LA CRISE FINANCIERE EST TERMINEE. PAS SI SÛR !
27 août 2017
Août 2007 : la faillite de Lehman Brother déclenchait la plus violente crise que la planète financière ait connue, tant les « subprimes » truffés de créances insolvables avaient inondé le marché jusque dans les moindres recoins de nos banques. Dix ans après où en est-on ? On a l’habitude de dire que l’histoire ne se répète pas. Par contre, les mêmes causes entraînent toujours les mêmes effets. Dix ans après, les effets de cette violence secousse qui a touché le monde entier en bousculant toutes les économies, ont en grande partie été digérés. La question qui hante les esprits reste pourtant : « est-ce qu’une même crise peut se reproduire ? » Tentons d’y répondre sans entrer dans le détail de ce que les spécialistes et les analystes observent.
Voyons les chiffres.
L’endettement mondial atteint un record de 217 000 milliards de dollars, contre 142 000 milliards dix ans plus tôt. C’est 327% du PIB mondial ! La dette totale a augmenté de 2 000 milliards de dollars aux Etats-Unis et dépasse 63 000 milliards à la fin du premier trimestre de cette année. Dans ce contexte, on sait que la France n’a pas fait mieux et ce qu’il en est de sa dette qui a continué de gonfler. Les marchés ont beau bien se porter, on ne peut pas dire que la situation se soit totalement assainie.
D’abord ce qui est rassurant.
Les banques se sont remises du choc de 2007, sous la pression des autorités. Le risque systémique, grâce à un renforcement draconien des fonds propres, est devenu très faible. Elles ont mené de lourdes restructuration, notamment aux Etats-Unis et ont doublé leur capitalisation rapportée à leur risque financier. Les européennes n’ont pas encore tout-à-fait tourné la page, et certaines traînent encore des créances douteuses qui plombent leur bilan, en particulier en Italie. Mais le mécanisme de supervision unique est en place et prêt à parer à toute éventualité. Les mécanismes de régulation initiés par le Comité de Bâle, ONU de la finance, avec les accords Bâle 1 et Bâle 2, et les milliers de pages de réglementation, rendent presque impossible une faillite générale accompagnée d’un « bank run » (les gens se précipitent pour retirer leurs avoirs).
Ensuite, ce qui est inquiétant.
Les « subprimes ». Ils ont été à l’origine de la crise de 2007 et n’ont pas disparu. Au moins deux bulles existent aux Etats-Unis sur les crédits automobiles, et sur les prêts étudiants. Les crédits aux ménages très peu solvables ont aussi explosé et pèsent 33% des crédits titrisés.
La titrisation. Car autre mauvaise nouvelle, la titrisation a continué aussi. Cette procédure qui consiste à noyer des actifs peu solvables dans des paquets de titres avait contribué à aggraver la crise des « subprimes » dont ils étaient les vecteurs. Tous les produits toxiques n’ont pas été éradiqués et on en produit de nouveaux, malgré 320 milliards de dollars d’amendes. En cause, les nouvelles contraintes en capital et la faiblesse des taux qui ont réduit les marges des banques et ont poussé celles-ci à délester leurs bilans en recourant à la titrisation. La chine suscite aussi des inquiétudes car les banques y recourent à des montages de titrisations complexes pour se débarrasser d’actifs toxiques. Une trentaine d’entre elles totaliserait 2 000 milliards de dollars de ce type de créance.
De nouvelles bulles sur les marchés. Elles gonflent avec le déversement d’une masse considérable de liquidités par la Fed, la banque du Japon, puis par la BCE, qui font flamber les prix des actifs. Les indices boursiers ont bondi (265% pour le S&P). La plus grande menace est la sortie de la politique monétaire expansionniste, avec le risque d’un dégonflement brutal de la bulle obligataire. La Fed a commencé. La BCE devrait y venir en 2018. Il faudrait ajouter au tableau la flambée de la dette chinoise consécutive à la forte hausse du prix de l’immobilier. Elle est aujourd’hui sous contrôle du gouvernement chinois, mais pour combien de temps ?
Le comité de Bâle est en panne. C’est le dernier signal négatif. La sortie définitive de la crise financière s’embourbe dans des jeux de défense d’intérêts nationaux et il ne parvient pas à boucler la négociation portant sur les montants des fonds propres que doit détenir une banque pour couvrir les risques (Bâle III). La méfiance des Etats-Unis et la volonté de Trump de « déréguler » dans son pays ne sont pas étrangères à cet enlisement, alors que bien d’autres chantiers seraient à mener (trucages sur les marchés des changes, non-respect des embargos …)
Reste que rien n’a été fait pour tenter de réguler la finance de l’ombre.
Les hedge funds, les plates-formes de prêt participatif, les sociétés de gestion de patrimoine échappent à tout contrôle. Ce système parallèle représente le quart de la finance mondiale. Un défi immense pour l’économie mondiale, car contrairement aux banques, les prêts octroyés par ces institutions ne sont pas garantis par le dépôt des épargnants mais par l’argent que veulent bien leur consentir les investisseurs… Cela les rend particulièrement vulnérable à la conjoncture.
Pour tout dire, dix ans après, la finance mondiale vit et danse de nouveau sur un volcan. Nous ne sommes donc pas à l’abri d’un nouvel incendie, sauf que nos pompiers qui avaient été à l’oeuvre avec succès en 2007, la Fed et la BCE, aujourd’hui n’ont plus d’eau car elles ont pratiquement épuisé leurs réserves !
Le pire n’est pas toujours certain, heureusement ! Quoique ….
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