LES 12 HEURES DE L’ELYSEE
01 septembre 2023
Je ne sais pas si l’expression deviendra aussi emblématique que les « 24 heures du Mans », mais l’exercice inventé par Emmanuel Macron fera quand même date, car c’est tout de même une double performance qui a été réalisée à l’occasion de son grand « raoût » avec les responsables des partis politiques : évidemment la durée du rendez-vous, douze heures chrono, et le fait qu’ils soient tous restés. La réunion de Saint-Denis reçoit logiquement deux interprétations opposées, selon qu’on est au pouvoir ou qu’on n’y est pas. On peut reprocher au président de la République de compter sur sa force de persuasion, mais au fond il a quand même réussi, comme le dit son porte-parole, Olivier Véran, à ouvrir un dialogue entre des gens qui ne se parlent jamais et ne se voient jamais. C’est déjà une réussite en soi. Même si le face-à-face a été strictement à huis clos, même les téléphones étaient exclus, commencent à filtrer les infos sur son contenu : des élus se sont parlés et se sont adressés au gouvernement avec un minimum de sincérité. Ils ont cru de leur devoir d’exprimer leur scepticisme sur une méthodologie qui n’appartient qu’au président, mais cette fois, ils ont collaboré. Et de son côté, Macron a joué le grand jeu : pas de conseillers, pas de dossiers, seul un bristol en main.
A la sortie, les postures.
Tard dans la nuit, on a pu entendre les délégations commenter l’épisode à leur sortie : les LFI n’ont rien vu d’intéressant, le RN a surtout exposé son point de vue sur les dossiers qui le préoccupent, … Bref l’opposition ne cache pas sa déception, mais alors pourquoi sont-ils restés ? La durée de la séquence rend leur jugement peu crédible. L’objectif de ce rassemblement d’élus était de mettre en exergue les dossiers autour desquels un consensus est possible. Trois thèmes ont été abordés : l’ international, la réforme des institutions et « comment faire Nation ? ». Et manifestement, le Président, en jouant la carte du confidentiel et de la confiance, a ouvert quelques brèches dans les certitudes de ses oppositions et les soutiens de la macronie s’émerveillent de ce que la conférence se soit produite et ait tenu ses objectifs au-delà de ce qui était espéré. Aussi profonds que soient les clivages entre le gouvernement et l’opposition, un dialogue de douze heures ne pouvait pas ne pas porter quelques fruits.
Mais au-delà, la vraie politique…
Les chefs de parti auraient pu sécher l’invitation ; ils sont venus. Ils auraient pu mettre en scène une sortie anticipée ; ils sont restés jusqu’à 3h15, même ceux qui avaient juré ne pas rester au dîner. Ils auraient pu prévenir qu’on ne les y reprendrait plus ; ils ont tous accepté l’idée de renouveler l’exercice. Si l’exercice a fonctionné, c’est aussi parce que chacun y trouve son compte et qu’Emmanuel Macron s’est montré habile. Il savait qu’il avait autour de la table, Bardella, Ciotti et Bompard, des seconds couteaux avec qui le président de la République a échangé sur un pied d’égalité, allant jusqu’à partager avec eux, sur la crise en Ukraine par exemple, des documents devant rester confidentiels. Un signe de confiance qui est une preuve de considération. Et qui se sait considéré se sent forcément flatté. Une manière de les aider à sortir par le haut de la séquence : La Nupes a pu se montrer plus respectueuse de la démocratie, ce qui change de son spectacle habituel, le RN y a validé son label définitif d’appartenance au camp républicain.
On attend la suite.
Alors forcément, il devra y avoir une suite. Car rien n’est réglé. On a dessiné les contours d’une vague conférence sociale, entrevu quelques avancées de réforme des rouages démocratiques. Il faut désormais passer d’un coup réussi à une démarche utile. Cette nuit de la Légion d’Honneur créera-t-elle une émulation et des solutions concrètes? C’est un autre pari. Mais tous les partis en sont désormais coresponsables. C’est ce que voulait Macron.
Est-il pour autant moins seul ?
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