Nous avons
vécu toute la semaine dernière à l’heure du congrès annuel de la CGT. L’événement
est toujours d’importance quand il s’agit de la grande et vénérable centrale
syndicale, longtemps emblématique de la « lutte des classes », fer de
lance des contestations ouvrières et de leurs grandes mobilisations et courroie
docile de la place du « Colonel Fabien » (siège historique du PC pour
les ignares). La situation a bien changé. La classe ouvrière, son réservoir
naturel, a fondu comme neige au soleil avec les mutations industrielles et le
syndicat peine aujourd’hui à recruter avec seulement 600 000 adhérents, ce
qui est pitié par rapport aux effectifs pléthoriques des années « glorieuses ».
Il n’en
reste pas moins que la CGT reste un interlocuteur de poids dans les
négociations sociales. Aussi, le choix de ses dirigeants demeure-t-il indicatif
des caps et des stratégies qui seront adoptés. Voilà pourquoi ce congrès a été
suivi avec attention. L’insupportable suspense de la réélection de Bernard
Thibault a alimenté, sans grande passion, les médias, plutôt attirés par les
arguments de ses détracteurs, restés sur la ligne pure et dure du syndicat
contestataire. C’est que le Secrétaire général sortant a engagé une tâche de
longue haleine dont il n’est toujours pas sorti : celle de la
modernisation pour en faire une grande centrale réformiste, partenaire incontournable
des négociations sociales et capable de capter des publics plus diversifiés de
salariés, de cols blancs et de cadres. A cet actif, on peut mettre deux accords
très importants signés avec le patronat et qui symbolisent cette évolution :
l’accord sur la réforme de la représentativité syndicale dans les entreprises
et celui sur le « divorce » à l’amiable employeur-employé.
Il était
donc essentiel que Bernard Thibault reste à la tête de la CGT. Il est
réconfortant de constater qu’il a été réélu à une forte majorité et que les
partisans de la ligne dure soient restés très minoritaires. Il n’aura pas trop
des trois ans qui viennent pour terminer « l’aggiornamento » de sa
maison. Il veut privilégier « l’intersyndicale » sur les combats
isolés, modifier les structures pour être plus près du terrain avec des « syndicats
de sites » afin de renforcer l’efficacité et faciliter l’adhésion des
salariés des petites entreprises. On ne peut que se réjouir de voir le cap
maintenu au moment où il est accusé par ses détracteurs de « connivence »
sarkoziste ou de mollesse consensuelle. De fait, la CGT a fait preuve d’un
esprit responsable très appréciable depuis le début de la crise. Avec sur la
table la réforme des retraites en 2010, il vaut mieux avoir à faire, pour
traiter ce délicat et épineux dossier, avec des gens réalistes et pragmatiques
que des « jusqu’au boutistes » irresponsables, comme ceux qu'il traîne comme des boulets sur la ligne "A" du RER.
Dans cet esprit,
on lui souhaite « bon vent » et pleine réussite dans la longue marche
qu’il a engagée sur le chemin du syndicalisme réformiste.
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