LIBERALISME : MAIS DE QUOI PARLE-T-ON ?
29 novembre 2016
Le jour d’après.
François Fillon s’est réveillé lundi matin dans la peau du candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle. Déjà on en sentait le poids dans la gravité de son propos de dimanche soir. Avec 66,5 % des voix, sa victoire sur Alain Juppé au second tour est sans bavure. Place désormais à la campagne, la vraie : l’ancien Premier ministre a affirmé sa volonté de « vaincre l’immobilisme et la démagogie » de la gauche et du Front national. La participation au vote a montré un réel intérêt pour les programmes et c’est au moins aussi important que le nombre des votants. Les débats télévisés ont peut-être déçu les amateurs de pugilat, cela n’a pas empêché qu’ils aient été très largement suivis. Ils ont permis de passer en revue les propositions des uns et des autres, si bien qu’aujourd’hui nul n'ignore les intentions du vainqueur.
La France a donc besoin de libéralisme.
Tout le monde à droite et au centre en est bien d’accord : la France a besoin d'une dose de libéralisme pour améliorer sa compétitivité, et la volonté du candidat choisi d’adhérer à cette nécessité est une bonne nouvelle. Les résultats de notre économie sont en effet si médiocres qu'ils suffisent à condamner l'idée des demi-mesures qui ont été trop longtemps le lot commun des gouvernements, souvent de droite d’ailleurs. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le revenu national par habitant n'a pas progressé depuis 2008, le chômage reste massif, l'industrie est à la peine, et tout cela en dépit d'une relance monétaire sans précédent et d'un déficit budgétaire constant. La baisse de l'euro et du prix du pétrole auraient dû nous sauver... hélas, chacun constate qu'il n'en a rien été.
Mais quel est le libéralisme de François Fillon ? Contrairement à ce qui est affirmé par les commentateurs bien intentionnés, il n’a rien « d’ultra ». Il est même plutôt tempéré puisque l’objectif final est de ramener le taux de prélèvement de 57% à 50 ou 51% en fin de mandat, c’est-à-dire proche de la moyenne européenne. Il propose une dose de libéralisme qui permettra de déverrouiller l'économie. C’est pourquoi, après la séquence de la primaire, il doit maintenant convaincre. D’abord son camp en affirmant qu’il ne reculera pas. Ensuite au-delà, tous les Français de bonne volonté. Il ne s’agit pas, comme les adversaires vont s’employer à le faire croire, d’une purge et de charger la barque au point d’aller dans le mur aussi bien sur le plan politique que social. François Fillon doit en effet convaincre que son projet sera efficace économiquement.
Libérer l’économie est une nécessité.
Nous vivons dans un pays « d’économie administrée » par l’Etat. Celui-ci enserre les entreprises dans un carcan de réglementations qui les étouffe : droit du travail touffu, durée hebdomadaire du travail, compte de pénibilité, marché du travail encadré, qui transforment le moindre patron en agent administratif noyé sous la paperasse. Il empêche la croissance de l’entreprise par les multiples charges, taxes et impôts qu’il prélève à tous les moments de sa vie. Il préfère mettre en place des dispositifs coûteux d’incitation tels que les suppressions de certaines charges sur les bas salaires ou des crédits d’impôts différés qu’il contrôle, comme l’usine à gaz du CICE. Résultat : les entreprises embauchent en profitant des « effets d’aubaine », ou recourent au CDD, mais rarement pour accompagner le développement de l’outil de travail au fur et à mesure du carnet de commandes. Précarité et chômage sont les fruits amers de ce carcan. Et pourtant du travail, il y en a. Il est urgent de desserrer cet étau, et de le faire vraiment, en évitant les méthodes de « contournement » trop souvent utilisées par la droite dans le passé : les heures supplémentaires non fiscalisées pour éviter de supprimer les 35 H en sont un bon exemple. Il faut « libérer » l’économie.
Quelques mesures libérales du projet.
Rendre l’économie plus compétitive, c’est alléger le fardeau financier qui les assomme. Moins de rentrées, c’est donc forcément moins de dépenses. Voilà pourquoi on en arrive au nombre des fonctionnaires qui représentent le principal gisement d’économies pour l’Etat. Il ne suffit pas d'affirmer la nécessité d'une gestion plus économe des deniers et des emplois publics, dont tout le monde convient, en annonçant la suppression de 500.000 emplois publics pour l’assurer. Il faut expliquer et justifier cette diminution ambitieuse afin que chaque fonctionnaire ne se sente pris pour un bouc émissaire. Cette diminution, pour être convaincante, doit évidemment s’accompagner d'une redéfinition du périmètre de l'Etat, d’une simplification de notre millefeuille administratif et d’une modernisation des moyens de gestion, lesquelles ne se feront pas en trois mois !
De même, il ne suffit pas non plus de se contenter d'évoquer le report de la retraite à 65 ans, autre fardeau : il convient de dire pourquoi cette mesure sera nécessaire alors que le passage à 62 ans ne date que de 2010.
Enfin, et ce n’est encore qu’un autre exemple, la suppression promise de l'ISF et la hausse de la TVA méritent évidemment d'être explicitées au moment où la demande d'équité suscite des débats violents dans toutes les démocraties. Il faudrait faire lire à chaque Français « l’entreprise pour les nuls », pour qu’ils comprennent que sans investisseurs, il n’y a pas d’emplois.
Au sujet de la TVA, il existe une confusion savamment entretenue par la gauche : le lien automatique à la hausse des prix qu’elle engendrerait si on l’augmente. Or ce sont deux mécanismes distincts et la corrélation n’est en rien systématique. Les 2 points de hausse pouvant très bien être absorbés par les effets de la concurrence des prix des produits sur le marché. De plus, il faut souligner que la hausse de la TVA n’est pas un prélèvement supplémentaire, mais un transfert d’imposition puisqu’elle vise à baisser les charges des entreprises, patronales et salariales. Enfin, soulignons que la hausse du taux général de 20 à 22% fait participer, par la même occasion, les produits importés au financement de notre protection sociale. On est loin de « l’injustice » qui est l’argument le plus souvent mis en avant.
Le fil rouge : la « Liberté »
Le but poursuivi par François Fillon, en instillant une dose de libéralisme, autrement dit de « liberté », dans l’économie ou le temps de travail, n'est pas seulement le rétablissement des comptes mais celui de la compétitivité globale de la France au moment où celle-ci affronte la transformation digitale. Ce faisant, il redessine les contours de la société, propose une vision de la France, ancrée dans sa tradition et ouverte sur la modernité, et de la France dans le monde, où elle doit retrouver son leadership en Europe et son influence internationale au-delà. Face à la désorganisation inédite de la gauche, au désordre institutionnel, François Fillon a rassemblé le coeur de l'électorat de la droite. Fort du succès qu’il a rencontré et de la légitimité que son camp vient de lui donner, il lui appartient maintenant de l’obtenir du peuple français, en continuant de faire preuve de réalisme et d’humilité, ces deux qualités qui le caractérisent si bien. Il a cinq mois pour faire la pédagogie de son projet.
Car il a le double devoir de gagner et de réussir ensuite son mandat.
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