LE DEVOIR D'OPPOSITION
20 avril 2008
Six ans, c'est long, mais c'est aussi vite passé. Expérience vécue ! Depuis le temps où j'étais élu, le statut de l'opposition s'est un peu amélioré : bureau, expression dans le journal municipal, possibilité d'avoir un collaborateur de groupe.... Mais le rapport de force reste inhumain. Que faire à 14, avec une indemnité réduite à la portion congrue pour faire face à l'armada de la majorité municipale et surtout aux multiples tâches et travaux qui attendent l'élu d'une grande ville : commissions, délégations, participation aux manifestations publiques ; sans parler des réunions nécessaires pour travailler en groupe sur les dossiers et préparer les sessions du Conseil Municipal quand on sait que les délibérations d'une séance représentent souvent l'équivalent d'un bouquin. Alors que faire une fois élu ?
La majorité a son projet qui n'est pas celui de l'opposition, on l'a vu pendant la campagne. Donc l'opposition est d'abord là pour s'opposer. Je veux dire par là qu'elle doit en toutes circonstances se souvenir qu'elle est là pour représenter ceux et celles qui ont voté pour elles et qui ne voulaient pas du projet de la majorité. Son premier devoir est de représenter ses électeurs et donc de rester fidèle à son projet. Son second devoir est de se projeter suffisamment dans l'avenir pour préparer l'échéance suivante en se donnant les meilleures chances pour espérer l'emporter. En politique, il n'y a pas de défaites, il n'y a que des échecs qui peuvent être dépassés. Son troisième devoir est de veiller sans concession à l'utilisation du denier public en exerçant un contrôle exigeant sur la gestion de la majorité.
Il y deux écueils à éviter pour tenir pendant six ans.
Le premier, c'est l'opposition "constructive". Par esprit démocratique du type "je me plie à la décision majoritaire", l'opposition se mue en minorité qui se veut force de proposition, vote positivement toutes les délibérations d'usage courant, propose ses amendements... C'est le meilleur moyen de se faire piquer ses bonnes idées par la majorité et de se retrouver à poil six ans plus tard. J'ai vécu ça. "Mes opposants ? ils ont voté 90% des délibérations..." disait Jean MONNIER ; ce qui était vrai. Allez ensuite expliquer aux électeurs que vous voulez faire différemment. Cette stratégie conduit invariablement au "bide".
Le second écueil, c'est de faire de l'opposition agressive en faisant feu de tout bois et en cherchant l'affrontement à chaque instant. La perte de crédit là aussi est rapide. Cela fait rapidement mauvais perdant. Ce qui s'est passé à Saint-Barthélemy en est un bon exemple. Sans compter que le groupe majoritaire a en sa possession tous les moyens pour tourner en ridicule sa minorité. Ne serait-ce qu'en lui ...retirant la parole, comme faisait Jean MONNIER.
Le bon chemin, me semble-t-il, c'est celui qu'André LARDEUX pratiquait. Il ne contestait pas forcément, mais ne votait jamais, sauf exception, les délibérations proposées par la majorité. Il votait contre ou s'abstenait. Avec un discours invariable :" Votre proposition a sa logique, mais ce n'est pas la mienne" ou encore " je ne conteste pas l'honnêteté de votre gestion, mais votre projet n'est pas le mien". Mais il ne perdait jamais une occasion de souligner les concessions à l'idéologie. Dans la dignité et le respect, bien sûr.
Il faut aussi réfléchir à ce que sera la situation dans six ans pour l'anticiper. Le tramway sera fait, les Angevins en seront de toutes façons satisfaits, qu'il passe ici ou là... Et l'Etat dans lequel l'opposition se trouvera au terme du mandat sera un élément décisif. Sa capacité à exister en dehors de l'enceinte du Conseil Municipal, à drainer des énergies, à faire l'actualité par des initiatives parallèles seront autant d'atouts. Mais pour cela, il faut pouvoir s'appuyer sur les structures adéquates. Quoi de mieux qu'un grand parti politique reconnu dont c'est le rôle éminent que de préparer les échéances électorales.
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