Éric Woerth : “J’assume la méthode de la RGPP”
27 septembre 2012
Voilà une interview qui tombe à pic ! Parue dans "Acteurs publics" je vous la livre intégralement.
Face au bilan mitigé de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) tiré par l’audit des corps d’inspection, le député UMP de l’Oise et ancien ministre du Budget défend la démarche de réforme de l’État qu’il a portée sous Nicolas Sarkozy. D'après lui, les mesures de la RGPP “traînaient dans les tiroirs des ministères depuis des années” et une trop large concertation aurait conduit à l’immobilisme.
Quel regard portez-vous sur le récent
rapport des corps d’inspection des ministères des Finances, des Affaires
sociales et de l’Intérieur qui critique la méthode de la Révision générale des
politiques publiques (RGPP) ?
C’est une
forme d’autocritique, puisque les corps d’inspection étaient au cœur de la
démarche RGPP. Des membres de toutes les inspections ont travaillé sur tous les
champs abordés par la RGPP et la plupart des mesures se sont inspirées de leurs
analyses passées. Le rapport est d’ailleurs très peu critique sur le fond des
réformes et valide le chiffrage de 12 milliards d’euros d’économies que nous
avions annoncées. Ce n’est pas une petite somme !
Le rapport critique une démarche
fourre-tout qui mélange économies de bouts de chandelle et vastes
réorganisations…
Sur les 500
mesures, il est vrai qu’il y a des réformes très diverses. Certaines sont
anecdotiques, d’autres concernent des chantiers gigantesques, à l’image de la
refonte de la carte judiciaire, des bases de défense ou de la fusion des
centres des impôts et des trésoreries. Mais je récuse la critique selon
laquelle certaines mesures auraient visé des économies de court terme. Tous les
gains dégagés proviennent de restructurations durables.
L’absence de concertation est
également dénoncée...
Il s’agit
d’un reproche récurrent fait à la RGPP. Je vais vous surprendre, mais j’assume
pleinement la méthode choisie. La réforme de l’État a été le sujet de quantité
de rapports aussitôt enterrés. La RGPP a été un processus de décision qui a
concrétisé des réorganisations qui traînaient dans les tiroirs des ministères
parfois depuis des années. L’idée de placer un comité resserré à l’Élysée pour
suivre les réformes a été mûrement réfléchie et a été la clé du succès. Certes,
les parlementaires n’y ont pas été pleinement associés, mais la plupart des
mesures ne relevaient pas de la loi et, après tout, le gouvernement a toute la
légitimité pour réorganiser lui-même son administration.
N’aurait-il pas fallu donner
davantage la parole aux fonctionnaires ?
Encore une
fois, la grande majorité des mesures de la RGPP avait été préconisée dans des
rapports rédigés par des hauts fonctionnaires. Ce qui manquait, c’était une
autorité au sommet de l’État qui impulse le changement et s’assure qu’il ne se
perde pas dans les sables. Si nous avions demandé leur avis à chacun des 2,5
millions de fonctionnaires de l’État, nous y serions encore ! On ne réforme pas
la France en consultant tout le monde sur tout. Cela étant, chaque ministre
était libre de consulter qui il voulait et de proposer les mesures les plus
adéquates. De même, contrairement à ce qui est dit, la réforme des services
déconcentrés a été précédée de consultations locales menées par les préfets.
Le recours à des cabinets de conseil
pour environ 46 millions d’euros par an était-il vraiment nécessaire ?
Traditionnellement,
certains hauts fonctionnaires critiquent le recours aux consultants en
sous-entendant que les corps d’inspection peuvent réaliser gratuitement des
audits de meilleure qualité. Je pense à l’inverse que l’apport des consultants
est déterminant pour réussir la réforme de l’État. Ils apportent des méthodes
utilisées dans le privé et ils ont l’avantage d’échapper aux conflits de
pouvoir entre administrations ou grands corps de la fonction publique.
Bref, la RGPP est un sans-faute…
Le point
faible a été de se concentrer sur la seule organisation de l’État et de ne pas
réaliser une véritable revue générale des politiques publiques qui prenne en
compte les prestations sociales et les collectivités territoriales. Cela
s’explique par deux raisons. D’abord, la crise de 2008 nous a forcés à revoir
nos priorités et à mobiliser l’administration contre la récession et le
chômage. Ensuite, le comité resserré de la RGPP n’était pas adapté pour décider
de réformes profondes comme la modification du temps de présence des enseignants
ou le versement des allocations familiales sous conditions de ressources. Ce
type de sujets se situe au cœur du modèle social français et doit, pour le
coup, faire l’objet de concertation en profondeur par chaque ministre.
Le gouvernement Ayrault lie la
réforme de l’État et la décentralisation. Qu’en pensez-vous ?
Si
l’objectif est de répondre à la question “qui fait quoi ?” entre l’État et les
collectivités, je l’approuve. D’autant plus que la RGPP posait la même
question… Mais lier décentralisation et réforme de l’État n’est pas une bonne
idée à mon sens, car cela conduit à transférer des compétences de l’État vers
les collectivités locales sans réfléchir au fond des politiques publiques. Ce
qui est une manière de contourner les vrais problèmes.
Propos recueillis par Laurent Fargues