C’EST LA RENTREE… POUR LES ENSEIGNANTS !
01 septembre 2011
C'est, ce vendredi matin, la rentrée pour 860.000 enseignants. « Le plus beau métier du monde... », a assuré comme il se doit, le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel. Interrogé évidemment sur les suppressions de postes (16.000 cette année) il a rappelé qu'il y avait cette rentrée « 35.000 enseignants de plus et 500.000 élèves de moins » qu'au début des années 1990, « Notre taux d'encadrement est donc meilleur aujourd'hui qu’il y a vingt ans». Il a poursuivi : « Je pense que c'est responsable d'assumer cette politique, ceux qui disent qu'ils vont recréer des postes en 2012, ils vous mentent ! », visant à l'aube de cette année éminemment politique les propositions de l'opposition. Il est bon aussi de rappeler qu’il y a eu 80 000 non remplacements de départ en retraite depuis 2007 sur plus d’un million d’enseignants en postes, ce qui relativise le sacrifice consenti.
Il est vrai que les postulants socialistes à l'Elysée profitent de la rentrée pour courir les écoles et … les caméras afin de dévoiler leurs propositions pour l'Education nationale. Cœurs fragiles s’abstenir devant le catalogue des promesses alors qu’on n’a pas le sou.
L'élu corrézien qui fait la course en tête a visité une école à Colombes pour y prononcer « un discours d'intérêt général », plutôt que d'égrener des « mesures catégorielles ». Pour un « nouveau contrat entre l'école et la nation », François Hollande défend deux blocs de réformes. Celle du temps scolaire « une exception française, avec des journées surchargées, beaucoup de vacances». Le deuxième volet, tout aussi complexe et explosif, est celui de la « question du métier de l'enseignant », avec une « revalorisation nécessaire», mais aussi une réflexion sur le temps de service, le déroulement de carrière, la formation, la pédagogie. On lui souhaite bien du plaisir. Et l’arrêt préalable de la politique de suppression de postes avec l'ouverture de négociations risquent de ne pas peser lourd, car sur la question budgétaire le candidat garde la plus grande prudence.
La maire de Lille a choisi de se rendre dans un établissement scolaire à Amiens, près de chez elle. Martine Aubry veut une « rupture » et « refonder » l'école « autour de priorités claires ». Elle veut faire porter l'effort sur le début de la scolarité, revenir sur la formation professionnelle des enseignants, rétablir une politique d'éducation prioritaire en « donnant nettement plus aux établissements en zone prioritaire, ruraux », réformer les rythmes scolaires avec la fin de la semaine de quatre jours et l'allongement de l'année de deux semaines, en jouant sur les vacances d'été. Elle précise qu'il « ne faudra pas uniquement des aménagements à la marge » pour résoudre la « crise profonde » de l'école, qui n'est pas « seulement due à la politique de la droite » (ouf !) mais à des raisons structurelles ». Prudente, si elle préconise un moratoire sur les suppressions de postes dès 2012, voire la recréation de postes (à crédit ?), elle veut « cibler » ces moyens supplémentaires nouveaux. « Tout ne pourra pas se faire tout de suite » (Ah tiens ?). L’amère de Lille propose que des négociations s'engagent avec les enseignants « dès le lendemain de la primaire » pour « définir avec eux le contenu de leur mission, l'adaptation de leur service pour améliorer le travail collectif, augmenter l'autonomie pédagogique, le temps de présence ». Sur ce dernier point, on va bien rigoler. Des discussions qui devront « intégrer la revalorisation » pour un « nouveau contrat entre la nation » et - nuance par rapport à François Hollande -« les enseignants ».
« Essayez l'ignorance et vous verrez ce que cela coûte ! » lâche la chèvre de Poitou-Charentes, qui veut « revenir » sur les suppressions de postes et n'est pas à un truisme près. « Elles ne sont même pas une source d'économies réelles », explique l'une de ses proches, pointant les « heures supplémentaires pour compenser ». Contre les « raisonnements strictement comptables », la candidate du PS en 2007 plaide pour un « deuxième adulte dans la classe chaque fois que cela est nécessaire » et lie ce renforcement à un retour de la formation professionnelle pour les enseignants stagiaires. Rendre obligatoire la scolarité à trois ans, améliorer la transition entre le CM2 et la 6 e, favoriser les expérimentations, généraliser le soutien scolaire gratuit, lutter contre les violences scolaires, renforcer le dialogue avec les familles dans une sorte de « contrat donnant-donnant », développer des « internats de proximité » et « redéfinir la mission des enseignants » sont les autres maîtres mots de Ségolène Royal qui se refuse à chiffrer son programme : là, on comprend mieux ! Mais c’est pour ajouter : « Je ne veux pas m'engager aujourd'hui à rétablir durant la prochaine mandature la totalité des postes supprimés par la droite ». Elle a néanmoins promis un moratoire sur les suppressions de postes pour la rentrée 2012. Pas trop difficile puisqu’il est déjà annoncé par le gouvernement. Comme quoi on peut dire tout et son contraire. Michel Rocard a raison. Ou elle sait qu’elle n’a aucune chance et laisse libre cours à sa démagogie ou elle est complètement irresponsable. C’est peut-être les deux !
Le député-maire d'Evry ne fait pas dans la dentelle, à son habitude : Manuel Valls propose de réaffecter le produit fiscal des heures supplémentaires à l'éducation. Un « choix » qui « préparera mieux à l'avenir » que les « 300.000 emplois précaires de cinq ans » raille-t-il, en référence aux 300.000 « emplois d'avenir » du projet PS. Les moyens supplémentaires dégagés doivent aller, selon lui, à l'éducation prioritaire. Manuel Valls conditionne clairement une revalorisation du salaire des enseignants à « l'obligation de suivre une formation continue » et à « une présence accrue en dehors des heures de cours ». Au moins ce sont des propositions réalistes qui ne risquent pas d’augmenter la dette. Dire que les enseignants le suivraient, c’est s’avancer un peu vite…
Arnaud Montebourg n’est pas en reste. Il a présenté hier ses propositions sur l'école. Il suggère d'instaurer une « école commune » de 6 à 15 ans, « assumant l'hétérogénéité des publics » et veut supprimer le redoublement. Il souhaite que les rythmes biologiques soient mieux respectés et veut allonger la durée de l'année scolaire de quinze jours afin de réduire les horaires quotidiens. Autre mesure phare de son projet : « la pédagogie différenciée » (dédoublement, cours en petits groupes...), qui doit être instituée sur le quart du temps scolaire. « Combien ça coûte ? - Moins cher que l'abaissement du taux de TVA sur la restauration ! ». C’est lui qui le dit. Il compte également « recréer les 80.000 postes supprimés par la droite, mais pas en les utilisant de la même manière ».Tout le monde a le droit de rêver !
Les candidats de gauche sont généralement bien accueillis dans les établissements où ils se rendent. Mais il n’est pas certain que leurs auditoires soient aussi satisfaits après les avoir écoutés. Car s’il existe une caste conservatrice attachée à sa routine et à ses acquis, c’est bien celle du corps enseignant. Sans argent, avec la volonté de bousculer la maison et d’allonger le temps de présence dans les collèges… voilà qui va faire du spectacle dans les rues !
Commentaires