PROMESSES ET … REALITES.
16 novembre 2016
L’économie internationale n’a pas l’air de faire partie des préoccupations des candidats à la primaire de la droite et du centre, encore moins de ceux de la gauche toujours abrités derrière leur idéologie. C’est pourtant capital. Quand on élabore un programme, on chiffre les propositions dans un contexte donné. Mais ce contexte sera-t-il le même dans quelques mois, au moment de les mettre en applications ? Il ne suffit pas de faire des promesses, encore faut-il qu’elles soient réalisables au moment de les tenir. C’est que nous sommes dans un monde ouvert et nous ne sommes pas tout seuls. Notre économie dépend de nombreux partenaires européens et mondiaux, est soumise à une concurrence internationale où les concurrents, notamment des pays émergents, produisent des niveaux de gamme voisins de ceux de notre pays avec des coûts de production plus bas.
Or le contexte est en train de changer.
On a beaucoup parlé de l’alignement des astres, permettant des conditions exceptionnellement favorables à la croissance. Les « astres » en question sont trois : le coût du pétrole, les taux d’intérêts, la valeur de l’euro. Nous avons vécu une période de pétrole peu cher, de taux d’intérêts très bas, et de chute de la valeur de l’euro très favorable pour nos exportations. Jamais les conditions n’auront été aussi favorables à l’Europe, mais la France n’en a guère profité et a échoué à enclencher un cycle d’expansion solide. Elle se traine avec une croissance de 1,3% en 2016 et ne fera guère mieux l’an prochain si l’on en croit les prévisionnistes. Or les stimulants sont en train de s’effacer ou se renversent : la croissance ne pourra alors que ralentir ! Evidemment rien n’est certain, comme toujours. Mais les causes d’incertitudes s’accumulent et l’économie a horreur de l’incertitude.
Les taux d’intérêt remontent fortement.
Ce qui se passe sur les taux d'intérêt américains en particulier et sur les taux en général est même spectaculaire. C'est sur les taux d'intérêt que le plus grand tournant sur les marchés est en train de se jouer. Or ils s'envolent. Le mouvement vient des États-Unis où les taux des emprunts nationaux à 10 ans se traitent en ce moment au-dessus de 2,20% : plus 50 points de base en quelques jours. Et l'onde de choc se propage partout. En Allemagne où le taux d'emprunt à 10 ans était négatif il y a peu, il cote déjà à 0,30%. Ce mouvement avait été amorcé quelques jours avant la victoire de Trump mais c'est effectivement elle qui a provoqué cette remontée. Car les marchés l’interprètent comme la fin des politiques d'austérité et le début des politiques de relance, comme la fin de la rigueur fiscale et le retour d'éventuels déficits et surtout comme la fin de la déflation et le retour possible de l'inflation. De fait, le programme de Trump est de type keynesien avec relance par les grands travaux, la baisse des impôts, le retour de la politique d’endettement et le protectionnisme. On aura l’occasion de développer tout cela.
La guerre du pétrole peut recommencer.
Et ça aura des répercussions sur le prix du baril. Inévitablement. Pourtant on avait découvert que l'Iran inondait le marché en augmentant sans arrêt sa production si bien que les instituts spécialisés ne voyaient aucun ralentissement de l'offre de pétrole dans les 5 à 10 années à venir. Il a fallu une fois de plus que l'Arabie Saoudite intervienne pour limiter la casse. Pour cette dernière, le pétrole ne doit pas baisser en dessous de 50 dollars et elle fera tout pour qu'il se maintienne au-dessus de ce niveau. Elle veut, en fait, le maintenir dans une fourchette de cours de 50 à 60 dollars, le temps qu'elle organise la mutation d'une économie 100% tournée vers pétrole en une économie plus diversifiée. Cela fait d’ailleurs plusieurs mois maintenant qu'elle a sifflé la fin de l'effondrement des cours, effondrement qu'elle avait voulu pour fragiliser l'industrie du pétrole de schiste américain. Trump a expliqué pendant sa campagne qu'il bloquerait toutes les importations de pétrole pour favoriser l'industrie nationale et pour que les États-Unis soient définitivement indépendants en matière d'énergie. Et du coup, l'Arabie Saoudite a menacé Trump : le ministre de l'Énergie saoudien n’a pas pris de gants : à savoir que les États-Unis auraient plus à perdre qu'à gagner à bloquer les importations car l'Arabie Saoudite et ses alliés de l'OPEP prendront des mesures de rétorsion qui auront de graves conséquences pour la croissance américaine. Bonjour l’ambiance, d’autant plus que Trump a été élu depuis ! Mais on peut compter sur l'Arabie Saoudite pour reprendre la main à tout prix, c'est pour elle un enjeu majeur pour son avenir.
Le commerce mondial s’essouffle.
Le signe : les exportations chinoises en baisse. Le grand pays d’Asie commence à rééquilibrer son économie vers la consommation intérieure. Le FMI a élaboré un scénario de « hausse généralisée du protectionnisme sous forme d’un relèvement des barrières tarifaires et non tarifaires ». Cela conduirait forcément à amputer la croissance mondiale. Or, nous avons déjà en Europe le Brexit qui pourrait alimenter cette projection, et maintenant les Etats-Unis avec les promesses « trumpettes » de taxer à 45% les importations chinoises et 35% certains produits mexicains, et aussi de geler le TAFTA. De quoi rendre asthmatique une croissance mondiale déjà poussive et sans souffle. Ces évolutions politiques rappellent furieusement celles menées dans les années trente, mais heureusement, il parait que l’Histoire ne se répète jamais.
Les quatre vulnérabilités de la France, plus une…
Et la France dans tout ça ? Elle aborde cette nouvelle ère qui s’ouvre avec quatre facteurs de vulnérabilité : une croissance insuffisante malgré les rodomontades pitoyables de Sapin-les-bas-roses, un déficit public excessif qui n’a pas fait l’objet d’une volonté politique suffisante pour le diminuer, un chômage de masse que les coûteuses mesures en trompe l’œil tendent à faire baisser tangentiellement mais partiellement sans rien résoudre, et un handicap de compétitivité qui n’a pas été réduit. Ce sont les faiblesses que tentent de corriger les projets des candidats de la primaire. Ils supposeraient que toutes choses restent égales par ailleurs et que les efforts considérables que cela demandera puissent être menés dans un contexte favorable. Et de ce point de vue, malheureusement, il faut craindre que cela ne soit pas le cas. Encore faudrait-il ajouter un handicap supplémentaire : la facture laissée par la gauche de 25 à 30 milliards supplémentaires qu’il faudra bien financer. Aussi, les candidats devraient-ils prendre en compte ces données dans leur chiffrage. Sinon, c’est le risque de faire des promesses qui ne seront pas tenues une fois de plus. Même si la faute ne leur en incombe pas -on ne sait pas de quoi demain sera fait- le peuple en jugera autrement. Un boulevard pour Marine Le Pen et le populisme !
Le débat à droite.
Deux sondages Ifop et Kantar-Sofres confirment l’ascension de François Fillon. Cette tendance permet même d’envisager une victoire de l’ancien Premier ministre si, d’ici le premier tour, il gagne encore plusieurs points. Pour le moment, la percée de François Fillon se fait au détriment de Bruno Le Maire, d’Alain Juppé mais aussi de Nicolas Sarkozy qui ne progresse pas ou perd quelques points. Mais le plus surprenant, c’est l’attaque virulente de Jean-François Copé contre lui. Bien qu’il n’ait aucun espoir de figurer au second tour, ce dernier reprend quelques arguments éculés, comme la participation de l’ancien Premier ministre à toutes les actions de son président. Nul ! Mais avec cette nouvelle donne, le débat de jeudi soir risque d’être tendu. Tout dérapage sera catastrophique. Ce n’est pas le moment, alors que Mister Macron annonce sa candidature en souhaitant jouer les trouble-fête à gauche comme à droite, de perdre de vue l’objectif : désigner le meilleur candidat et se retrouver tous derrière ensuite. Ils feraient bien de profiter de ce dernier moment de confrontation pour aborder les sujets fondamentaux que sont l’avenir de la France dans l’Europe et la nouvelle donne créée par l’élection américaine. Et surtout ne pas faire comme si ça ne changeait rien ! Bref, comment comptent-ils adapter leurs propositions en cas de modifications importantes du contexte international dont nous dépendons avec évidence. Sinon, il sera plus prudent de voter pour le plus... prudent, si on veut éviter encore une fois la déception post électorale.
La réalité a un gros défaut : elle est têtue !
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