REMEDE PATRIOTIQUE vs MIROIR AUX ALOUETTES
27 février 2017
Le « politique » en ruine.
Que penser de l’annonce de l’ouverture d’une « information judiciaire » dans l’affaire Fillon, un vendredi soir à 20H, sinon de la malveillance de la part de ceux qui l’ont ainsi programmée, pour qu’elle se répercute pendant tout le week-end, avec des interprétations on ne peut plus tendancieuses. Vous avez dit « instrumentalisation » ? Le mot est faible. Depuis le début, cette affaire est une suite de manipulations de l’opinion publique pour abattre le seul candidat crédible de cette campagne et empêcher l’alternance. Comme c’était compliqué de le combattre sur ses idées, on a cherché à l’atteindre sur ce qui faisait son socle aux yeux des électeurs de la droite et du centre, sa probité, par une mise en scène bien orchestrée. Ce faisant, le pouvoir en place aggrave son bilan. Même le paysage politique présente un champ de ruines et les déboires de la gauche emportent tout sur leur passage. La trahison de Bayrou, car c’en est une, ne contribue pas à embellir un tableau bien sombre, lui qui mendia et obtint au moment des régionales des places pour le Modem sur les listes LR : un beau salaud ! Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le peuple, toujours prêt à Marat comme prêt à Tibère, se réfugie chez Le Pen ou chez Mélenchon. Cela ne fait que confirmer le diagnostic : la France va mal, les Français sont dans un grand désarroi. Au point de voir dans Macron le sauveur : il ne sera que le prolongateur du naufrage, tel le joueur de flûte d’Hamelin.
En effet, les électeurs qu’il suffit d’écouter, abrutis par le tam-tam médiatique, sont presque unanimes dans le rejet de la politique ; ils ne mâchent pas leurs mots, mais ne sont guère préparés à faire leur choix. L’élection au suffrage universel est censée donner le pouvoir au peuple. De quoi se plaint-il donc ? La France est l’un des pays d’Europe, et même du Monde qui offre le plus large choix démocratique. Qu’il commence par aller voter, au lieu de se répandre dans les réseaux sociaux au point qu’il en oublie d’aller aux urnes.
La manipulation et la croyance.
La France comptait fin janvier 5 486 000 demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A, B et C. Un chiffre en hausse de 0,4% sur un mois et de 0,5% sur un an. Comment le pays ne serait pas au bord de la crise de nerf avec un tel fardeau ou plutôt un tel échec. C’est que ça dure depuis trop longtemps. Alors qui croire ? La multiplication des sources d’informations n’aide pas à y voir clair et les experts qui encombrent les plateaux médiatiques tiennent des arguments contradictoires selon qu’ils sont des économistes atterrés ou pas. Y a-t-il des responsables ? Non ! Jamais ! « Pas de bol » a dit le sous-président-de-mes-deux. Au moins Sarkozy et Fillon avaient l’excuse de la crise qui n’était pas de leur fait. Mais essayez de le faire entendre … Alors à qui s’en remettre ? C’est là que le choix est ouvert entre la manipulation et la croyance. Car la véritable conscience politique n’habite aujourd’hui qu’une frange étroite de l’électorat, quel que soit le bord politique.
La tentation du « neuf » ou de ce qui y ressemble.
Le cas Macron sera étudié un jour comme un cas d’école : comment devenir une icône médiatique en moins de six mois après avoir été un ministre éminent d’un gouvernement discrédité au point que les deux têtes de l’exécutif ont été évacuées de la compétition présidentielle ? Il s’est construit avec l’aide d’un environnement médiatique qu’il a lui-même favorisé lorsqu’il était en place. Il utilise habilement le « dépassement des clivages », posture s’appuyant sur des études d’opinions, suscitant les ralliements de tout ce que la France compte d’habituels opportunistes toujours prêts à aller à la soupe. Tout ce qui brille n’est pas or. Il en est de même en politique. Voir Bayrou côtoyer Cohn Bendit sur la même barque, on ne sait plus si on doit rire ou pleurer. Mais qu’on ne s’y trompe pas, derrière la posture et l’emballage, le « hollandisme » est bien présent, à peine modernisé. Va-t-on en reprendre pour cinq ans ? Mêmes causes, mêmes effets, il ne faut donc pas s’attendre à des miracles. Certains ont trouvé leur « sauveur ». Ils ne sont pas exigeants. Mais le brouillage médiatique est là pour empêcher que le message passe.
La tentation du : « on n’a pas encore essayé ».
Il y a ceux qui dénoncent le « tous pourris » et le système depuis bientôt quatre décennies. A force de marteler le message, et surfant sur la misère, ils réussissent à capter maintenant un bon quart des électeurs. Puisque les faits semblent leur donner raison : regarder la violence, la progression du communautarisme, le chômage de masse attribué aux forces maléfiques de l’Europe et de la mondialisation… c’est facile à comprendre. La gauche en est largement responsable, y compris quand la droite était au pouvoir par la violence des combats qu’elle menait contre sa politique de bon sens. Le temps emporte tout, et il est facile aujourd’hui de mettre tout le monde dans le même sac. Puisque tous les autres ont échoué… pourquoi ne pas essayer Marine. Tant pis si ça doit conduire au gouffre : on ne vous écoutera pas, pas plus si vous essayez de dire qu’en matière de « pourris », ils n’ont rien à envier aux autres. Et maintenant, comme un clou, plus vous taperez dessus plus il s’enfoncera !
Le rationnel n’a pas sa place.
C’est pourtant ce qu’on pourrait attendre de l’électorat d’un grand et vieux pays démocratique : une aussi longue expérience devrait avoir entraîné les citoyens à faire des choix rationnels. C’est faire l’impasse sur la passion d’une part et sur l’inculture d’autre part. Je pèse mes mots. La passion est acceptable, bien qu’elle rende aveugle. L’inculture est inexcusable mais elle s’explique par le recul de l’esprit critique et les progrès de l’obscurantisme, et surtout une ignorance crasse des ressorts de la vie économique. La sphère internet n’est pas étrangère à la progression des deux. On peut alors se demander pourquoi les faits ne suffisent pas à convaincre les gens qu’ils ont tort en faisant tel ou tel choix : d’abord, il est plus facile de nier les preuves factuelles que de renoncer à ses croyances. Des milliers d'expériences ont démontré comment les gens déforment et sélectionnent les faits pour les adapter à leurs croyances préexistantes. Il a été identifié un second facteur, connexe, nommé « effet rebond » (en anglais, backfire) : corriger les erreurs factuelles liées aux croyances d’une personne n’est pas seulement inefficace, mais cela renforce ses croyances erronées. Voilà pourquoi, par exemple, toutes les poursuites entamées contre Marine Le Pen n’ont aucun retentissement sur son électorat.
Le discours de vérité peut-il être entendu ?
Une chose est pourtant limpide : seul Fillon en cas de victoire disposerait un mois plus tard d’une majorité claire à l’Assemblée nationale pour mettre en œuvre sa politique, dont les deux pivots sont le rétablissement de l’ordre républicain et le redressement des comptes publics pour créer les conditions du retour au plein emploi. Tout le reste est aventure. Mais voilà, la vérité de son diagnostic est peu complaisante et ne cherche pas à faire miroiter des promesses intenables. Ce que font tous les autres, y compris Marine Le Pen.
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