LR : SEQUENCE DESASTREUSE
21 mars 2023
Fronde catastrophique.
Près d'un tiers des députés LR à l’Assemblée (19 sur 61) ont finalement voté la censure pour renverser le gouvernement, contre l’avis de la ligne majoritaire définie par leur comité stratégique. Ce faisant, ils ont gravement nui à leur parti en rendant illisible son positionnement à l’Assemblée nationale. Mais pas seulement : ils ont gravement dérogé à sa cohésion en s’affranchissant de la démocratie interne et en mêlant leurs votes à ceux de la Nupes et du RN ; enfin, ils sont apparus en pleine contradiction avec leurs convictions, aux yeux de l’opinion publique, en refusant de voter une réforme du financement des retraites qui contient les mesures pour lesquelles ils ont toujours combattu et qui plus est co-construite avec la majorité et le gouvernement. Incompréhensible ! Et ce ne sont pas les arguments pitoyables avancés par Fabien Di Filipo sur le soi-disant déni de démocratie ou par Aurélien Pradier, pauvre papillon pris dans la lumière des médias, sur le devoir de respecter l’avis des électeurs sur le terrain, qui pourront me convaincre. Un député, une fois élu, est d’abord un élu de la nation, il doit avoir le courage de ses convictions et donner la priorité à l’intérêt national. Ces 19 doivent savoir que ce genre d’attitude ne paie pas : pour mémoire, tous les frondeurs de François Hollande ont été battus aux législatives qui ont suivi.
La censure rejetée de justesse.
Le rejet des deux motions de censure déposées par les oppositions étant acté, même de justesse, la loi repoussant de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite est donc adoptée. Le gouvernement ayant engagé sa responsabilité, cette consultation a valeur de vote d’approbation puisqu’une majorité contraire ne s’est pas trouvée. Rien de plus démocratique, puisque ce dispositif est prévu par la Constitution. Ne laissons pas dire qu’il n’y a pas eu de vote ! Néanmoins, je trouve dommage que quelques LR aient contribué, en s’associant à eux, à la dévalorisation du parlement orchestrée par la Nupes et Jean-Luc Mélenchon. Et au lieu d’avoir permis le renforcement du rôle des Républicains au sein de l’Assemblée nationale, ils ont affaibli leur groupe en le divisant gravement et en faisant passer ses députés pour des Branquignols incapables de s’entendre. Comme si le Parti avait besoin de ça et n’était pas suffisamment en difficulté.
Un positionnement illisible et une occasion manquée.
Les ténors du parti vont devoir tirer rapidement les leçons de cette séquence désastreuse pour la droite. Au lieu d’être l’arbitre des élégances dans l’enceinte parlementaire, ils se retrouvent au contraire marginalisés avec une image illisible dans l’opinion publique. Si Aurélien Pradié était cohérent jusqu’au bout il quitterait les Républicains car il a fait de la surenchère politique permanente avec sa famille politique. De fait, il ne sera pas possible de continuer comme ça pendant quatre ans. Et s’il agace autant chez LR, c’est parce qu’il est accusé d’avoir suivi une stratégie très personnelle depuis le début du débat parlementaire sur la réforme des retraites. Son double discours au sein des instances a lassé nombre d’élus. Au-delà des divergences sur la réforme des retraites, c’est bien la question de la ligne des Républicains qui se pose. Encore et toujours. L’épisode de cette loi a fait voler en éclat la thèse selon laquelle LR pouvait soutenir les projets du gouvernement qui lui convenaient et s’opposer aux autres pour ne pas être accusés d’être les supplétifs de la majorité. La cohésion aurait permis d’affirmer une ligne d’indépendance avec éclat, marginalisant du même coup Horizon et Modem. Une belle occasion manquée. Dès lors, la situation du groupe qui s’est gravement divisé risque de devenir intenable, d’autant plus qu’aucune sanction ne sera prise contre les récalcitrants. Une chose est sûre : confrontés à une nouvelle secousse aux conséquences imprévisibles, Les Républicains sont une nouvelle fois en quête de cohérence et de clarté.
Rétrécissement ou collaboration ?
Les Républicains ne pourront reconquérir un électorat et le pouvoir dans ces conditions. Deux solutions s’offrent à eux : soit ils restent sur leur ligne confuse que même les « Etats généraux de la refondation » n’arriveront pas à gommer suffisamment pour convaincre les électeurs partis voir ailleurs, soit ils passent un accord de gouvernement avec le Président de la République de façon à lui donner une majorité stable. Cela passerait évidemment par une demande de ce dernier et une négociation sur un programme de gouvernement comme cela se fait dans les grandes démocraties qui nous entourent. Samedi dernier, sur France Culture, Rachida Dati, présidente du Conseil national du parti, plaidait pour cet «accord de gouvernement» entre LR et Emmanuel Macron. Un choix déjà prôné par Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé. C’est l’analyse de la situation qui m’amène à prôner ce rapprochement. Après cet épisode, je ne vois pas d’autres portes de sorties pour LR, sauf à voir le candidat issu de leurs rangs faire à nouveau 5%, tant ils resteront inaudibles. Il y aurait de nombreux avantages à en tirer : d’abord, rien à craindre de Macron qui ne peut pas se représenter, deuxio, le parti présidentiel est inexistant et on y cherche les talents dont LR ne manquent pas, troisio en permettant au quinquennat de se terminer dans de bonnes conditions et en ayant la main sur les réformes, Les Républicains redoreraient leur blason auprès des électeurs centristes et de droite modérés qui les avaient quittés, électeurs dont ils auront besoin à la présidentielle, enfin quatro, en donnant à la France une majorité absolue stable, ils permettraient au pays de jouer pleinement la carte du redressement et d’affirmer son rôle international dans ce monde agité où les tensions s’exaspèrent.
Comment trouver une majorité ?
Ce n’est pas gagné. «Soyons clairs, il n’y a aucune offre de notre part», a répondu Olivier Marleix à la tribune, pointant la responsabilité d’Emmanuel Macron dans la situation. «Le problème aujourd’hui c’est le président de la République», a-t-il détaillé en regrettant un «exercice isolé, narcissique et souvent arrogant du pouvoir». «La stratégie du gouvernement, c’est de fracturer LR», met en garde un ténor du parti, «c’est cousu de fil blanc». Il n’a pas tort, mais cela peut se corriger. Trouver une majorité, pour Emmanuel Macron, impose en effet une remise à plat et un changement radical dans l’art de gouverner. D’abord dans la façon de traiter ses alliés : preuve est faite que les chicayas et les mauvaises manières faites aux amis naturels de la macronie sont hautement périlleuses. Personne, au sein du MoDem de François Bayrou et d’Horizons d’Edouard Philippe, ne doit plus manquer à la majorité relative. L’arrogance d’un parti de gouvernement, travers si fréquemment observé dans l’histoire, est devenu inutilement risqué ; Renaissance doit s’y résoudre. D’autre part, la France est à droite, elle vote à droite et continue de glisser à droite. Ecole, santé, transformation écologique, immigration, lutte contre l’insécurité, reprise en main des déficits publics : sur tous ces dossiers, qui sont autant de défis au gouvernement, Emmanuel Macron porte à chaque fois qu’il l’exprime un regard de droite. Et tous entrent en résonance avec tout ou partie des propositions de LR. L’énorme gâchis de la réforme des retraites, sur la forme et sur le fond, démontre que ce n’est plus au seuil de l’hémicycle que peut se nouer un accord. C’est donc avant qu’il faut trouver des alliances, sur un programme précis, une feuille de route négociée. C’est le principal défi qui est désormais posé au chef de l’Etat.
Sinon, c’est le RN qui a un boulevard devant lui ….
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