LES FISTONS FLINGUEURS (2ème EPOQUE)
30 mars 2017
Dans un premier temps, les « fistons flingueurs », le bouillant Manolito et le prophète Emmanuel se sont attachés, chacun à sa façon à éliminer le gêneur, François Hollande, de la course présidentielle. On ne saura jamais lequel des deux traitres aura été le plus déterminant, toujours est-il qu’ils sont parvenus à leurs fins. Logiquement, ils auraient dû s’affronter dans la bataille, mais voilà, Manolito s’est fait battre par le frondeur Hamon à la primaire de la « belle alliance », dénomination qui prend tout son sens avec le parjure que l’ancien premier ministre vient d’accomplir en ne respectant pas son engagement de soutenir le vainqueur.
Le baiser du dragon.
L’Emmanuel reçoit donc le baiser de la soumission de son ancien patron. Un « baiser du dragon » n’en doutons pas, tant l’hidalgo voue une détestation tenace à celui qui fut son ministre et qu’il ne souhaite surtout pas voir élu. Un soutien, donc, qui sera aussi loyal que l’engagement pris devant les électeurs de la gauche. Car pour Manolito il s’agit bien de continuer sous une autre forme l’affrontement avec son rival. « Valls, ce n’est pas notre problème » proclamait naguère le leader d’En Marche ! Ben si, il suffit de voir la réaction de l’intéressé devant ce ralliement gênant. « Il n’est pas le bienvenu » : voilà pour rassurer sur sa droite, « Je le remercie » : voilà pour ne pas mécontenter sur sa gauche. Du pur Macron. Du côté Manolito, on a encore en mémoire les plaisanteries qu’on faisait au cabinet sur le rival parti en solitaire : « Macron, il ne peut pas être une espérance. Il a fait trois soirées pour délivrer son diagnostic. A la première il nous a dit que le ciel est bleu, à la deuxième que le soleil est jaune et à la troisième que la mer est bleue. On dirait du mauvais Ségolène Royal ! » .Le contentieux entre les deux hommes est très lourd. Valls n’a pas apprécié l’impunité et les libertés prises par le Ministre des Finances qui l’ont obligé à défendre des positions, comme sur les 35 heures, pour assurer la cohésion gouvernementale. De son côté, il ne s’est pas gêné pour museler Macron, en le rétrogradant dans le rang protocolaire et en détricotant sa loi. Puis les soupçons de vilénies ont pris le pas, rumeurs nourries par Matignon d’un côté, ragots venus de Bercy de l’autre. Et les divergences de fond ont fait le reste : sur la laïcité, sur la déchéance de nationalité, … Les « disruptions » chez De Villiers ou à la fête de Jeanne d’Arc conduiront à l’irrévocable.
Le Macronisme est un oxymore.
Toute la stratégie de Macron repose sur une posture que j’ai déjà expliquée. Plus de la moitié des Français ne croient plus ni à la droite, ni à la gauche, qui représentent pour eux une impuissance politique. Ils se fondent sur le bilan du quinquennat de Sarkozy, sans tenir compte de la crise de 2008 et sur celui de Hollande qui a aggravé la situation avec des chômeurs en plus et une dette qui a continué de croître alors qu’il avait toutes les conditions pour obtenir l’amélioration souhaitée. Avec 6 millions de chômeurs et précaires et 9 millions de pauvres, la France à la traîne de l’Europe, on peut comprendre la tentation Le Pen pour les plus humbles, et la tentation Macron pour les jeunes et les bobos huppés qui refont le monde dans les salons de St-Germain-des-Prés. Le jeune candidat a commencé à croire qu’il pouvait apporter une autre réponse en dépassant les clivages : proposer un autre schéma qui conduise à l’efficacité d’une politique et d’un projet, en sortant du carcan idéologique de la gauche et des rigidités ou conservatismes. Las, la multiplicité des ralliements et leur caractère pour le moins hétéroclite et contradictoire, apparaît comme le recyclage de tous ceux qui ont échoué. Le pire gage d’impuissance, compte tenu que l’après élection débouche sur une autre aventure qui pourrait bien être une France ingouvernable. Sa posture pour combattre l’impuissance devient elle-même cause d’impuissance. Drôle d’offre nouvelle ! D'autant plus que près de 40% des Français indiquent pour l'instant un vote blanc ou une abstention. Donc : pas convaincus !
Valls veut sa revanche.
Croire que Manolito va renoncer, c’est mal connaître le caractère volontaire du Catalan. Il fera tout pour rebondir. Comme il lui parait impossible que ce soit avec la gauche de son parti avec laquelle il ne partage pas grand-chose, il ne peut que prendre le train En Marche, pour l’instant. En sachant qu’il fera tout ce qu’il faut pour le faire caler. Il a commencé en laissant fuiter qu’il pourrait « travailler avec Fillon si celui-ci était élu ». Il sera le caillou dans la chaussure. Il peut parier sans beaucoup se tromper que le Parti Socialiste réduit à son aile gauche n’ira pas bien loin et le maigre score du promoteur du revenu universel ne lui permettra pas de garder la main mise sur la rue de Solférino. La place sera vacante et Valls se met en position du raminagrobis prêt à bondir. Quant à En Marche ! Qu’en restera-t-il si son inventeur est battu ? Il sera temps alors de construire une nouvelle offre à gauche plus moderne et sociale-démocrate, moins idéologique et plus en phase avec la réalité : une vision qui colle bien à l’image que voulait se donner Manuel Valls, avant que Hollande se serve de lui pour l’affaiblir. Pour l’heure, il met en difficulté son parti qui apparaît complètement éclaté avec son refus d’honorer sa signature et en cautionnant la démarche de recomposition entamée par son rival. Mais comme dans les fables de La Fontaine, attendons la fin !
Dans un contexte électoral aussi volatil, il vaut mieux avoir un capital indestructible de 20% plutôt que 25% dont la moitié pourrait changer d'avis dans l'isoloir.
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