UN BUDGET BIEN TIMORE
01 octobre 2014
Ce n’est pas avec le projet de budget présenté en conseil des ministres que la France va s’en sortir. Il sent le Sapin laborieux. Passons sur les effets de manche grandiloquents pour vanter des efforts qui n’en sont pas. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne brille pas d’optimisme : le déficit reste élevé (il sera de 4,3 % du produit intérieur brut contre 4,2 % en 2013 et 4,4% en 2014), les tarifs de la Poste augmentent de 7 %, ce qui est sans précédent, et le litre de gazole est frappé d’une taxe de 2 centimes d’euro. Bien obligé de faire avec des recettes qui ne rentrent pas et une absence d’inflation sur laquelle on comptait pour financer virtuellement les économies.
Un budget qui manque d’audace.
Les contours ne nous surprendront pas. Après les coups de cymbales des jours derniers sur les sacrifices que devront consentir les familles et les retraités, beaucoup de bruit pour quelques centaines de millions alors qu’il faudrait des milliards, on ne sera pas surpris de découvrir que les dotations aux collectivités diminuent de 3,7 milliards, ce qui en obligera plus d’une à augmenter ses impôts pour compenser parce qu’elle n’aura pas d’autre choix. Les économies de 21 milliards sont maintenues, mais on ne sait toujours pas comment, sinon par quelques coups de rabots ici et là et quelques astuces comptables, ce qui ne résoudra rien. Quant aux prévisions de croissance de 1% en 2015, 1,7% en 2016, 1,9% en 2017, elles sont bien optimistes et probablement là pour la cohérence de la présentation. Pourtant un coup d’œil dans le rétroviseur sur la présentation du budget 2014 et ce qu’il en est résulté de son exécution apporte un éclairage singulier : comme il se doit, ces prévisions relèvent de la lettre au Père Noël.
Ah ! ce brave M. Sapin-les-socquettes-roses, il est bien content de lui puisqu’il estime que la France fait du bon travail budgétaire. Non pas qu’il n’y ait pas d’efforts de faits, mais ils sont si peu en adéquation avec ceux qu’il faudrait fournir, qu’on le trouve bien indulgent avec lui-même. D’ailleurs il est le seul à s’octroyer un satisfecit. On aimerait que ce soit de l’humour. Mais pour lui, rien ne sera vraiment possible si l’Union européenne ne prend enfin les mesures qui relanceraient la croissance. C’est toujours aux autres d’agir ! Sauf que le discours ne peut pas remplacer les actes et si la Banque centrale européenne a pris des dispositions draconiennes pour faciliter le crédit aux entreprises, l’Allemagne, mécontente des libertés qu’elle prend, continue à s’opposer à toute relance économique. Ce que notre Argentier sait parfaitement !
Et si on se décidait enfin à imiter l’Allemagne.
Le bateleur d’estrades Jean-Luc Mélenchon, qui fait partie du vaste groupe des partisans de la dépense, où il se retrouve avec les frondeurs socialistes mais aussi avec Marine Le Pen, dénonçait récemment l’acharnement de l’Allemagne à équilibrer son budget, exercice auquel elle est parvenue, alors qu’elle emprunte à des taux négatifs (en clair, on la paie pour emprunter). Ces taux d’intérêts très bas sont un poison à court ou moyen terme et c’est Angela Merkel qui a raison. Elle affiche des résultats enviables : équilibre budgétaire, recul du montant de la dette publique, excédent conséquent de la balance commerciale. Certes, l’Allemagne n’est pas un paradis, les salaires y sont parfois très bas, les inégalités y augmentent. Il n’empêche que nous avons toutes les raisons d’envier notre voisine. Ce qui pourrait nous arriver de mieux, c’est que nous les enviions suffisamment pour les imiter enfin.
Il va bien falloir tailler dans les dépenses autrement qu’au scalpel. La hausse de la dette qui atteint plus de 2 000 milliards d’euros, qui porte les intérêts annuels à plus de 60 milliards, représente 95% de notre PIB. Il faut tenir aux Français un langage de vérité. Ce lourd fardeau qui grossit chaque jour d’1 milliard supplémentaire finira par ruiner totalement le pays et ses habitants. Déjà les marges de manœuvre sont devenues si étroites que le niveau de vie a commencé à baisser, que les services se dégradent, que les fonctions régaliennes ne sont plus totalement assurées. La contraction de la dépense publique courante sera douloureuse, elle est inévitable. Mais on ne peut pas réduire la dépense si on ne montre pas les déficits dans ce qu’ils ont d’horribles, surtout pour les Français les moins favorisés.
Fataliste, le gouvernement coupe où il peut, en préservant si possible ce qui lui reste d’électeurs. A ce régime, l’an prochain on aura encore reculé avec des déficits en augmentation ainsi, inévitablement, que la dette.
Et d'ailleurs, que restera-t-il de ce budget timoré après le passage devant le parlement, sous les fourches caudines des frondeurs… ?
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