MELENCHON VOIT ROUGE
11 avril 2017
Le Staline charismatique.
Marseille : toute cette foule, le soleil, l’ambiance, c’est génial ! Et puis, quel tribun ! Mélenchon fait le show et attire. D’ailleurs, tous les sondages le disent : il est perçu comme quelqu'un d'honnête, qui a une vraie vision et de plus en plus, qui a la stature d'un président de la République. Et pas fier, avec ça ! Incontestablement, le tournant de la campagne de Jean-Luc Mélenchon vient de sa bonne performance lors du premier débat télévisé, le 20 mars dernier, où il est apparu comme un homme sincère, fidèle à ses convictions, et sur la forme, avec ses grandes qualités de tribun. Depuis son image dans l'opinion a connu une très forte progression. Surtout, sa prestation a vidé de son sens la candidature de Benoît Hamon. Peut-être les gens ont-ils pensé, alors pourquoi se priver ? Autant voter pour le si sympathique Mélenchon. Au moins lui n’a pas un balai dans le c… comme son concurrent de gauche. A partir de là, la dynamique Mélenchon a profité de l'auto-entraînement médiatique. Plus on parle du "candidat qui monte", plus il monte, et plus il monte, plus on en parle.
La dépense publique comme recours.
La formule est connue pour définir ce qu'est l'élection présidentielle française : c'est la rencontre d'un homme ou d'une femme et d'un peuple. Le risque est que le projet disparaisse derrière le profil. C’est pourquoi une question se pose : « Le succès actuel de Mélenchon vient-il d'un électorat en phase avec ses idées ? » C'est assez curieux, alors que le contexte n'est pas du tout favorable à la gauche, et encore moins à la gauche radicale. Tout d'abord avec le rejet profond du quinquennat de François Hollande, mais aussi avec les questions économiques et sociales. Dans les enquêtes d’opinion, une majorité de Français souhaite tout le contraire de ce que propose la gauche radicale : moins d'impôts, moins d'Etat, plus de flexibilité et de liberté pour les entreprises. Le héraut de La « France insoumise » est devenu un candidat « normal », juste un peu plus à gauche que les autres. Il serait temps, vraiment temps, de se réveiller. Jean-Luc Mélenchon défend un projet insensé que peu de gens ont apparemment lu. En politique étrangère, son anti-américanisme est aussi fort que son engouement pour la Russie et le Venezuela. En économie, il manie les centaines de milliards d'euros quand d'autres se contentent de chiffres avec un zéro : avec lui, les dépenses nouvelles ordinaires grimperaient de 173 milliards (évaluation minimaliste), avec, en sus, un plan d'investissement de 100 milliards. Les dépenses publiques, déjà supérieures à 55 % du PIB aujourd'hui, franchiraient donc la barre des 60 % - avec quelques économies comme, forcément, l'arrêt des subventions à l'enseignement privé. Voilà un record mondial qui se profile à coup sûr parmi les pays développés. Les prélèvements obligatoires bondiraient, eux aussi, nettement, et pas seulement avec une imposition à 90 % des plus hauts revenus. Marine Le Pen a un programme de gamine à côté !
L’Etat maitre de l’économie.
Cette vision de la politique économique, qui fait croire qu'il suffit d'injecter de l'argent public pour qu'il en sorte de la croissance et de l'emploi, est si répandue en France qu'elle ne surprend plus. Le fait que depuis trente ans elle ait échoué, ne l’empêche pas de perdurer. Le candidat des insoumis y ajoute une nouveauté pour faire croire que cette fois cela va marcher : la sortie de l'euro. Car il ne faut pas s'y tromper. Les conditions que Jean-Luc Mélenchon pose au maintien de la monnaie unique avec la reprise en main politique de la BCE et la capacité pour les banques centrales de financer directement la dette publique, sont telles qu'elles ne sont pas acceptables par l'Allemagne, qui a la stabilité monétaire et l'autonomie de la politique monétaire comme obsession depuis l'hyperinflation d'avant-guerre. Ce projet radical aurait le même destin que le Programme commun de 1981 : l'échec car il repose sur une double illusion économique. La France n’est pas un champ clos où l’on peut cultiver ses salades sans s’occuper des voisins. Encore faut-il répéter quelle catastrophe pour notre économie et l’épargne des Français provoquerait la sortie de la monnaie commune, avec en plus une dette décuplée par le découplage franc-euro. Mais il est vrai, la dette Mélenchon s’assoit dessus. Pas certain que ce soit l’avis de nos prêteurs.
Y’a comme un défaut !
Pour nous rassurer, les faiseurs d’opinion nous expliquent qu’il ne pourra guère monter plus haut. On aimerait bien les croire. On est encore tout surpris de la « standing ovation » que lui ont fait les étudiants d’une grande école en économie. Je pense tout de même que la gauche radicale ne pèse pas 20 % de l'électorat en France. Mélenchon peut encore récupérer quelques voix de Benoît Hamon, mais pas beaucoup, car il restera toujours un petit socle d'électeurs fidèles aux socialistes. S’il veut encore élargir, il lui faut viser maintenant les abstentionnistes : 35 % des électeurs ne sont pas encore sûrs d'aller voter. Parmi eux, il y en a qui hésitent entre l'abstention et le vote Front national, comme signe de protestation. Ceux-là pourraient être tentés par un vote Mélenchon. Il peut encore cibler l'électorat populaire, celui des classes ouvrières, des régions désindustrialisées, lui aussi très tenté par le Front national, ce qu'on surnomme le « gaucho-lepénisme ». Le problème, c'est que ses propositions socio-économiques peuvent plaire à ces électeurs mais sur les questions régaliennes, notamment l'immigration, il est complètement à l'opposé de leurs attentes. Et c'est un sujet prioritaire pour cet électorat. Ce sera donc très compliqué de les attirer. Ouf ! (provisoire)
L'ascension de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages ne passe pas inaperçue. Au point que même les marchés commencent à s'inquiéter d'un duel Le Pen- Mélenchon au second tour. Hier, les taux français se sont tendus à 0,92%... Aux yeux de l'opinion, Emmanuel Macron se place encore comme le candidat le plus crédible pour occuper le poste suprême. Mais paradoxalement, le candidat d'En Marche garde encore les traces de son passage dans le gouvernement Hollande ce qui ne contribue pas à solidifier son socle. Et ça, il semble bien que les Français ne l'ont pas oublié. Mais tout peut encore changer : il suffit que l’un des quatre premiers réussisse à déplacer 600 000 voix (une broutille). Et Fillon y croit plus que jamais.
Décidément, cette campagne présidentielle ne ressemble à aucune autre...
Demain : Fillon porte de Versailles !
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