LA PRIMAIRE DE LA DROITE : LE TROP PLEIN ?
17 mars 2016
EMBOUTEILLAGE PLACE DES PRETENTIONS
La primaire de la droite était initialement prévue pour éviter la multiplication des candidatures à la présidentielle. Il n’était pas prévu que les candidats à la candidature seraient aussi nombreux : on est rendu à une bonne dizaine rien que chez les Républicains et la liste n’est pas close, puisque d’autres sont encore annoncées. On s’éloigne de la conception gaullienne qui, selon la formule consacrée, faisait de l’élection suprême « la rencontre singulière d’un homme et d’un peuple », une alchimie qui s’élaborait en dehors des partis, même s’ils pouvaient y contribuer. De fait, la cohue qui s’annonce risque bien de nous cacher le « grand homme », s’il y en a un parmi elle. Ce qui a fait dire à un ancien ministre, qui s’amusait un peu en forçant le trait, que la primaire « ressemblait davantage à un mode de sélection des nains de jardin qu’à une propédeutique à l’exercice de la magistrature suprême. »
N’est pas « présidentiable » qui veut.
Chacun sait bien que face à chaque candidat, on se pose vite la question : « est-ce qu’il (elle) a la carrure pour endosser le costume noir à plastron blanc barré par le ruban rouge de la Légion d’honneur ? » On attendra en effet d’un futur président des capacités qui en font une personne exceptionnelle. A deux titres au moins : une capacité à faire bifurquer le cours de l’Histoire à partir d’un grand dessein, une aptitude à incarner la nation dans toutes ses composantes, dans ses valeurs comme dans son histoire. C’est à lui qu’on va confier la direction des armées et le droit de déclencher la bombe atomique. Les responsabilités du chef de l’Etat sous la Vème République sont écrasantes. Elles ne peuvent être confiées à n’importe qui, et quand cela arrive comme depuis 2012, on voit les dégâts. C’est pourquoi les Français sont toujours à la recherche de l’Homme (ou la femme) providentielle, parce qu’ils savent que le navire France est d’un maniement très difficile et qu’il ne peut être confié qu’à un pilote chevronné. C’est pourquoi aussi, le renouvellement à ce poste est si difficile, tant il est compliqué de donner leur chance à de nouvelles têtes. Devenir présidentiable, c’est un aboutissement, c’est le bout d’un long chemin, d’un parcours où l’expérience accumulée garantit un exercice du pouvoir à la hauteur. Le contre-exemple de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault, jamais ministres avant d’être propulsés à l’Elysée et à Matignon ne peut qu’encourager la méfiance envers les novices. L’élection du président de la République au suffrage universel a été adoptée par deux fois par referendum dans notre Histoire, et les Français aiment ça. C’est d’ailleurs le seul scrutin où ils se déplacent en masse.
« La candidature à la candidature » n’est pas assez prise au sérieux.
Cette multiplication des candidatures au sein même du parti Les Républicains confine au ridicule. Elle nuit à l’image souhaitable que doit avoir une telle consultation. Il s’agit de sélectionner « le candidat(e) » qui sera le meilleur pour représenter la droite et le centre au printemps 2017. Ce n’est pas « un concours de beauté », comme l’a raillé Laurent Wauquiez. Trop de candidats entrent en lice pour d’autres motifs que la magistrature suprême à laquelle ils ne peuvent sérieusement prétendre. L’un veut affirmer une ligne politique comme Jean-Frédéric Poisson, du Parti Chrétien-Démocrate, l’une veut se venger ou barrer la route à un adversaire comme Nadine Morano qui fait une fixation contre Nicolas Sarkozy, une autre veut faire valoir sa différence comme NKM ou représenter sa famille si Michèle Alliot Marie se décide, un autre encore tente de reprendre le chemin d’un rêve brisé comme Jean-François Copé. Ces prétendants sont-ils en mesure d’aller jusqu’au bout ? Heureusement non ! Car les conditions sont draconiennes : pour figurer dans la liste finale qui sera validée en septembre, chacun devra réunir les parrainages de 2500 adhérents répartis sur 15 départements et le soutien de 250 élus répartis dans 30 départements, sans compter celui de 20 parlementaires, sachant qu’un député ou un sénateur ne peut soutenir qu’un seul candidat. Espérons qu’ils se concentreront sur les favoris (on les connait) pour limiter à quatre ou cinq les candidats au sein du parti Les Républicains, auxquels pourront s’adjoindre un ou deux autres issus des partis partenaires et qui ne sont pas soumis à ces règles de parrainage.
Faire barrage à la démagogie.
François Hollande est broyé par la démagogie de sa campagne de 2012. Sa présidence est marquée par la faiblesse du leadership, le décrochage économique, la montée du Front National et la perte d’influence en Europe et dans le Monde. Si les primaires fonctionnent bien, il ne faut pas qu’elles nous entraînent dans le même piège. Au contraire, elles peuvent être l’occasion de sélectionner celui qui devra relever le pays. Parmi les prétendants, déclarés ou non, il y en a bien deux ou trois qui peuvent y prétendre : Alain Juppé, François Fillon, Nicolas Sarkozy, peut-être Bruno Le Maire dans le rôle de l'outsider.. L’élection présidentielle est le pivot de la politique française. Il faut qu’elle soit en 2017 le tremplin du renouveau si nécessaire de la France. Celui qui sera élu devra appliquer une thérapie de choc à l’économie, en libérant la capacité d’entreprendre, en réduisant drastiquement les impôts sur le travail et le capital, en assouplissant le code du travail, en augmentant la durée du travail, en détendant les seuils sociaux… Il devra en même temps investir massivement dans l’éducation, la sécurité intérieure et extérieure… et apaiser les tensions de la société française tout en la faisant réellement entrer dans la troisième révolution industrielle. Ce n’est pas seulement le choix d’une personne, mais celui d’un système de gouvernement qui s’appuie sur la vigueur des institutions de la Vème République. Mais plus qu’un programme aussi bien élaboré soit-il, il nous faudra un visionnaire capable de penser par lui-même et de forger une idée du monde à long terme pour la proposer au peuple. Ainsi, d’une arène politique où les ambitions personnelles priment souvent sur l’intérêt collectif, la primaire peut être l’occasion de révéler le talent, la dimension, la hauteur de vue et jouer ainsi son rôle de machine à sélectionner. Sinon, elle n’aura été qu’une machine à diviser, un bal des prétendants qui concentre les guerres d’égo…. avec les conséquences que l’on peut imaginer.
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