L’INFARCTUS DEMOCRATIQUE
06 avril 2022
Le 3 mars dernier, jour de l’officialisation de la candidature d’Emmanuel Macron, Gabriel Attal avait affirmé à la face de la nation que « la campagne présidentielle aurait bien lieu ». A quelques jours du scrutin, après la curieuse émission de télévision du 14 mars, dont les conditions avaient été dictées par l’Elysée, et celle de mercredi soir à laquelle le président sortant ne participera pas, il n’est pas exagéré de dire que le compte n’y est pas.
Le débat n’a pas été possible dans des conditions normales.
Dans sa brutalité sauvage, la guerre possède un pouvoir hypnotique. Elle vient s’ajouter à deux années de covid qui ont épuisés et sonnés les Français, confrontés à la hausse des prix, notamment des carburants, et désormais saisis d’effrois par la peur nucléaire pour les trois quarts d’entre eux selon un sondage du 3 mars. Et de fait les images tournant en boucle des destructions, des milliers de femmes et d’enfants jetés sur les routes d’Europe, ont rendu inaudible une campagne qui n’avait même pas vraiment commencé un mois avant le 1er tour. Les médias mettent le focus sur un président qui se démène, occupé à présider la France, à présider l’Europe, discuter et négocier avec Poutine, coordonner avec l’Otan notre riposte à la guerre russe et aider l’Ukraine. Il lui est resté bien peu de temps à consacrer à la campagne. D’ailleurs il est encouragé à cette stratégie par le réflexe légitimiste d’un peuple âgé et frileux dont l’âge médian des votants frôle la soixantaine du fait de l’absentéisme des jeunes et des actifs pauvres. Apeurés par une guerre omniprésente, déstabilisés par de sombres perspectives économiques, les Français semblent tentés par l’union sacrée derrière un président-candidat qui aspire des ralliements divers et variés de gauche et de droite, ce qui contribue un peu plus à brouiller le paysage politique et à étouffer les autres candidats.
La nécessaire respiration démocratique du pays est une fois de plus paralysée.
La France, au spectacle de la guerre n’aura débattu ni du bilan du quinquennat, ni de son avenir, ni vraiment des propositions des candidats. Une campagne à nouveau occultée alors que les Français se débattent dans des problèmes très lourds qui pourraient entraver sa survie en tant que nation libre. Rappelons-nous que la crise covid a étouffé au passage la question sociale, avec un gouvernement l’enterrant par la distribution de dizaines de milliards d’euros pour tenir la population à domicile, mais une crise si violente qu’elle a fait trembler la République et terrifié l’Elysée et Matignon au point qu’ils ont mis fin à leurs velléités réformatrices. Les fureurs protestataires ont disparu pour un temps, mais il n’est pas besoin d’être grand clerc pour voir que le feu couve toujours.
L’espoir de 2017 s’est fracturé sur le mur du réel.
Lourdement endettée, la France est en stagnation économique depuis des années. Le rebond de 2021 ne doit pas faire illusion, le pouvoir d’achat reste figé, artificiellement maintenu par des subsides distribués à crédit pour les plus pauvres. La situation à venir n’est pas réjouissante et ne peut que compliquer la situation avec des pénuries, de l’inflation et à la clé une remontée du chômage. Macron, de maladresses en paroles blessantes, d’erreurs de jugement en gouvernance amateur, de déni en effet d’annonce s’est montré incapable de réformer la France. Il n’a fait qu’accroître son mal. Jusqu’au scandale final de ses relations plus que suspectes avec McKinsey, qui fait l’objet d’une enquête préliminaire du PNF. Mais à ce jour, si Macron repassait ce ne serait pas sur son bilan calamiteux. Il aura été sauvé par la guerre aux portes de l’Europe et il se trouvera peut-être assez d’électeurs ayant bénéficié de la générosité présidentielle pour le remercier.
L’infarctus démocratique.
Quelle sera la part, cette fois-ci des abstentionnistes ? Il semble que ceux-ci s’annoncent nombreux. Et voilà que s’annonce le duel dont les Français, massivement, ne veulent pas, entre Macron et Le Pen. Un remake qui pourrait profiter, cette fois-ci, à la patronne du RN. Abstentions massives plus Le Pen en position de l’emporter : l’infarctus démocratique n’est donc pas exclu.
Sauf si un sursaut moral et national se manifeste le 10 Avril, désavouant tous les sondages. Ceux qui s’apprêtent à voter Macron et à prolonger l’avachissement de la France finiront-ils par voter Pécresse et engager son redressement ?
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