MACHIAVEL A LA MANŒUVRE
26 mai 2014
Bureau 105 à Monplaisir à Angers. Un quartier de cités comme la périphérie des grandes villes en compte tant. Ici, depuis longtemps on vote à gauche, très à gauche même. Il est 19H, le scrutin est clos : sur les 965 inscrits, seuls 278 électeurs se sont présentés. Les résultats : FN : 78 voix, UMP 45, PS : 40… Que peut-on penser de tels résultats aussi peu représentatifs et une déformation du scrutin qui peut prêter à toutes les interprétations ce que les médias ne vont pas se gêner de faire pour en rajouter. Dans ce bureau, on a bien vu qui a voté Le Pen : ces Français, victimes du chômage et sous la pression communautariste, clients habituels du Front de Gauche et du PC réduits pour la circonstance à un score confidentiel !
Hollande a atteint ses trois objectifs
Derrière la dramatisation de façade, Hollande doit savourer son plaisir. De fait, tout a été fait, depuis un mois pour faire monter le FN, volontairement ou incidemment, avec la complicité des médias : il fallait éviter à tout prix une nouvelle victoire de l’UMP. Mieux valait sans doute que ce soit le FN dont on sait que les élus seront impuissants à Strasbourg. Nous avons un piètre Président, mais reconnaissons que c’est un politicien redoutable d’habileté et de manipulation. Car avec le résultat de dimanche soir, il a atteint ses trois objectifs : déstabiliser l’UMP, vider le Front de Gauche de sa substance et faire oublier la déroute de son parti, affaiblissant au passage son Premier Ministre un peu trop « encombrant » en l’envoyant au charbon à sa place. Voilà pourquoi "sa sérénité élyséenne" a fait profil minimum dans cette campagne en signant une tribune insipide dans le journal Le Monde, aussitôt oubliée trois jours après.
Mais avec 60% d’abstentions, et 30% de Français qui disent avoir voulu sanctionner Hollande, l’image que donne notre pays n’est pas brillante. Quels enseignements en tirer ?
Un immense désintérêt
Si les Français n’ont pas voté, je pense que c’est en grande partie pour exprimer leur désintérêt pour un vote dont ils ne comprennent pas les implications. L’Europe n’est pas la priorité d’un quotidien où les urgences sont ailleurs et nombreuses entre se nourrir, se loger, trouver du travail … la campagne a été trop courte, il n’y a pas eu suffisamment de pédagogie pour montrer les enjeux, la multiplication des listes que favorise le scrutin proportionnel, des débats d’où il ne ressort rien, tout a concouru à semer le doute et la confusion. Et les partis eux-mêmes ont rarement eu un message clair. Soulignons au passage le peu d’intérêt des médias audiovisuels français pour traiter le sujet.
Une victoire du FN aux pieds d’argile
Le Rassemblement Bleu-Marine est arrivé largement en tête avec près de 25% des suffrages exprimés. De quoi susciter l’émotion, surtout des belles âmes qui vont larmoyer dans les salons bobos. L’honnêteté devrait obliger à rappeler que ce sont toujours des victoires sans lendemain, comme celle de l’UMP en 2009, parce qu’elles sont acquises sur une base très étroite en pourcentage des inscrits. Le FN, premier parti de France, est une extrapolation qui peut donner l’occasion à Marine Le Pen de se faire plaisir, mais la réalité est toute autre. Le seul résultat tangible est le hold-up réussi sur les sièges, acquis au prorata des exprimés. Mais ils ne serviront pas à grand-chose à Strasbourg où les députés frontistes se trouveront confrontés à un large bloc européiste.
L’UMP déstabilisée
La victoire aux municipales, comme on pouvait s’y attendre a ravivé les tensions à l’intérieur, pour empêcher Le Président Jean-François Copé d’en tirer trop profit. Le dossier du financement a été relancé opportunément par le Nouvel Obs, afin de mettre de l’huile sur le feu et les journalistes se sont concentrés là-dessus chaque fois qu’il a été possible, ce qui a rarement permis de parler de la campagne et du projet européen. Nombre de militants m’ont fait part de leur agacement du comportement de François Fillon qui vendredi dernier soufflait encore sur les braises pour se transformer en sauveur du « rassemblement » dimanche soir, jouant ainsi le rôle du pompier pyromane. On lui dira que n’est pas De Gaulle qui veut, et que plus de la moitié des adhérents n’est pas prête à le suivre. De toute façon, malheur à celui qui cassera la maison ! La sagesse voudrait, dans le contexte actuel, qui est une belle piqûre de rappel de 2002, qu’on recherche l’union plutôt que la division. Tout cela a découragé nos électeurs qui ont boudé le scrutin... Constater qu’ en ajoutant au 20% obtenus les 10% de l’UDI-Modem, le résultat est comparable au 29% réalisés au précédent scrutin avec une liste UMP-Nouveau Centre, est une bien maigre consolation. Avec son statut de premier parti d’opposition, en tant que force structurée, l’UMP aurait dû faire plus de voix. Il est urgent de mettre de l'ordre dans la maison quoi qu'il en coûte aux uns ou aux autres.
La déroute de la Majorité présidentielle
Les électeurs de gauche se sentent bafoués et ils l’ont fait savoir au pouvoir en s’abstenant massivement d’aller voter. Quelques socialistes sont allés alimenter les listes vertes, mais sans grand succès. La campagne de Manuel Valls s’est époumonée dans le désert. Il a au moins le courage de reconnaître la défaite et de l’assumer. Au moins, lui, il a un peu d’élégance. La figure marquante du PS, en cette soirée électorale, en dehors des visages fermés sur les plateaux et des sanglots de Mélenchon, aura été l’apparition effarante du nouveau Premier Secrétaire : les Français ont découvert qu’on avait remplacé un ectoplasme par un bouledogue ! Décidément, la reconquête sera dure.
« L’alternative » n’en est pas une
Avec seulement 10% des exprimés, le rassemblement UDI-Modem, qui a pourtant assumé une campagne de conviction clairement fédéraliste, aux arguments souvent convaincants, n’a pas réussi son pari. Si on ramène aux inscrits, on s’aperçoit que le centre campe sur la même représentativité. On remarquera les scores intéressants dans la grande région Ouest, bastion traditionnel naguère des Chrétiens Démocrates, que le PS avait réussi à capter. S’agit-il d’un début de retour au bercail de cet électorat ? Si c’était le cas, ce serait une bonne nouvelle. En attendant, « l’Alternative » ne fait pas le poids.
Quant aux petites listes, excusez-moi, mais on aurait pu s’en passer.
Il reste que malgré tout, certains ne vont pas se priver de ces résultats tronqués et déformés par l’abstention pour alimenter le bal des prétentions.
Un terrain de manœuvre dégagé
Ainsi Hollande a le terrain dégagé pour manœuvrer. On peut donc s’attendre au pire ! Il va jouer de la dramatisation et le PS en ruine ne va pas pouvoir s’opposer à ses projets, avec la menace d’une dissolution implicite en cas d’indiscipline. Il va vouloir activer la réforme territoriale, pour empêcher l’UMP de rafler les Régions en appliquant le même scénario : élection à la proportionnelle et vote des étrangers en chiffon rouge pour faire monter la mayonnaise FN… On peut parier qu’il va du même coup changer les modalités d’élection de l’Assemblée nationale par l’introduction de la proportionnelle dans la désignation des députés, rendant tout majorité absolue impossible. C’est sur ce champ de ruines qu’il compte bâtir sa victoire en 2017. Une victoire à la Pyrrhus !
Il y a un antidote à ce scénario noir
Que l’opposition joue plus fin que lui et reprenne la leçon de 2002. C’est pour faire barrage au FN qu’on avait créé l’UMP, rassemblant la droite et le centre. Sans imposer aux transfuges de revenir à la maison, évitons au mois de finir de la démolir et faisons pour les prochaines échéances une plate-forme commune avec les centristes !
l'analyse est bonne. j'ajoute que le FN n'est pas devenu le 1er parti si l'on tient compte du nombre de voix en valeur absolue.
le 1er parti, ce sont les abstentionnistes parmi lesquels il y a surtout beaucoup de déçus qui ont exprimé leur désespoir face à une absence de politique clairement exprimée par un pouvoir aux abois.
quant à l'UMP : merci à JF Copé de nous avoir permis une grande victoire aux municipales; pour les européennes, il a également mouillé la chemise sans voir venir ses "ennemis de l'intérieur" qui ne cessent depuis son élection à la présidence du parti de vouloir sa mort politique...curieux ces fuites malveillantes dans la presse il y a 2 semaines...d'où viennent-t-elles ? en tous cas ce n'est pas comme ça qu'on peut imaginer se projeter vers 2017. ce n'est surtout pas en essayant de mouiller JF Copé et au travers de lui Nicolas Sarkozy
Rédigé par : Marcel | 28 mai 2014 à 07:40