LES AMERICAINS DESUNIS
17 août 2022
Jamais les Etats-Unis n’ont été aussi divisés et la manifestation la plus criante en est la récente décision de la cour suprême de supprimer la loi sur l’avortement, laissant les Etats choisir leur camp. Ce n’est pas le seul débat qui agite la première puissance mondiale. On constate de plus en plus que les américains ne sont plus d’accord entre eux sur rien tant les débats philosophiques, éthiques et sociétaux qui agitent la société font état de fractures inconciliables à tel point que certains n’hésitent plus à affirmer que le pays court à la guerre civile.
Ni écoute, ni compromis.
Le combat entre conservateurs et progressistes fait rage, mais ce qui est grave c’est qu’ils ne débattent plus. Tout est sujet à affirmation péremptoire et selon que les Etats sont aux mains des uns ou des autres, les lois ne sont pas les mêmes, à tel point qu’on y déménage pour aller dans celui qui convient, ce qui renforce la polarisation. Sur l’avortement, les armes à feu, la sexualité, l’immigration, le climat et même le port du masque, tout est sujet à s’opposer. Les Etats du Sud, le Midwest et les Rocheuses, les campagnes et les petites villes sont tenus par les Républicains ; la côte pacifique, le Nord-Est, les grandes métropoles sont favorables aux démocrates… La page Trump n’est toujours pas tournée et accentue le glissement « à droite » du parti Républicain dont les groupes radicaux continuent d’entretenir le soupçon de l’élection volée et si les procès qui sont faits à l’ancien président débouchent sur une ou des inculpations, ce pourrait être le déclencheur d’une guerre civile.
Une démocratie malade.
La prise d’assaut du Capitole pour tenter d’empêcher la proclamation de la victoire de Joe Biden, encouragée par Trump, est emblématique du mal qui ronge les Etats-Unis. L’obscurantisme religieux des diverses églises évangélistes, le communautarisme, l’offensive woke, la radicalisation des suprémacistes blancs face au Black Lives Matter, ont provoqué le déclin des modérés de chaque camp et entraîné la défiance envers les institutions. Ainsi, à la suite de la perquisition par le FBI de la villa de Trump, un individu armé n’a pas hésité à attaquer un bureau local de l’agence fédérale. La défaite de Liz Cheney à la primaire républicaine face à la candidate trumpiste en est une autre démonstration. Les inégalités économiques aggravent le clivage et conduisent à une faible participation électorale qui atteint la représentativité du système et réduit à néant la confiance dans les assemblées élues. L’engrenage est en marche : déclin de l’efficacité de l’Etat et des valeurs démocratiques, factions politiques fondées sur l’identité et la race, gouffre entre urbains et ruraux, médias et réseaux sociaux qui mettent de l’huile sur le feu, toutes les conditions sont réunies pour un embrasement. Avec deux blocs qui s’affrontent au Sénat et à la chambre des Représentants, le vote des lois est à la merci du moindre récalcitrant. Le pays est quasi ingouvernable. Joe Biden peine à faire voter quoi que ce soit. Et pour certains, le 6 janvier 2021 avec l’attaque du Capitole, n’a marqué que le début du coup d’état. Pour preuve, une alliance d’une dizaine de secrétaires d’Etat s’est formée qui assurent que Trump à gagné. Or leur rôle est de certifier le résultat des élections dans chaque Etat, et tout se passe comme si ces Républicains préparaient un noyautage plus large en vue de la prochaine présidentielle. En parallèle, les « progressistes » font régner une véritable terreur intellectuelle dans les universités et un certain nombre de médias avec une mauvaise foi évidente. Ce qui fait dire à une enseignante : « Dans ce pays, plus personne ne s’écoute, plus personne n’accepte de compromis, Je ne vois pas comment on va dépasser ça. » Elle s’attend à toujours plus de violence.
Nous ne sommes pas à l’abri.
La France a été longtemps à l’abri du genre d’affrontements que connaissent les Etats-Unis. L’universalisme républicain nous a longtemps mis à l’abri des guerres communautaires et permis de combattre le racisme. La donne est en train de changer. La crise scolaire et le quasi abandon de la transmission de nos valeurs par l’école qui traverse une crise générale sans précédent, la ghettoïsation et ses effets pervers, l’immigration non maîtrisée, mettent à mal le modèle d’intégration et d’assimilation mis en échec par un communautarisme de plus en plus virulent. A l’obscurantisme religieux sont aussi venus s’ajouter le wokisme et les théories à la mode aux Etats-Unis sur le genre, l’identité et le féminisme. Notre vieux pays soi-disant plein de bon sens, respectant les femmes, tolérant sur les mœurs, est en passe d’être submergé par ces thématiques qui piétinent les sciences et l’esprit des Lumières et prétendent réécrire notre histoire. Il est affligeant de voir un Mélenchon, naguère bouffeur de curés, qui refuse d’entrer dans une église pour des funérailles, se mettre au service de l’Islam et de voir le maire de Grenoble défendre le port par les femmes d’une tenue dont la seule signification est la soumission de la femme à l’homme, ne faisant rien d’autre que préférer une revendication communautaire aux valeurs de la République. Quand en même temps on observe la montée de la violence, l’impuissance de l’Etat et des élus, et qu’on constate la même radicalisation de la société qu’aux Etats-Unis, avec une droite de plus en plus autoritaire et identitaire et une gauche de plus en plus contaminée par le wokisme, on se dit que nous aussi nous courons à l’affrontement. Gérard Colomb l’avait pressenti, on y est presque. S’il est encore temps de réagir, il n’y a qu’un remède : le retour à l’universalisme et en corollaire la laïcité intransigeante, qui s’appuie sur le rétablissement de l’école de la République avec comme principales missions l’assimilation et l’ascenseur social appuyé sur la connaissance et le savoir. Mais il ne faudrait pas tarder.
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