BOJO AU PIED DU MUR
26 juillet 2019
Boris Johnson a obtenu ce qu’il voulait : il campe désormais au « Ten » (10 Downing Street). Une rue qui pourrait bien porter son nom avec son arrivée : « la rue en pente » ! Car la place, il l’a obtenue avec une surenchère sur le Brexit qui risque fort de se retourner comme un boomerang. Fidèle à lui-même, il a commencé par réclamer une renégociation du traité obtenu par Theresa May. Fin de non-recevoir de Michel Barnier sur le même ton. On en est là. Le 31 octobre verra-t-il le Royaume-Uni sortir de l’Union sans accord ? L’hypothèse devient très probable. Car on ne voit pas comment Le fougueux Boris obtiendrait ce que Theresa n’a pas obtenu après 3 ans de négociations.
Pourtant un « Hard-Brexit » serait désastreux économiquement.
Les conséquences d’une sortie sans accord sont autant sous-estimées qu’occultées et d’autant plus redoutables que personne ne s’y est vraiment préparé. Les britanniques devraient ouvrir les yeux. Le Brexit leur coûte déjà très cher : perte de croissance depuis 2016, chute de 20% de la Livre, regain d’inflation, effondrement de l’investissement, chute vertigineuse des entrées de capitaux divisées par trois… Autrement dit, s’il y a une certitude au bout du chemin c’est celle de la récession économique assortie d’un choc financier pour la City qui n’aura pas de période d’adaptation pour gérer ses relations financières avec l’Union.
Les conséquences politiques sont encore pires.
On ne voit pas comment la démocratie britannique va pouvoir retrouver son équilibre devant cette fuite en avant populiste, incarnée par les trois leaders Jeremy Corbin, Nigel Farage et Boris Johnson, qui se révèlent incapables de mettre fin à l’instabilité gouvernementale et à la paralysie du parlement. A croire qu’aucun n’a en tête l’intérêt supérieur du pays. Le Brexit menace même l’unité de la nation, car il ne manquera pas de relancer la revendication indépendantiste de l’Ecosse aussi bien que la reprise de la lutte armée par l’IRA en Irlande du Nord puisque aucune solution ne peut-être trouvée pour la frontière entre les deux Irlandes.
L’Europe aura sa part du fardeau.
Même si le continent peut minimiser les effets d’une sortie sans accord, il n’est pas pour autant immunisé. Toute récession est forcément communicative, d’autant plus que le contexte n’est pas brillant : trou d’air de l’Allemagne, ralentissement mondial. L’union sera-t-elle aussi unanime qu’elle l’a été jusqu’à maintenant ? Le dernier sommet a montré des divergences de stratégie, et la France n’est pas sur la même ligne que l’Allemagne. Pour l’instant le front tient, mais jusqu’à quand …
Les marchés financiers sont fragiles.
Une secousse comme celle d’un hard Brexit pourrait avoir des conséquences désastreuses. Dans un paysage dominé par le ralentissement de l’activité et la montée des risques qu’une expansion monétaire incontrôlée, le gonflement des bulles spéculatives, la volatilité des actifs, rendent tout choc périlleux. L’augmentation des dettes publiques et le développement du marché de l’ombre non régulé sont des facteurs d’amplification en cas de déclenchement de la crise. Et cette fois-ci les Etats seront bien démunis car on ne voit pas comment ils auraient les moyens de réagir, ayant déjà épuisé toutes leurs marges de manœuvre avec la politique de la planche à billets. Un choc sur la City dont l’importance reste encore prépondérante sur la planète financière, provoquerait inévitablement une cascade « d’ajustements » impossible à mesurer.
Le Parlement ne veut pas d’une sortie sans accord.
Mais Boris Johnson, malgré ses gros bras et ses coups de menton n’a pas résolu le problème sur lequel Theresa May a buté : le Parlement britannique a certes refusé de voter l’accord qu’elle a négocié, mais il a voté aussi le refus de la sortie sans accord. Et encore dernièrement il a voté en ce sens en obligeant BoJo à passer par lui. Insoluble ! Il ne resterait alors que le retour devant les électeurs. Des élections générales très périlleuses avec des populistes prêts à tous les mensonges, même les plus gros pour faire gagner leur camp. Sans aucun respect pour l’intérêt supérieur de leur pays. Avec une quasi-certitude : les conservateurs en paieraient le prix par une lourde défaite et le « crash » de BoJo…
Si les « Anglais » imaginent recouvrer seuls la maîtrise de leur destin, face aux empires qui dominent actuellement le monde, ils risquent de voir ce rêve se terminer en cauchemar. Quant à la main tendue de Trump, elle est trop intéressée pour être honnête. Le Royaume-Uni ferait bien de se méfier.
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