JUPPE SOUS VENT PORTEUR, SARKOZY SOUS SPI, FILLON A LA MANOEUVRE…
19 septembre 2016
Le match devient passionnant.
La métaphore de la régate convient bien d’ailleurs.
Alain Juppé, si l’on en croit les sondages, mènent toujours la course. Cette semaine, il a hissé une voile au portant avec le thème de « l’identité heureuse » dont il veut faire l’un des fers de lance de sa campagne « joyeuse ». A Strasbourg, excellent choix pour la portée européenne, devant près de 2 000 personnes, il a décliné son « idéal », donnant à son discours une dimension de civilisation tout en déclinant la culture française et les valeurs auxquelles il croit et qu’il souhaite voir partagées par les Français. Ennuyeux ont critiqué certains. Profond, j’ai trouvé ! En voilà un qui suit son cap sans se démonter. Alain Juppé est un homme de caractère bien trempé qui ne se laisse pas facilement démonter. Calme et solide à la barre, il faudrait pourtant qu’il pousse un peu sa goélette avant que des vents contraires n’arrivent.
La saturation « Sarkozy ».
En effet, qu’on aime ou que l’on déteste Nicolas Sarkozy, on ne peut pas ignorer la dynamique de sa campagne. Il a durci le ton déjà depuis quelques temps, en critiquant sévèrement la politique d’immigration du gouvernement et en proposant de renforcer les mesures de sécurité et d’adapter l’État de droit aux situations d’urgence. Il était jeudi dernier sur le plateau de France 2, le lendemain à Calais, le jour suivant à Nice… il mène son train à un rythme effréné. Fidèle à lui-même, il n’est ni dans la modération ni dans la mesure. Il continue à solliciter, par ses annonces sévères pour les immigrés et les chômeurs, l’électorat du Front national, et l’assume d’ailleurs sans vergogne. Sa prestation télévisée a montré qu’il a une phénoménale capacité à répondre à tout sans s’en laisser compter, même quand son interlocuteur devient un adversaire plus qu’un interviewer. Si la gauche dénonce ces dernières semaines ses « propos excessifs», Nicolas Sarkozy qui prétend être le candidat qui protège les Français, s'est montré pendant plus de deux heures particulièrement pugnace et serein, malgré les nombreuses interruptions de ses interlocuteurs. «Je me suis battu», constate-t-il en fin d'émission. Soulignant qu'il n'avait «aucune amertume», ni «aucune revanche à prendre», il a insisté sur le fait qu'il «n'était pas François Hollande» : «Je parle à tous les Français. Je ne parle pas à un camp.» Les Français, «j'irai les chercher un à un», a-t-il conclu. Et ça paie : il attire sur sa personne les feux des projecteurs, ce qui semble laisser dans l’ombre ses concurrents, à commencer par Alain Juppé, au rythme de campagne beaucoup plus soft et aux propos plus … modérés. Les sondages semblent montrer (restons prudents), que, même en tenant compte de la marge d’erreur, la primaire de la droite opposerait au second tour Nicolas Sarkozy à Alain Juppé. Et si celui-ci a encore l’avantage au second tour (52-48), on est désormais dans un rapport de forces qui peut s’inverser.
Un face à face déroutant.
Cette course présidentielle où l’on compte bien trop de candidats est tout de même surprenante. Les quatre-cinquièmes de l’électorat, si l’on en croit les enquêtes d’opinion, ne veulent ni de François Hollande, ni de Nicolas Sarkozy, et tout se passe pourtant comme s’ils devaient être les deux derniers finalistes. Construction médiatique ou résultat inexorable d’un trop plein de prétendants de part et d’autre. Ou les deux ! Face aux manœuvres politiciennes de l’actuel président, son prédécesseur l’a bien compris et c’est pourquoi il n’hésite pas à être dans la surenchère dans à peu près tous les domaines : immigration, sécurité (mise en détention de tous les fichés « S » dangereux), climatique, sociale. Il surfe sur le bilan désastreux du quinquennat actuel et l’indécision permanente de Hollande, il sait que le calme et la sagesse d’Alain Juppé, le train de sénateur d’un François Fillon, n’exercent pas sur l’électorat la fascination d’une campagne rythmée, scandée, échevelée, et parie que les paroles courtoises et sincères de l’un, la démonstration sérieuse de l’autre, ne résisteront pas à son torrent verbal, à son ubiquité, à son énergie. Il ne suffit pas d’avoir raison. Il faut être partout. Il faut le dire avec force. Il faut galvaniser. Reconnaissons que c’est redoutable !
Les autres candidats peuvent-ils créer la surprise ?
François Fillon fait des efforts pour exister. Son axe de campagne est en accord avec ses discours : le sérieux, et il part du principe que les Français sont prêts pour adhérer à son programme sans concession. Il égrène ses vérités comme le petit Poucet ses cailloux blancs : un jour une exigence morale, un autre un constat financier imparable. Il a beau être qualifié comme le plus solide par une multitude de gens crédibles, les Français en question ne semblent pas s’en rendre compte. On a le sentiment qu’il prêche dans le désert. Et si les Français n’étaient pas prêts ? C’est une question qui mérite d’être posée quand on voit les réactions à la loi travail. Mais ce n’est peut-être qu’une impression comme en témoigne sa cote de popularité. Néanmoins, la sérénité et la précision de ses réponses à chacune de ses apparitions, comme lors du « Grand Rendez-vous » d’i-télé, plaident largement en sa faveur. S’il réussit les débats qui s’annoncent, il peut apparaître comme le bon choix entre un Sarkozy trop pugnace et un Juppé trop retenu. Le fait est qu’il marque des points. Affaire à suivre, donc !
Bruno Le Maire qui grappillait des points, lui aussi, et qui se voit relégué à la 4ème place. Pourtant son discours sur le système éducatif, par exemple, mérite d’être entendu. Son offensive de rentrée entamée ce dimanche peut lui permettre de revenir dans la course. Mais 1000 pages, c’est beaucoup pour un projet, quand on sait que le Français moyen décroche au bout de vingt lignes. Et son discours qui caricature Sarkozy et Juppé pour justifier le « renouveau » relève plus de la posture que de la démonstration. Attention à ne pas céder à la facilité. Car, bizarrement, alors qu’il incarne une forme de renouveau, avec un projet et du contenu, il se fait voler la vedette par un voltigeur transgressif, Macron pour ne pas le nommer, qui surfe sur du vide. Inquiétant non ? Dans un contexte où les sondages leur sont très défavorables, ils sont bien obligés de faire l’impasse dessus pour continuer d’y croire. « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ... » On connait la suite. Après tout, une surprise est toujours possible et il faut la souhaiter.
Il est trop tôt, heureusement, pour en conclure que l’hypothèse d’une élection présidentielle qui remettrait en présence la même bande des trois (Hollande, Sarkozy, Le Pen) proviendrait du constat que les autres candidats de la droite et de la gauche ne sont pas plus enthousiasmants que ceux dont ils souhaitent prendre la succession. Attendons le résultat de la primaire pour en juger.
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