L'ECOLE S'INVENTE TOUS LES JOURS !
04 novembre 2019
Je lance aujourd'hui une nouvelle page que vous pourrez consulter à partir de la colonne gauche du bloc-notes. Elle s'intitule : " l'Ecole s'invente tous les jours ". Je compte y publier régulièrement mes souvenirs, mes réflexions, faire-part de mon expérience, proposer méthodes et travaux... en référence à ma carrière dans l'Education nationale.
Des « bonheurs de prof » du passé qui éclairent l’avenir.
Depuis quelques temps, on me dit de plus en plus souvent, autour de moi, que je devrais raconter ma carrière d’enseignant ou écrire mes mémoires. J’ai beaucoup hésité avant d’envisager cette aventure. D’abord parce que l’expérience que j’ai vécue risque de n’intéresser que moi et quelques proches et puis écrire des mémoires, pour quoi faire ? J’avais dit à mes collègues, le jour de mon départ : « Je partirai sans me retourner ».
Ce qui m’a décidé, c’est le spectacle de désolation auquel j’assiste, que ce soit à travers les témoignages récurrents dont la presse se fait l’écho ou tout simplement à travers l’expérience de la vie scolaire de mes petits-enfants. Il est désolant, en effet, de consacrer autant de moyens financiers au système éducatif pour d’aussi piètres résultats. Des milliers de jeunes livrés à la vie active sans aucun diplôme en sont la partie émergée de l’iceberg d’un échec monumental. Il y aurait beaucoup à dire sur les conservatismes multiples qui sclérosent l’institution, hantée par une idéologie égalitaire inappropriée, ceux des syndicats comme ceux d’une hiérarchie désuète, ou encore les dégâts causés par la caste des docteurs en pédagogie et leur langage et préconisations absconses.
J’ai passé quarante ans à enseigner au sein de l’Education nationale, de 1964 à 2003. Dieu sait qu’on nous pondait déjà des « circulaires inapplicables » comme celle des « itinéraires pédagogiques » d’un ex-ministre de la Culture recyclé à l’Education. On s’est toujours arrangé pour « faire avec », ou plutôt sans, avec un peu d’habillage des emplois du temps. Et pourtant, j’imagine encore tout ce que je pourrais inventer de moyens pour faire apprendre avec les technologies nouvelles de l’informatique. Pas besoin de la rue d’Ulm ! J’ai peut-être été passionné par la pédagogie, toujours à l’affût d’un procédé nouveau pour étonner mes élèves et leur donner envie d’aller de l’avant. Ce n’était que l’amour du métier. Cela n’a pas toujours été évident, la « grande maison » étant toujours en retard d’une guerre quant aux outils modernes : il aurait fallu se contenter du tableau noir et de la craie, certes en couleur pour la géographie, mais tout de même ! Quelle bataille pour obtenir un projecteur diapo, et les diapos en question, il valait mieux les faire soi-même, ce qui fait que très tôt j’ai passé mes vacances à prendre des clichés « utiles ». De même, il valait mieux avoir ses propres documents et je fus longtemps abonné à la « Documentation photographique » du Secrétariat au gouvernement, tant les fonds documentaires des établissements étaient pauvres.
Malgré tout, j’ai été un professeur heureux, et la plupart du temps, mes élèves me l’ont bien rendu, par les résultats obtenus, par les projets menés à bien, par les voyages ou sorties réussis… Que de souvenirs ! Et plus de quinze ans après, il m’arrive encore de croiser tel ou tel, toujours si heureux de me revoir (et moi aussi) et de me redire combien il me devait… Eux, ne savent pas ce que je leur dois. Mais tout de même, de quoi rosir de plaisir !
Je n’ai donc pas été, probablement, un si mauvais prof que ça. Je sais les points forts mais aussi les faiblesses de mon parcours et de mon enseignement. Mais ce bonheur d’enseigner, irremplaçable, a-t-il un secret ? Je le cherche encore. Et si je vous disais qu’il m’arrive encore, après une quinzaine d'années de retraite, de rêver la nuit que je suis en classe …
Je ne sais pas si j’aimerais encore enseigner dans le contexte actuel du service public. Mais je sais qu’il y a encore des profs heureux quelque part. En tout cas, moi je l’ai été tout au long de ma longue carrière.
Je vais vous livrer dans cette page du blog, jour après jour, quelques analyses et recettes qui ont souvent contribué à mes bonheurs de prof et que je vais évoquer à travers quelques thèmes qui les mettent en scène, tels qu’ils me reviennent, découvrant au passage quelques-unes de mes pratiques de la classe, certaines orthodoxes, d’autres moins. Et je n’ai pas pu m’empêcher de les assortir de réflexions sur le système éducatif, nourries de mon expérience.
Puissent-ils redonner envie d’enseigner, puisqu’on me dit qu’aujourd’hui l’Education nationale peine à recruter. Je suis persuadé qu’avec les outils numériques et les apports des neurosciences, il y a une formidable source d’espoir pour un enseignement plus efficace et plus individualisé, pour peu qu’on laisse l’imagination de chacun s’exprimer et aussi qu’on mette à l’épreuve le savoir-faire des élèves en la matière. « Petite Poucette » de Michel Serres pourrait donner des idées à ceux qui en manqueraient. Enseigner a encore un sens, d’autant plus que l’accès au savoir s’est diversifié au point de mêler trop souvent le faux au vrai, et que l’obscurantisme tente d’imposer sa loi dans certains établissements. Dans ce contexte le professeur a un rôle majeur à jouer de médiateur et de consolidateur. Il faut faire en sorte que le « plus beau métier du monde » attire à nouveau les meilleurs.
En attendant, je dédie ces lignes à tous les élèves qui ont eu affaire à mes enseignements. Sans eux, je n’aurais pas pu être cet enseignant heureux qui poussait chaque matin la porte du collège avec plaisir et qui en parcourait les couloirs jusqu’à sa classe, en chantonnant.
à suivre ...
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