DANS QUEL MONDE SOMMES-NOUS ENTRES ?
02 mars 2016
Quelques éléments du baromètre mondial.
Pour ceux qui en doutaient encore, l'Europe s'est installée dans la déflation : moins 0,2% en février. La voilà sur le même chemin que le Japon. Ce n’est pas rassurant car c’est une déflation durable. L'euro a accusé le coup en chutant au-dessous des 1,09 malgré (ou à cause ?) les anticipations d'une intervention musclée de la Banque Centrale Européenne en mars. Certains commencent à douter que Mario Draghi a encore ses super-pouvoirs.
En Chine, à quelques jours de l’ouverture de l’Assemblée nationale populaire qui doit entériner le plan quinquennal 2016-2020, de nouveaux indicateurs dévoilés pour le mois de février montrent que la deuxième économie mondiale continue de ralentir. Voilà qui ne va pas manquer d’inquiéter les investisseurs.
Les Américains, eux, indifférents à la montée de Trump, affichent de bons indicateurs sur la production industrielle, et veulent une relance. Ils ont clairement dit au G20 qu'ils en avaient assez de tirer la croissance mondiale, ils craignent qu’elle finisse par les ralentir.
On attendait le G20 avec impatience.
Le G20 a frôlé le fiasco. Les voix ont été dissonantes, provoquant une déception des marchés. Il a néanmoins permis à chacun des pays d'exprimer sa différence. Mais aucune mesure concrète de relance coordonnée de l’économie mondiale. Ce G20 est probablement le premier d'une longue série car il faudra plusieurs sommets avant qu'on obtienne ces mesures concrètes qui sont inévitables. Tout le monde est conscient qu’une concertation est nécessaire, inévitable même. Mais il faudra du temps faute d’un chef d’orchestre qui entraine derrière lui. Pour tout dire, il manque au G20 un Sarkozy ! Mais où était donc la France ? Faudra-t-il encore plus de volatilité sur les marchés pour que les dirigeants politiques se mobilisent ? Toujours est-il que le G20 s'était à peine achevé sur le thème : « Ce n'est plus aux banques centrales de booster la croissance mais aux gouvernements », que la Banque centrale chinoise a mis plus de 100 milliards de dollars sur le marché en réduisant les réserves obligatoires des banques. Comme pied de nez aux autres pays, on ne fait pas mieux ! Ce serait drôle si ce n’était pas un signe tragique de chacun pour soi.
Un nouveau monde éclot peu à peu sous nos yeux.
Nous sommes à un tournant pour l'économie mondiale comme le prouve l'extrême fébrilité des marchés depuis le début d'année. Le monde connait des situations aux effets durables qui bouleversent nos données habituelles et notre perception : vieillissement démographique qui touche l’Europe et le Japon, mais pas seulement, universalisation du capitalisme qui s’affranchit des frontières et des Etats, réveil des empires tels que Chine, Russie, Iran, sous la pression des réflexes nationalistes et des tensions religieuses, transition écologique traduite par la Cop 21 et imposée par les conséquences du réchauffement climatique, sans parler de l’émergence de Daech et de sa terreur panislamique… Il en résulte des crises aigües qui se superposent à l’échelle planétaire : terrorisme, pandémies, catastrophes industrielles, désastres naturels… Et quand une entreprise comme Apple refuse de collaborer avec le FBI pour lutter contre le terrorisme, on comprend que les Etats tels que nous les concevons ne sont plus vraiment opérationnels face à la montée du cybermonde, l’ubérisation des économies ou la percée de l’intelligence artificielle.
Un monde sans puissance(s) dominante(s), voué à lui-même.
Aussi Les Etats sont-ils à la peine pour garantir la paix civile et la souveraineté telle que nous les concevons. D’ailleurs ils sont affaiblis par le surendettement autant que par la fragilité de leurs régimes politiques, notamment les démocraties, plus vulnérables que les dictatures totalitaires. L’Europe est particulièrement concernée. Elle est sous le feu croisé d’un choc déflationniste qui va ruiner les classes moyennes et de menaces intérieures et extérieures –terrorisme et migrations- qui déstabilisent les pouvoirs en place. Les pays de l’Union voient leurs institutions déligitimées et le populisme se développer. Elle se divise avec la menace de sortie de la Grèce et du Royaume-Uni, au lieu de se renforcer. Même les Etats-Unis n’échappent pas à la règle –on le voit avec le succès de Trump-, en se désengageant du monde, n’ayant plus ni la volonté ni les moyens de dominer le capitalisme et d’assurer la sécurité planétaire.
Et la France continue de sombrer.
En France, le quinquennat de François Hollande fait basculer progressivement le pays dans la révolte sous toutes ses formes. Plus que jamais, l’étatisme connait une crise de légitimité et toute réforme est bloquée par des institutions balkanisées défendant leur pré carré. Face à l’arrogance de l’exécutif avec sa fiscalité confiscatoire, ses dépenses publiques non maitrisées, sa fonction publique privilégiée au détriment des activités privées, la prolifération de ses réglementations jusqu’à la prétention de dicter les comportements individuels, les Français ont commencé par opposer un droit de retrait de citoyenneté en boudant les élections voire en votant pour le Front National pour manifester leur mécontentement. Mais les données sociétales et économiques montrent d’autres formes de révolte : grève des naissances (- 19 000 en 2015) pour riposter à l’attaque en règle menée contre la famille, grève de la production qui stagne pour l’industrie à son niveau de 1994, grève de l’investissement toujours très au-dessous de son niveau d’avant-crise (- 7%), grève de l’emploi marchand figé à son niveau de 2002, grève du dialogue social qui n’a plus aucun sens puisque bloqué systématiquement par les syndicats. Les parents et les enseignants contestent les réformes stupides, les médecins mettent en échec le tiers payant généralisé, les professions agricoles refusent d’appliquer le compte pénibilité, bientôt suivis par les artisans. Chaque année, 80 000 personnes à haut potentiel quittent la France et son enfer fiscal. Le Ministre des Finances se targue de faire revenir quelques dizaines de millions d’euros d’avoirs cachés en Suisse ou ailleurs, mais ce sont près de 300 milliards d’euros de capital productif qui se sont exilés. Les entreprises changent leurs statuts pour pouvoir devenir « européennes » et se réinstaller plus facilement ailleurs dans l’Union… Enfin, il y a les formes plus violentes de contestation comme le montrent actuellement les professions agricoles, mais aussi les conflits autour des taxis. La France est au bord de la faillite et même de l’implosion. Voilà la réalité. Et elle n’est pas gouvernée, c’est le moins qu’on puisse dire.
Il y a pourtant des signes positifs qui permettent de garder l’espoir. C’est ce qu’on verra dans le prochain billet du bloc-notes.
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