PAS LE PEN
20 avril 2022
Au second tour, on élimine.
C’est la règle. Je n’ai aucune intention de donner à qui que ce soit une consigne de vote. Chacun est grand et libre. Mais je m’arroge le droit d’expliquer un choix : comme il y a cinq ans, je ne voterai pas pur Marine Le Pen.
D’abord parce que je ne crois pas à la « dédiabolisation ».
Elle n’a jamais été diabolique, mais l’histoire m’a enseigné que lorsqu’on confie le pouvoir aux gens de la tradition à laquelle elle appartient, on ne sait jamais quand ils le rendent. Depuis dix ans, elle s’est appliquée à brouiller les pistes, à faire patte de velours, à se donner un visage compatible avec la doxa républicaine. Mais prenons l’exemple du recours systématique au referendum qu’elle promet : « il ne faut pas avoir peur du peuple ! » dit-elle. Eh bien, si, justement. Cette volonté de vouloir contourner le travail parlementaire réfléchi au profit de la démocratie de « l’émotion » que devient rapidement la technique référendaire, est la porte ouverte à toutes les manipulations de l’opinion publique. C’est instaurer un pouvoir populiste et la porte ouverte à des pratiques autoritaires.
L'économie, son point faible.
Cependant, c’est la partie économique de son programme qui constitue pour moi le principal obstacle. Sous son apparente modération, il est orienté très à gauche et reste dominé par la rupture avec l’économie de marché, l’Europe et les démocraties libérales. Le fait qu’il prévoit près de 120 milliards de dépenses supplémentaires, dont plus de 60% sont tournées vers la redistribution, pour seulement 7 milliards de recettes, nous promet une explosion du déficit à près de 7% du PIB et une aggravation de la dette publique qui n’a vraiment pas besoin d’une nouvelle envolée. Et évidemment sans le parachute de la BCE, si on ajoute le protectionnisme, la préférence nationale et l’affirmation de la supériorité du droit national sur le droit européen, car cela implique une sortie de l’Union et évidemment de l’euro qui reste cachée. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer que nous aurions à subir une crise financière majeure accompagnée d’une chute du pouvoir d’achat d’au moins 20% pour tous les Français. Amis, pensez à vous « assurances-vie » !
Une France isolée.
Les vues de Marine Le Pen pour la politique étrangère, si elles ne sont pas surprenantes en raison de ses attaches financières avec la Russie et la Hongrie d’Orban, marquées par la volonté de diverger avec l’Allemagne et de rapprocher l’Otan de la Russie sur les décombres de l’Ukraine, affaibliraient dramatiquement le camp des démocraties et compromettraient leur résistance face aux régimes autoritaires. Autant d’orientations auxquelles il ne m’est pas possible d’adhérer.
C’est vrai, la France aborde cette échéance avec un passif d’au moins une décennie de décrochage. Mais nous ne pouvons nous en remettre à la peur ou à la colère, toujours mauvaises conseillères. Nous ne pouvons que regretter les résultats du 1er tour qui aboutit à un nouveau face-à-face que la majorité d’entre nous refusait d’avance, après une non-campagne décevante et dans un contexte empoisonné par l’actualité internationale et le jeu malfaisant des réseaux sociaux. Alors, évitons au moins le pire.
De là à en déduire que je me prononcerai pour Emmanuel Macron, c’est aller un peu vite en besogne. Il m’est difficile de gommer le bilan désastreux à bien des égards de son quinquennat : sécurité, immigration, centralisme technocratique excessif, réformettes et réformes avortées, parlement méprisé et assemblée nationale ravalée en chambre d’enregistrement, déficits chroniques et endettement excessif… Il doit s’engager à modifier sa pratique des institutions et du pouvoir et il lui faudra présider avec les Français et non pas contre eux ou sans eux. Le problème, c’est qu’avec lui, on ne peut jamais être sûr de rien.
Commentaires