LES ANCIENS ONT LA VIE DURE
04 novembre 2018
Pendant une semaine nous allons être saturés de Macron à toutes les sauces mémorielles ou pas. Alors échappons-nous un peu !
Le retour des boulets
François Hollande et Ségolène Royal y croient encore. Ils rêvent toujours l’un de retrouver le palais présidentiel, l’autre de le conquérir. François Hollande n’a aucune retenue. Oublié le bilan calamiteux de son quinquennat, oubliée son incapacité à se représenter, oubliées les cinq années perdues pourtant propices aux réformes qu’un contexte particulièrement favorable avec « l’alignement des planètes » rendait possibles. Il revient comme si seule comptait la trahison dont il a été victime par celui qui occupe la place aujourd’hui. Désir de vengeance ? Pas seulement. Les commentaires méprisants à l’égard de son successeur, sur ses « enfantillages », « son manque d’expérience », laissent percer une présomption qui n’a jamais quitté le personnage. Et pourtant, le seul souvenir de son passage aux affaires et du bilan qu’il a laissé devraient dissuader les Français, au moins l’électorat du PS, de revoter pour lui. Ils n’ont pas oublié l’humiliation qu’il leur faisait subir chaque fois qu’il se déplaçait à l’étranger ; ils n’ont pas oublié les hausses vertigineuses des impôts ; ils n’ont pas oublié l’incapacité à maîtriser les dépenses publiques… Quant à Ségolène Royal, c’est une autre affaire. Elle n’a pas assez à s’occuper avec ses hectares de glaces à représenter comme ambassadrice des Pôles. Elle a caressé l’espoir de reprendre du service après le départ de Hulot mais à l’Elysée on n’avait pas envie de réchauffer la vipère. Alors elle revient sur le devant de la scène pour régler ses comptes avec un livre aux nombreux passages qui paraîtront « croustillants » aux amateurs de « politique vue par Gala ». Selon ceux qui ont lu l’ouvrage, tout le monde y passe : Sarkozy, Hulot, Hollande évidemment pour l’avoir trompée avec une plus jeune qu’elle, Macron, Bayrou … Elle développe la thèse de la femme qui gêne en proie au sexisme de la classe politique. Se poser en victime : son meilleur rôle. En oubliant qu’elle a souvent tendu le bâton pour se faire battre. Mais c’est une manière de solder le passé pour prétendre à de nouveaux horizons. C’est que la « duchesse du Poitou » se rêve en sauveuse de la gauche en prenant la tête d’une liste aux Européennes. On n’a donc pas fini de la voir pérorer avec sa condescendance naturelle. Les deux annoncent clairement que l’Elysée reste un objectif. Combien de temps ces deux boulets vont-ils polluer le débat politique ? La réponse, c’est la même que celle du fût du canon pour refroidir : un certain temps !
Lui, il n’est pas en manque. Mais…
Nicolas Sarkozy fait quand même tout pour qu’on ne l’oublie pas. Il est trop occupé pour faire de la politique, mais il trouve quand même le temps de délivrer une longue interview au Point. A la différence des deux premiers qui se vautrent dans le terre-à-terre, il fait le choix de l’altitude. Une manière aussi de montrer sa connaissance des grands dossiers nationaux et planétaires, façon de prouver qu’il n’est pas encore « has been ». Il expose dans ces longues pages sa vision des grandes questions diplomatiques de l'heure, tout en lançant des piques de-ci de-là sur la manière de gouverner de l'hôte de l'Elysée, tout en s’abstenant de critiquer évidemment. Ce passage en revue ne laisse aucune question importante de côté et chacune est traitée avec une rare acuité. Manifestement, l’ancien chef de l’Etat a une vision du monde, démontre qu’il est capable de se projeter, et, en creux, fait ressortir la vacuité de celui qui est aux manettes comme de son prédécesseur. La France, l’Europe, la démographie, l’islam, le populisme, Trump, les valeurs… Les sujets ne manquent pas sur lesquels son analyse fait mouche. Il n’est pas dans le combat politique mais quand on lui pose la question : « Qu’est-ce qu’un leader ? », la réponse qu’il donne lui correspond tout-à-fait : « Pour conduire un pays, il faut quelqu’un qui ait la vision de ce que doit être l’avenir… ». Il n’hésite pas non plus à aller franchement au fait, quitte à provoquer : « Faire de Viktor Orban un dictateur et un leader de l’extrême-droite ne correspond pas à la réalité », ce qui est vrai mais pas forcément admis dans nos cercles officiels. Mais il l’a dit et répété : « Je ne suis plus dans le combat politique ! ». Néanmoins, il passe ton temps à recevoir des élus dans ses bureaux de la rue Miromesnil, non loin de l'Elysée. Et s’il donne parfois l'impression de parier sur l'échec de Laurent Wauquiez, c’est « une fausse impression », s'insurge-t-il. Il n’empêchera pas les lecteurs de son interview de penser qu’il se pose, ce faisant, en recours. Pour le moins. Echaudé par sa dernière tentative de retour, vous ne lui ferez plus jamais dire qu’il y pense. Mais ne pas le dire, n’empêche pas d’y penser. En tout cas c’est la conclusion à laquelle j’arrive. Une interview à lire absolument, c’est un cours de politique de haut niveau.
Commentaires