GOUVERNEMENT D’UNION NATIONALE : UN LEURRE !
28 avril 2020
Profitant de la crise sanitaire causée par le Covid 19 et se rêvant rassembleur et au-dessus de la mêlée, comme une sorte de Raymond Poincaré, le chef de l’État voudrait se propulser comme chef de file d’une union sacrée. Mais le ton martial ne suffit pas.
La « verticalité » de Macron est nuisible.
Le 11 avril dernier, dans son allocution aux Français, le chef de l’État a assuré vouloir bâtir « un autre projet de concorde » qui rassemblera « toutes les composantes de la nation ». Le flou artistique habituel de sa communication conduit à l’hypothèse d’un nouveau gouvernement qui rallierait des personnalités venues de la gauche et de la droite. Mais c’est déjà le cas. Mais pour quoi faire ? Encore faudrait-il qu’Emmanuel Macron change de comportement, car le pire obstacle à un gouvernement de concorde ou d’union nationale, ou encore de salut public, c’est son incapacité à abandonner sa pratique de « verticalité du pouvoir » qui tend à envenimer tous les problèmes qu’il appréhende toujours de la même façon, par le haut, sans considération du terrain. Là encore les mots et les intentions ne sont jamais suivis d’effets. Ce comportement aggrave les pratiques technocratiques centralisées. Le pouvoir est incapable de cerner avec finesse les difficultés. Un exemple : nous avons plus de 10 millions de chômeurs à temps partiel aujourd’hui en France, trois ou quatre fois plus que partout ailleurs en Europe, ce qui prouve que nos amortisseurs de crise sont mal calibrés. La crise est une occasion de plus de subir la bureaucratie et la paperasserie, atteignant des sommets d’absurdité. Le meilleur exemple en est la courtelinesque « attestation de déplacement dérogatoire » qui rappelle pour les anciens encore en vie « l’ausweis » de l’occupation allemande… Et que dire de la pratique du mensonge pour cacher l’incurie et l’impréparation comme l’a été la triste comédie des « masques ».
Un appauvrissement démocratique.
A son habitude, le Président brasse large pour anticiper l’après-crise du coronavirus. Il rêve d’un phagocytage de l’opposition, non pour la rallier à lui, mais parce qu’en existant elle le gêne. Il voudrait être seul face à Marine Le Pen, mais après presque trois ans de mandat, le vieux monde n’a pas disparu, il revit même. Peut-être enrage-t-il de voir Les Républicains se refaire une santé avec les municipales. Car c’est bien eux qu’il vise, les socialistes n’étant toujours pas relevé de leur déroute. La crise est grave, mais pas au point de renoncer à notre vie démocratique. L’état d’urgence sanitaire donne déjà suffisamment de pouvoirs exceptionnels à l’exécutif. Demain, quand le danger de l’épidémie sera éloigné, la France aura besoin au contraire de toute sa diversité démocratique pour envisager l’avenir. Il n’y aura pas un seul chemin possible, mais plusieurs pour nous reconstruire. Les Français pourront choisir leur voie librement entre les propositions qui leur seront faites. Un gouvernement d’union national créerait la confusion en asséchant le débat démocratique et en réduisant la vie politique à la confrontation entre un pouvoir en fin de mandat et des forces de contestation aux deux extrêmes.
La confusion vient aussi des médias en continu.
Depuis bientôt trois mois nous vivons avec un sujet unique qui tourne en boucle en continu sur toutes les chaines d’information, interrogeant tout ce qui peut l’être dès qu’un avis est donné ou qu’une décision est prise. Le coronavirus nous soule et de ces multiples interventions nait la confusion. Les bons citoyens surinformés sur tout et son contraire ne savent plus quoi penser. Au point que la confiance dans les gouvernants est ébranlée. Ni Les Républicains, ni le PS n’étant intéressés par la proposition du chef de l’Etat, il se pourrait qu’il persiste dans son intention, pour tenter de se donner le beau rôle. Récupérer ici et là de nouvelles personnalités politiques lui assurerait de « rester spectateur de sa propre action politique », comme s’agace Julien Aubert, député LR du Vaucluse. S’ouvrir mais pas trop quand même. S’extraire de la logique partisane mais rester proche de son camp. La pratique du débauchage n’est pas la meilleure façon de rassembler. C’est confondre débauchage national et union nationale, car ce type d’alliance est l’exact contraire d’une union véritable attendu qu’elle n’engage que des personnalités tentées par un maroquin et en aucun cas des forces politiques. Ce serait une confusion supplémentaire.
La présidentielle en ligne de mire.
La vérité, c’est que Macron ne sait plus comment sauver son quinquennat. Ses réformes sont tombées à l’eau, son calendrier est complètement vérolé par les conséquences de la crise sanitaire. Que deviendra la réforme des retraites, celle de la constitution ? En stratège politique, le président voudrait jouer les rassembleurs pour assurer sa crédibilité de sortie de crise et si possible sa réélection. Mais que vaut une démarche d’union nationale sans le Rassemblement National dont le poids électoral en fait un parti incontournable. On ne voit pas comment Marine Le Pen pourrait siéger aux côtés d’un président qu’elle critique avec virulence chaque jour plus violemment. Et c’est la même chose pour la France insoumise de Mélenchon. Non, la proposition du chef de l’Etat est un leurre. Elle est faite pour endormir l’électorat. Il ne peut y avoir « d’union sacrée » sur des bases aussi floues : car quoi, on cherchera vainement une quelconque volonté d’alliance sur un programme commun pour un temps donné.
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