LE PEN POUR LE PIRE !
10 février 2017
Marine Le Pen domine la campagne électorale. Tous les sondages lui accordent la première place au premier tour, avec une avance de trois à quatre points sur le second. A « l’émission politique », elle a été regardée par trois millions et demi de téléspectateurs, ce qui n’est pas un score extraordinaire. Cela n’empêche pas certains de craindre qu’elle ne finisse par l’emporter. Les mêmes sondages ne lui donnent pourtant pas la moindre chance face à François Fillon ou Emmanuel Macron et le sentiment, dans l’opinion anti-Le Pen, est qu’elle ne sera jamais élue présidente de la République. Mais la campagne est secouée par des événements si surprenants et à peine croyables que l’on finit par se demander si, avec la succession des coups de théâtre qui jalonnent cette course à la présidence, le candidat arrivé deuxième au premier tour sera assez fort pour éliminer la candidate du Front National au second tour.
La catastrophe puissance 144.
144 promesses et 40 milliards de mesures économiques constituent le socle du programme de Marine Le Pen, dans lequel on fait oublier les thèmes habituels du FN sur l’immigration et la sécurité, au profit de mesures plus consensuelles pour amadouer et « apaiser ». Les concessions et les cadeaux électoraux notamment en direction des PME, ne suffisent pas à faire oublier le cœur du sujet : la sortie de l’euro et le protectionnisme avec une vision de la réindustrialisation de la France qui évoque plus les cheminées en briques que l’envolée numérique. Elle n'explique pas comment, prenant l'exemple de l'industrie automobile, elle arrivera à les faire fabriquer en France sans faire venir de l'extérieur, notamment d'Asie, les nombreux composants que nous ne sommes plus capables de fabriquer sur place. Marine Le Pen se bat donc principalement sur le terrain économique et social et c’est la raison pour laquelle, après avoir inculpé l’euro de tous nos maux, elle l’a gardé comme cheval de bataille. Comme tous les démagogues, elle est prête à poursuivre cette bataille absurde, et suicidaire pour la France, contre la monnaie unique parce qu’elle est convaincue que c’est le moyen le plus sûr pour elle d’arriver au pouvoir, bien que 68% des Français y soient hostiles. Concernant l'Euro elle fait preuve d'une incompétence notoire : "personne ne s'est aperçu qu'il a baissé de 30%", affirme-t-elle. Sauf que ça s'est vu à la pompe, puisque le pétrole a augmenté et que le prix du carburant est resté pratiquement stable, parce que nous payons le pétrole en dollars ! Par contre le prix de l'immobilier se remet à flamber, logique quand la valeur de la monnaie baisse. Voilà un autre indice. La baisse de l'Euro n'a pas d'impact sur nos échanges avec nos partenaires européens et est un avantage sur les marché internationaux pour nos exportations. Remplacer l'euro par le Franc, à valeur égale, est une naïveté de plus. Est-elle certaine que la Banque de France possède suffisamment d'or en stock pour garantir cette parité ? A-t-elle évalué le coût du remplacement des billets ? Et comment peut-elle garantir que la nouvelle monnaie ne s'effondrera pas dès lors qu'elle ne sera plus sous la protection du bouclier que constitue la monnaie commune, avec un pays surendetté, des déficits abyssaux et des objectifs de croissance fantaisistes ? L'euro est une monnaie stable qui assure la valeur du patrimoine et de l''épargne des Français. Que péserait un petit franc face au gros dollar de Trump ? Cela revient à dire que Marine Le Pen ne voit pas d’inconvénient à ruiner le pays et ses habitants pour gagner contre tous les autres. En guise de France prospère, juste, puissante, c’est la ruine des épargnants, la chute massive du pouvoir d’achat sans parler de la fuite en avant des déficits et de la dette. Avec elle, tout est simple et limpide, mais c’est l’économie pour les nuls, et on est atterré de voir François Langlet désarmé face à son interlocutrice.
La faute aux autres.
Je passe sur la litanie patriotique habituelle du discours lepéniste, avec l’islamisation toujours en point de mire. Il faut bien entretenir le fonds de commerce. Rien de nouveau. Suit un autre classique populiste : nos malheurs viennent des autres : la mondialisation affreuse, l’Europe en échec. Elle pourfend les élites, vantant le peuple qui seul « peut conduire le pays à la lumière ». « J'ai frappé ma candidature du sceau du peuple… Vous avez compris, l'actualité récente en a apporté une démonstration éclatante, contre la droite du fric, la gauche du fric, je suis la candidate de la France du peuple ». Elle oublie elle-même qu’elle est condamnée par le parlement européen à rembourser un million d’euros pour les emplois fictifs qui ont servi à rémunérer ses proches, entre autres, et que le trésorier et plusieurs cadres de son parti sont mis en examen dans le cadre d’un financement illicite de sa dernière campagne présidentielle. Le mérite des Le Pen, c’est qu’il ne manquent jamais d’aplomb. La question européenne est au coeur de son projet. La candidate estime que « L'Union européenne nous a mis sous tutelle » et la députée européenne veut soumettre un référendum aux Français « pour se démettre de ses cauchemars et redevenir libre ». Se replier sur le réduit français au moment où les empires américains, russes et chinois montrent les muscles, ne faudrait-il pas plutôt songer à renforcer l’Europe… ? La députée européenne dresse un parallèle entre la mondialisation et le fondamentalisme islamiste. Elle fait le procès du mondialisme économique qui refuse toutes les régulations et dépossède la nation de ses éléments constitutifs, et qui permettrait selon elle à un autre mondialisme de naître et de croître, celui du fondamentalisme islamiste. Un raccourci simpliste comme toujours. Mais elle ne voit pas la contradiction avec l’éloge qu’elle fait de Trump, qui met à bat tous les efforts de régulation menés sous Obama. Bah, on n’est pas à ça près au FN !
Le piège de l’incantation patriotique.
La crise et le chômage ont créé un désespoir qui facilite la manipulation et le mensonge. La mise au pas de Jean-Marie Le Pen et l’avènement d’une extrême droite plus souriante ont levé les interdits qui maintenaient le FN à 10 ou 12 %. Celle-ci s’est efforcée de donner à l’opinion des gages sur ses intentions en matière de respect de la démocratie, qui restent, malgré quelques coquetteries de façade, dangereuses pour les libertés. À force de démolir les candidats traditionnels, l’électorat risque de se retrouver au second tour devant un choix bancal susceptible d’assurer par défaut la victoire de Marine Le Pen. De ce point de vue, les malheurs de François Fillon pourraient être aussi ceux du pays. Un Fillon affaibli, un Macron naïf ou un Hamon mélenchonisé ne parviendraient peut-être pas à venir à bout d’une Le Pen dopée au « populisme ». Cette éventualité relève du séisme, d’un chambardement politique d’une telle ampleur que non seulement il plongerait la France dans la désespérance mais il détruirait l’Europe.
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