CROISSANCE : REPRISE OU REBOND ?
08 octobre 2017
Le gouvernement a revu ses prévisions de croissance à la hausse.
Et l’INSEE a suivi : 1.8% en 2017. Un taux de croissance qu'on n'avait pas vu depuis 2011. C'est mieux évidemment, mais ce n'est pas exceptionnel. Relativisons : la France a accumulé un tel retard de croissance depuis 5 ans sur le reste de l'Europe et sur l'Allemagne en particulier qu'il est normal que nous assistions à un rattrapage. Avec deux moteurs qui tournent bien, la consommation des ménages et surtout les investissements des entreprises, et ça c'est une bonne nouvelle. Pourtant c’est rattrapage partiel seulement. Une fois passé l'effet de rattrapage après plusieurs années de surplace, nous allons voir si nous avons enfin la capacité à générer de la croissance, de la vraie croissance, de la croissance supérieure à 1 ou 1.2%, bien métropolitaine et non importée par la bonne santé de l’environnement mondial et européen. Selon les Echos, les économistes de Bercy ont jugé que la croissance potentielle de la France était de 1,25% par an. Voilà qui est trop faible, beaucoup trop faible. Et la cause, c’est une économie française encore trop bridée. Voilà pourquoi, le rebond est une aubaine, mais on ne peut être certain qu’il s’agit bien d’une reprise aux effets plus permanents. Des réformes structurelles majeures seraient la solution, mais pour les mettre en œuvre, il faudrait une véritable révolution « libérale » et on en est encore loin. C’est un thème sur lequel j’aurai l’occasion de revenir.
Une ombre au tableau.
63 milliards d'euros : c'est le montant du déficit commercial prévu par le gouvernement pour 2017 et 2018. Soit quinze milliards de plus qu'en 2016. Et cette ombre persistera longtemps car c'est un problème structurel en France, le moteur des échanges commerciaux avec un déficit commercial toujours aussi dramatique. Tant que notre balance des échanges sera déficitaire, nous ne pourrons pas dire que la France est sortie d’affaire, car ce montant ampute considérablement chaque année les efforts qui sont consentis pour produire de la richesse supplémentaire.
Le plafond de verre de notre économie.
En économie, les gouvernants ont tout tout intérêt à prendre en compte la « croissance potentielle », qui est un peu, nous disent les économistes, la limite de la zone rouge dans le compte-tours des voitures. Au-delà de cette limite invisible, l'activité est condamnée à se retourner - ou à dégénérer en crises douloureuses sur les prix ou la dette. Il est donc des plafonds qu'il vaut mieux connaître pour éviter de se cogner la tête ou plutôt de se prendre les pieds dans le tapis. En France, ce rythme serait d'à peine un peu plus de 1 % l'an - 1,2 % l'an d'après les derniers calculs du Trésor. Le gouvernement actuel en fait une démonstration, puisqu’avec un chiffre qui excède la « croissance potentielle », on voit la dette augmenter et les dépenses publiques avec ! Comme la France s'est traînée depuis 2012, il a une petite marge de manœuvre supplémentaire qui sera rapidement épuisée avant d’entrer dans la zone vraiment dangereuse. Il serait évidemment stupide de piloter la politique économique avec ce seul indicateur mais il serait tout aussi stupide de l’ignorer, car il donne malgré tout un ordre de grandeur du possible. Convenons que cet ordre de grandeur n'est pas très rassurant : depuis la fin de la dernière guerre mondiale, nous avons pris collectivement l'habitude d'une croissance beaucoup plus rapide, qui donnait des facilités à la fois pour les comptes du foyer et pour ceux de l'Etat ou de la protection sociale.
Cette « croissance potentielle » n'est pas gravée dans le marbre.
La France a un formidable potentiel de croissance, si elle sait mobiliser sa population, ses territoires, ce qu’il reste de son capital. Un indicateur suffirait à le montrer : à peine 64 % de ses 15-64 ans ont un emploi ! Quand les pays nordiques, le Royaume-Uni, l'Allemagne sont tous plus de dix points au-dessus. Rattraper leur niveau suffirait produire un point de croissance supplémentaire par an pendant une décennie ! Mais voilà, pour exploiter ce gisement, il faudrait améliorer le fonctionnement du marché du travail – ce qu’on tente de faire timidement avec la loi Travail-, changer les règles sur la retraite et les habitudes des entreprises sur l'emploi des seniors et, surtout, mieux former jeunes et moins jeunes. Et là, la tâche est gigantesque : elle touche à deux monstres d’inefficacité, l’Education nationale et la machine de la formation professionnelle qui gaspillent chaque année des dizaines de milliards d’euros. Ce que le Medef a stigmatisé avec un slogan vite retiré : « Si l’école faisait son travail, j’’aurais un travail ! » Avec le nouveau Ministre de l’Education et l’annonce de la réforme de la formation professionnelle, on peut espérer quelques avancées. « Eduquer mieux, former toujours » : on voudrait y croire, tellement le déficit de compétence est flagrant. Le champ des possibles se rouvre. Encore faudrait-il que les enseignants et les professionnels de l’entreprise arrêtent de se regarder en chiens de faïence. On est donc loin d’être entré dans le dur ! Il faut attendre pour voir. (Si j’entrais dans le détail, il faudrait doubler la longueur du texte).
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