esprit, éprise de dialogue, attachée à l’initiative individuelle et au progrès social. Elle était un parti de centre droit. Tu en as fait un parti sans points de repères tangibles, où tous ceux qui expriment un point de vue différent du tien ont été censurés ou exclus. Tu as même fait combattre à l’Assemblée Nationale, par souci de posture, des réformes que l’UDF avait toujours proposées. Les rescapés des sensibilités qui la composaient, comme André SANTINI et Gilles de ROBIEN ont préféré rejoindre Nicolas SARKOZY.
JE DENONCE l’ambiguïté de ton discours.
Dans cette campagne présidentielle, tu cherches à faire croire que tu rassembles des électeurs des deux bords, alors qu’en fait tu profites surtout du report des voix de gauche qui ne se retrouvent pas dans la candidate socialiste. Tu cherches à faire croire qu’on peut se passer de la bipolarisation dans un pays qui devient rapidement ingouvernable dès qu’on introduit le scrutin proportionnel. Tu vantes la coalition en Allemagne et les résultats économiques qu’elle obtient sans voir que la gauche allemande serait au centre-droit en France et que ces résultats ont été obtenus avec des mesures qui sont proposées aujourd’hui par … Nicolas SARKOZY.
Si tu veux faire de l’UDF un parti de gauche, il faut le dire clairement, que tous les électeurs le sachent. Et indique d’ores et déjà ce que tu feras pour le 2ème tour, au cas où…. Souviens-toi que les élus de ton groupe parlementaire ont été élus par des électeurs de droite et du centre et que les électeurs trompés savent toujours se venger à l’élection suivante.
JE DENONCE, enfin, ton entêtement à vouloir sauver la France tout seul.
Avoir des convictions n’a jamais empêché les hommes de bonne volonté de travailler ensemble, mais sur un projet. Et c’est sur un projet que peut se faire l’ouverture. Ce n’est pas la démarche que tu proposes. Aujourd’hui, tu es, au mieux, le candidat du pis-aller. Les électeurs qui se portent sur ton nom ne le font pas parce qu’ils croient au discours que tu développes. Ils ne sont pas si naïfs. Tu draines ceux qui ne veulent ni de l’une ni de l’autre des deux principaux candidats. Avec un tel électorat, que feras-tu pour résoudre les problèmes de l’immigration, de l’emploi, des salaires, du financement des retraites, de la formation, de la dette et des déficits publics ? Les Français ont besoin d’élire un candidat qui leur inspire, sur tous ces points, une grande confiance, notamment par sa capacité à agir.
Evidemment, je ne voterai pas pour toi. Avec certitude et sans regrets.
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