LE DENI PERMANENT
23 septembre 2016
Le déni, avec la procrastination (remettre à demain) c’est la marque du quinquennat de Hollande. Avant 2012, on avait le déni de la crise. Tout était dû à la vilaine politique de Sarkozy. Depuis son élection, les dénis de réalité ont fleuri comme jonquilles au printemps. Sur la courbe du chômage, sur la croissance (« elle est là »), sur les prélèvements, sur les déficits… Il a passé son temps à mentir aux Français. Mais voilà, on arrive au bout du terme, et le champ de ruines qu’il laisse n’est en rien sa faute. C’est ce qui ressort de l’entretien publié dans la revue « Débats » au cours duquel il écrit à sa manière l’Histoire (faut-il un H majuscule ?) de son quinquennat.
Le roi de la défausse.
Tenez-vous bien, tout ce qui arrive ou est arrivé, il n’en est pas responsable. Ses malheurs, son impopularité ne sont pas le résultat de son action personnelle, mais proviennent « des lois incontournables de la politique ». Ainsi, « c’est le destin de la gauche de gouvernement de toujours être accusée de trahison ! » et c’est inexorable, « dès son accession aux responsabilités ». Qu’il n’ait tenu aucune des promesses de sa mélopée (vous savez l’anaphore) du débat avec Sarkozy n’y est absolument pour rien. Le procès aurait eu lieu quoi qu’il arrive. Donc, si on comprend bien, son rejet a été automatique et n’a rien à voir avec son bilan ; il pousse même l’outrecuidance jusqu’à se dédouaner de toute responsabilité personnelle ! Il voudrait dire qu’il n’a servi à rien qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Message reçu !
Populaire, mais après …
Ce qui ressort aussi de cette interview, c’est l’observation de la popularité a posteriori dont bénéficient les gouvernants une fois qu’ils ont quitté le pouvoir. Autrement dit, le peuple ingrat juge toujours sévèrement le pouvoir en place, ce qui n’est pas faux. Il faut attendre l’impopularité du pouvoir suivant pour voir son cas personnel réévalué. L’exemple de Chirac vient évidemment à l’esprit. C’est ce que Hollande appelle le « réenchantement a posteriori ». La formule sonne comme un regret pour celui qui voulait « réenchanter le rêve français ». Mais surtout ce type de raisonnement lui permet de s’exonérer de toute autocritique. Il ne voit pas que le niveau d’impopularité qu’il subit, aucun autre ne l’a connu avant lui. Mais à quoi bon, puisque l’impopularité et les échecs sont le fruit de la fatalité qui atteint tous les présidents : « La contestation globale du pouvoir l’emporte sur le jugement sur les idées que je représente et mon action » affirme-t-il sans barguigner ! Comme il va se représenter en 2017 (on parie ?) et sera battu, ce ne sera donc pas lui, mais « le pouvoir » qui sera mis en échec. Fatalité ultra commode, ce qui lui permet de prévenir : « Les électeurs qui auront voté pour le prochain président ne l’auront fait que pour empêcher le pire (Marine Le Pen). Donc par défaut et pas par adhésion. La contestation de son action est inscrite par avance dans les données du scrutin » anticipe-t-il. Sidérant, non ? Il part d’un constat qui est aujourd’hui une évidence à savoir la présence de Marine Le Pen au second tour, mais c’est pour s’exonérer une fois de plus de toute responsabilité, alors que ce scénario est le fruit de sa faiblesse personnelle qui conduit à l’élimination de la gauche. Et en plus, il légitime par avance la contestation dont le nouveau pouvoir fera l’objet.
La cavalerie budgétaire à la rescousse.
En attendant, le pouvoir charge la barque pour 2018 dans des proportions qui relèvent du jamais vu. Deux raisons peuvent l’expliquer : primo, faire feu de tout bois pour essayer quand même de se faire réélire en multipliant les cadeaux électoraux, et secundo, pourquoi se gêner si on doit être battu. De fait, l’ardoise commence à être salée, entre les dérapages budgétaires de l’assurance maladie, de l’assurance-chômage, les prélèvements qui ne diminuent pas, les baisses d’impôts pour trois ou quatre millions de petits contribuables et les artifices pour entrer dans les clous des exigences bruxelloises auxquels il faut ajouter les 12 à 15 milliards d’euros de déports programmés pour après 2017. Le nouvel exécutif ne va pas trouver un lit de roses pour commencer son mandat. Le tout dans un contexte de faible croissance.
Le chœur de louanges et les grandes orgues.
Comme le peuple imbécile ne voit pas les bienfaits de sa politique, tout est mis en œuvre pour tenter de les lui rappeler. La « garde rapprochée» est donc astreinte à vanter les charmes d’un mandat raté. Sapin-les-bas-roses fait l’éloge du quinquennat en multipliant les contre-vérités et en habillant les chiffres pour les rendre présentables, sans se rendre compte qu’il fait rire tout le monde chaque fois qu’il se targue de son habituel : « Nous sommes sérieux ! ». Marisol Touraine crie sur tous les toits qu’elle a « sauvé la sécu », avis que ne semble pas partager la Cour des Comptes qui constate le relâchement des dépenses de santé, et pépère lui-même y va de son refrain en étant « fier de son bilan sur la compétitivité » ! Peur de rien. Il entame même des manœuvres politiciennes pour tenter de recoller les morceaux à gauche, sans quoi sa candidature n’ira même pas jusqu’au bout : sourires à « l’amer de Lille », Pimperonelle chargée de récupérer le monde enseignant avec des propositions ineptes comme la scolarité jusqu’à 18 ans (on ne change pas une politique qui échoue), Taubira chargée de remonter au front bien qu’elle n’ait pas les « compétences pour guérir les gens du Figaro » (grave), comme elle dit. Et n’oublions pas Camba dans le rôle du ravi de la crèche dont le rôle assigné est de vanter le génie du Maître et de taper sans retenue sur l’ancien président, considéré comme le meilleur fédérateur de la gauche. Bref, L’air préféré, on le connait : « Tout va très bien Madame la Marquise … »
Tout fout le camp.
Oui, rien ne va, mais il refuse de le voir. La démission de Macron lui porte pourtant un coup fatal. Il a été obligé d’accepter le principe d’une primaire : une humiliation. Depuis des mois il tente d’organiser les conditions favorables à sa réélection, mais rien n’y fait, il reste collé au fond de la casserole, comme le caramel quand il a brûlé. Il a beau multiplier les signaux sur le terrain gouvernemental et de prendre de la hauteur par un activisme diplomatique effréné au cours de l’été, tous ses efforts n’ont servi à rien. La multiplication des candidatures à gauche, au sein du parti ou pas, avec les frondeurs Hamon, Lienemann, Benahmias, Filoche, de Rugy, sans oublier Montebourg et surtout Mélenchon, tout contribue à banaliser la candidature du sortant. La cerise sur le gâteau, c’est le cas du « traitre » Macron dont les sondages prédisent qu’il serait le mieux placé pour le remplacer. Seuls 17% des Français lui feraient confiance, 12% parmi les ouvriers, 10% parmi les employés. La base politique et sociale se dérobe sous ses pieds. Les Français ont simplement fait une croix sur lui. Mais près de 70% sont persuadés qu’il sera candidat alors que 12% souhaitent sa candidature : tout est dit ! Ses électeurs ont déjà tourné la page « Hollande ». Il veut quand même imposer sa candidature à la gauche. Toujours dans le déni, au mépris des règles et de la constitution, il mène, sans le dire, campagne tambour battant aux frais des contribuables (où est donc Anticor ?), et va faire un discours surréaliste devant ses amis de Terra Nova, pour étriller la droite et commencer à décliner son programme : le « discours de Wagram »… Bah, n’oublions pas qu’après, il y a eu la Bérézina !
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