LE JOUEUR DE FLÛTE D’HAMELIN
06 mars 2019
Macron, c’est le joueur de flûte d’Hamelin : il nous conduit à la catastrophe. Il ne joue pas de la flûte, mais il parle. Il aime s’écouter parler aussi. Il a transformé le « grand débat » en Macronthons qui multiplient les contributions et les motions, mais ne résolvent en rien la crise. Et l’on découvre, si besoin était, ce qu’est le système de pouvoir qu’il a mis en place : immense et vide. Son discours sur l’Europe est du même acabit. Encore un coup de pipeau !
Depuis le discours de la Sorbonne…
Athènes, la Sorbonne : les deux grands moments européens qui ont inauguré le quinquennat. Mise en scène : le Parthénon, pour le premier, le temple du savoir pour le second. Le Président y proclamait une nouvelle ère et une action extraordinaire qui allait permettre la résurrection de la construction de l’Union du vieux continent. Les mots y étaient, pompeux et grandiloquents, les principes aussi, démocratie et puissance. Il allait entraîner tous nos partenaires dans son sillage et enrayer définitivement la glissade populiste. Le discours de la Sorbonne devait donner le « la », force est de constater que chacun a continué de jouer sa partition dans son coin. Il n’a été suivi par aucun autre pays sur ses propositions, qu’il s’agisse de la réforme de la zone euro ou de la taxation des Gafa.
La France peut-elle assurer le leadership ?
Pouvait-il en être autrement ? Pour entraîner les autres, il aurait fallu que notre pays donne l’exemple, qu’il se réforme en profondeur. La « transformation » n’est restée qu’un mot, mis à toutes les sauces pour cacher une réalité, elle aussi, immense et vide. Le bilan est celui que nous connaissons tous : champion du monde du déficit, des prélèvements, de la dépense publique avec une dette à 100% du PIB, un chômage de masse persistant quand il est à 6% en moyenne chez nos partenaires et un déficit commercial de 60 milliards d’euros. Pas étonnant alors que la France soit la risée de l’Europe quand elle veut faire la leçon. Car en plus, notre Jupiter tombé de l’Olympe ajoute l’arrogance !
Les mots, toujours les mots.
Emmanuel Macron ne peut pas s’empêcher de donner des leçons à la terre entière. Mais la réalité c’est qu’avec sa tribune il continue à isoler la France. Il a l’outrecuidance de passer par-dessus les gouvernements pour s’adresser directement aux peuples d’Europe. Viendrait-il à l’idée d’Angela Merkel de s’adresser ainsi aux Français pour leur dire ce qu’il faut faire ?
Ce que Macron propose, les Français n’en veulent pas, et les autres européens pas plus : toujours plus de technocratie ! On en crève en France, et il veut en rajouter une couche en Europe. Que retenir de sa tribune publiée dans les journaux européens sinon un peu plus d’incantations et d’organismes de gestion, comme s’il n’y en avait pas déjà assez. Un «conseil de sécurité européen» sans qu’on sache avec quels membres, selon quels critères et quelles modalités ; ainsi la France qui n’a pas été en mesure de faire accepter une coopération structurée permanente de défense avec moins de 25 États pourrait imposer cette idée ultra-sélective ! Comme ce n’est pas suffisant, il rajoute : une agence de protection des démocraties, un office de l’asile, une banque du climat, une agence de supervision des plateformes numériques, un conseil de sécurité intérieure, un conseil de sécurité extérieure, un conseil de l’innovation, et pour couronner le tout une «conférence pour l’Europe», grand débat fourre-tout version européenne, qui devra tout proposer. De la pure technocratie à la mode énarque : un problème égal une structure pour le résoudre. Au fond, comme dit à juste titre Bruno Retailleau : « cette tribune européenne est une tribune très macronienne : incantatoire et technocratique, c’est une tribune qui enfile les mots comme on enfile les perles. » Immense et vide une fois de plus !
L’air de la disruption.
Son talent de jouer de flûte il tente aussi de l’exercer dans la préparation des élections. La liste LRem est toujours un canard sans tête, mais elle ressemble de plus en plus à une auberge espagnole. Le caillou dans la chaussure ce sont les Républicains qui viennent de désigner un trio séduisant et qui incorporeront deux « centristes » d’Hervé Morin dans les vingt premiers, ce qui en fait vraiment une liste de la droite et du centre. Macron enrage de ne pas pouvoir annihiler la droite. Elle le gêne. Il fait tout pour tenter de la faire imploser. Certains tombent dans le piège, comme Juppé et Raffarin. Tant qu’elle existe, son rêve de se retrouver seul face à Le Pen, seule chance pour sa réélection, pourrait être compromis. Mais c’est un pari terrible, car soyons en persuadé, si cela se reproduisait, la prochaine fois c’est Le Pen qui l’emporterait. En attendant, Macron continue de tendre le miroir aux alouettes aux électeurs de la droite et du centre. Il infléchit son discours et il copie des morceaux du programme des Républicains. Mais cette disruption ne peut séduire qu’à la marge, tant la manoeuvre pue la vieille politique politicienne. Il faut dénoncer cette façon de faire. Mieux vaut, en effet, l’original que la copie. Il suffit de regarder la politique nationale qu’il mène : technocratique et dirigiste comme jamais, à droite par le verbe, mais à gauche dans les faits, penchant imposé par le groupe LRem composé très majoritairement d’anciens du PS. On cherche vainement le libéralisme sauf dans ce qui touche à la financiarisation de l’économie, en paiement des soutiens qu’il a obtenus lors de la présidentielle.
Heureusement, la musique de Macron n’est pas du Mozart, elle sonne faux, c’est pourquoi elle n’attirera pas grand monde. Car au fond, les ralliements de Juppé et Raffarin sont des « non événements », tant leurs prises de positions étaient prévisibles. Ils n'obtiennent que les commentaires des laudateurs du macronisme, abonnés aux « éléments de langage ».
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