LE GRAND CIRQUE
23 février 2017
Ce n'est plus une campagne présidentielle, c'est un cauchemar. Entre le nouveau binôme « anti-système » Bayrou-Macron, le binôme révolutionnaire « Mélenchon-Le Pen», Hamon le rêveur, et Fillon qui est la cible de tous, il y a de quoi mal dormir la nuit. Nous venons de perdre cinq ans, cinq ans où toutes les planètes s'étaient alignées pour un vrai sursaut de croissance. Va-t-on perdre les cinq prochaines ?
B comme Boulet.
Bayrou aura tout fait. De Hollande à Macron en passant par Juppé, il a passé son temps à combattre la droite, ce faisant il a aussi dynamité son propre parti. Le voilà qui fait son grand retour en adoubant Macron qu'il qualifiait encore hier « d'hologramme » derrière lequel se cachaient les grands intérêts financiers. Son ralliement à Macron est pour Bayrou une façon de confirmer qu’il est plus à gauche qu’à droite, qu’il combat donc aussi bien Fillon que ses ex-amis de l’UDI, conformément à une évolution qui depuis 2004 l’avait conduit à faire battre la droite dans les régions et il y a cinq ans, à appeler à voter Hollande. D’ailleurs, soutenant Alain Juppé, il a sûrement contribué à sa défaite, ce qui devrait faire réfléchir l’Emmanuel, qui pourrait y voir un mauvais présage. Sa première condition à une alliance avec le chef d’En Marche, c’est l’adoption d’une loi de « moralisation publique ». Une de plus, me direz-vous. Le catholique en mal de rapport à l’argent veut donner une ultime leçon que le « goupillon » lui commande. La vérité, c’est qu’il en manque furieusement –d’argent- pour faire une énième campagne, tout seul qu’il est dans son coin, abandonné même par son plus fidèle grognard, Jean Lassalle qui s’est mis à son propre compte. En guise de « sabre », il ne lui restait plus qu’un coup tordu. Un suicide en réalité. Il n’aura jamais le destin présidentiel pour lequel il se croyait fait. Un boulet.
M comme Mirage.
Le virevoltant Macron, pour grossir son électorat, est prêt à faire de très importantes concessions quitte à modifier son programme, ce qui n’est pas très difficile. On sait qu’il est prêt à tout, y compris à changer d’avis ensuite. Sauf que Bayrou n’apporte pas grand-chose de plus à Macron, à part lui-même, tout comme le pseudo écolo De Rugy. Ils sont en quelques sortes les habituelles scories que la vie politique génère quand on ne sait plus à quel saint se vouer, celles de l’errance d’une mangeoire à l’autre. Avec Bayrou, Macron est tombé dans un piège : celui de l’alliance. Bayrou « n’intègre » jamais, pour mieux trahir ensuite. Tous ceux qui ont fait ce genre de contrat avec le leader du Modem se sont rapidement aperçus qu’il était ingérable, autoritaire et personnel. Comme le dit Jean-Louis Borloo : « ils ne vont pas tarder à se haïr ! ». Une alliance qui va plomber le marchand de vent plus que lui rapporter. Donc le Béarnais préfère s’allier avec un candidat qui est somme toute comptable du désastreux bilan hollandais, plutôt qu’avec François Fillon, en utilisant des arguments dérisoires. Pourtant ce dernier, qu’il encensait au printemps 2016, porte le projet le plus proche des exigences qu’il énonçait naguère. Au demeurant, Macron-Bayrou, c’est l’alliance de deux faiblesses : l’un prisonnier de ses continuelles ambiguïtés, l’autre sans soutiens ni électeurs, courant après son influence évaporée. La vérité est certainement moins « morale ». Il s’est fait doubler par le leader d’En Marche qui lui a phagocyté son espace politique et il n’avait pas d’autre choix que lui emboîter le pas. Ceux qui le connaissent bien savent qu’il a négocié une contrepartie pour lui-même.
R comme Retour.
Il y a au moins une exigence de Bayrou qui pose un sérieux problème : celle qui concerne l’introduction de la proportionnelle dans le scrutin des législatives et qui n’est pas autre chose qu’un retour à la IVème République. Le chef du MoDem a toujours réclamé la proportionnelle parce qu’il souhaitait pour son parti un nombre de sièges plus élevé. Malheureusement, pour lui donner le bonheur de voir siéger ses « centristes », nous devons courir le risque d’assister à une invasion de députés du Front national. Ce n’est pas le seul inconvénient : le scrutin proportionnel présente l’immense faiblesse de renvoyer le pays au système des partis que de Gaulle avait liquidé en fondant la Vème République et à l’instabilité politique permanente. Macron sera peut-être d’accord, mais l’électeur peut avoir une opinion différente. La proportionnelle, que même Hollande avait promise, reste un vieux débat. Certes, elle est infiniment plus juste que le scrutin majoritaire à deux tours, mais entre l’injustice et une France gouvernable, on est fondé à choisir la seconde.
Il est difficile de voir dans ce mariage politicien les fondements d’une offre politique nouvelle : additionner l’inexpérience à l’échec ne constitue pas un socle crédible, une somme qui ressemble plutôt à un « sauve-qui-peut ». On attend avec impatience la prochaine surprise de cette campagne déprimante à bien des égards. Heureusement qu'il reste Nathalie Arthaud ou Poutou … Je plaisante !
Bon, nous on a François Fillon, c’est là qu’est la solution !
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