DEBAUCHE DE COM’
01 avril 2020
L’épidémie que nous subissons constitue un test concret de la capacité des gouvernants à la combattre. Il suffit de voir les stratégies divergentes d’un pays à l’autre pour s’en convaincre. C’est même un test impitoyable dans la mesure où on peut apprécier presque en temps réel la performance de ceux qui tiennent les manettes. Chez nous, elle se mesure au bilan que dresse chaque soir le professeur Jérôme Salomon, le Directeur Général de la Santé, égrenant sa liste morbide mesurant l’évolution de l’infection de la population par le virus, en nombre de malades, en cas graves et en décès. Mais pour morbides qu’elles puissent paraître, les statistiques dont on nous abreuve ont un objectif : même si comparaison n’est pas raison, elles sont utiles au gouvernement pour lui permettre de nourrir l’opinion publique. Ainsi, le « politique » peut s’en servir pour assurer sa dialectique et orienter sa communication, en donnant l’impression d’être pro-actif, en suivant la réalité.
Symptôme révélateur d’un pouvoir dépassé.
Ce besoin de recourir au « paravent » scientifique qu’ont le Gouvernement et le Président de la République, en s’entourant de « comités » largement mis en avant pour cautionner les décisions prises, peut être reçu comme un besoin de se retrancher derrière l’argument indiscutable fourni par la science. On peut y voir le signe d’un pouvoir qui aurait peur d’assumer ses choix. En fait de "politiques", nous sommes bien en présence de technocrates désincarnés qui nous administrent plus qu’ils ne nous gouvernent. Ce qui expliquerait qu’on ait un exécutif plus suiviste qu’anticipant qui fait déplacer des malades à grands renforts de trains, hélicoptères, bateaux, pour montrer qu’il agit, alors que des cliniques privées à proximité restent vides et l’arme au pied !!!! (TF1 13H, du 1/04) Tout ça pour tenter de donner le change.
Une épidémie d’abord prise à la légère.
Rappelons-nous les propos de la Ministre de la Santé fin janvier. Ils témoignaient de l’appréciation qu’on avait alors à l’Elysée et à Matignon sur l’improbabilité que la crise chinoise qui n’en était qu’à ses débuts parvienne jusqu’à nous. Nulle précaution, nulle anticipation alors. Nous campions sur la certitude d’avoir le meilleur système de santé du monde, de toute façon capable de faire face si par nature le virus osait pointer le bout de son nez chez nous. Nous sommes pourtant le pays qui a inscrit le principe de précaution dans notre Constitution. Cela me rappelle le Maréchal Le Boeuf disant à Napoléon III qu’il ne manquait pas un bouton de guêtre à ses soldats pour déclarer la guerre à l’Allemagne, en 1870. Ce qui me confirme dans ce jugement c’est l’accident Buzyn. Déjà, voir la Ministre de la Santé abandonner son poste alors que la crise sanitaire en était aux prémices, pour aller remplacer au pied levé le candidat Griveaux dans les conditions que l’on sait, c’était à la limite surréaliste. Probablement amère du score pitoyable qu’elle a obtenue, elle en a rajouté dans une interview dont les propos laissent rêveurs, pour affirmer qu’elle avait alerté l’exécutif du péril qui s’annonçait. On avait donc bien pris du retard dans la mise en place du dispositif de lutte contre une pandémie déjà en route.
Déluge verbal présidentiel : la verbigouvernance.
Cette grille de lecture nous permet de comprendre l’enchaînement des actions gouvernementales à partir de la fin de la première semaine de mars : prise de parole solennelle de Macron le 12 mars, annonçant la fermeture des écoles à partir du 16 mars, irruption de Philippe au 20H le 14 mars, veille des élections pour annoncer la tenue des élections mais la fermeture de tous les commerces sauf de ravitaillement, dès le soir même, puis à nouveau Macron le 16 mars pour annoncer les deux premières semaines de confinement. Cette avalanche de décisions témoigne d’une précipitation et tombe sur une France insouciante qui n’y comprend rien, continue de se promener et de profiter du soleil printanier. Il faudra le confinement strict pour que la prise de conscience ait enfin lieu. Il faudra du temps pour s’apercevoir qu’il est justifié avant tout par une pénurie … de tout : de masques, de tests, de gel hydro-alcoolique, de respirateurs, de personnels soignants. On découvre alors que nous sommes « verbigouvernés ». On parle beaucoup pour occulter une réalité sur laquelle on ne peut plus que faire semblant d’agir. Alors, Macron nous soule ! Il est partout, se déploie sur le terrain, à la Salpétrière, à Necker, dans un Ehpad, se métamorphose en chef de guerre en pérorant devant un hôpital militaire pour le symbole. Mais enfin, est-ce son rôle ? Tout ce qu’il annonce il l’a déjà dit à d’autres et multiples occasions. Le Premier Ministre n’est pas en reste qui doit prendre une heure et demie à la télé vendredi dernier pour faire le tour par le menu de tout ce qui a été entrepris, aréopage de scientifiques à l’appui, pour la fiabilité. Peur que la sienne ne suffise pas ?
Sondage cruel.
L’exécutif donne l’impression de courir après le temps perdu. On découvrira un jour qu’on aurait pu peut-être faire autrement. Au moins au passage, Roselyne Bachelot et ses millions de vaccins contre la grippe H1N1 se sera vue réhabilitée par ceux-là mêmes qui l’avaient pendue haut et court à l’époque. Nos gouvernants courent surtout après leur crédibilité. Car si certains sondages (Harris par exemple) semblent montrer une certaine cote de l’exécutif, le sondage approfondi publié par le Figaro mardi dernier est impitoyable et exprime une confiance en chute libre : 69% des Français pensent que l’action du gouvernement n’est pas claire, 70% qu’il ne dit pas la vérité, 75% qu’il n’a pas pris les bonnes décisions, 75% qu’il n’a pas fait ce qu’il faut pour équiper les hôpitaux, 79% qu’il ne sait pas où il va, 88% qu’il aurait dû décider le confinement plus tôt… D’où la tentation d’occuper les médias pour noyer la communication et empêcher l’opposition de s’exprimer, avec un Premier Ministre venant lui aussi régulièrement à la télé, un Ministre de la Santé donnant le compte-rendu précis et quotidien de la situation et une porte-parole zélée qui accumule les bourdes ! Sauf que l’efficacité du verbe présidentiel est indexée sur sa solennité. A se prononcer sur tout et à se répéter sans cesse, Macron le banalise : imagine-t-on le Général De Gaulle s’adresser à la nation pour annoncer qu’il a commandé un milliard de masques ! Il a encore parlé pour ne rien dire (de plus), entends-je autour de moi. Et le fait d’appeler sans cesse à l’union nationale est la preuve la plus certaine qu’elle n’est pas réalisée, car réitérer une consigne trahit toujours l’insuffisance, sinon l’échec de son application.
Vous l’avez compris, la débauche de com’ c’est le signe le plus tangible que le pouvoir est désemparé. Pas certain qu’il sauve les meubles de cette façon.
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