COULIS D’ETE
19 août 2018
LA BLONDE SOPHISTIQUEE
La plage est un spectacle.
Pour qui est observateur, elle devient rapidement un observatoire de nos contemporains que le sociologue n’hésiterait pas à classer en catégories, tant les typologies sont variées et révélatrices des tendances comportementales et de l’évolution de nos us et coutumes. Mais il y a des constantes. La « blonde sophistiquée » en fait partie.
Nous sommes installés au pied de la dune, à l’abri des sautes de vent. A droite, la plage s’étale jusqu’à Saint-Vincent sur Jard, à quelques encablures. A gauche elle court sur près de 8 km jusqu’à la pointe du Grouin du Cou. Un beau cordon littoral continu couronné du vert sombre de la forêt de Longeville. Devant, la marée à mi-hauteur dégage un large espace de sable en pente douce, avec un léger ressaut qui marque la limite de la marée haute. C’est sur cette partie légèrement surélevée qu’elle s’est posée, juste en face de nous.
Sur sa serviette de plage, elle a pris la pose.
La « blonde sophistiquée » ne laisse rien au hasard. Elle est allongée sur le ventre avec une posture précise : elle tient dans sa main, d’un geste étudié, sa jolie tête dont ses cheveux dorés tirés vers le haut et rassemblés par une petite barrette accentuent la rondeur. Elle porte évidemment une paire de lunettes de soleil d’un jaune réfléchissant très mode et accordé à sa chevelure. Je ne connaitrai donc pas la couleur de ses yeux. Je les imagine verts, pour le fun…
Le moment d’aller se rafraîchir est venu.
Evidemment, elle se trouve sur mon chemin. Passant près d’elle, je prolonge mon observation d’un coup d’œil panoramique : son corps bien proportionné arbore un maillot de bain deux pièces noir, très pudique, agrémenté, on s’en serait douté, d’une petite bande de broderies dorées. Le côté pile, en tout cas est uniformément bronzé, d’une belle couleur pain brûlé, sans le moindre défaut. On sent là aussi le soin et la précision pour éviter la moindre imperfection. Près d’elle est disposée à portée de main une petite trousse carrée rose, décorées de bandes tressées dorées, qui appartient sans nul doute à l’univers des poupées Barbie.
Un peu plus tard, le corps correctement refroidi, je refais le chemin vers mon parasol en sens inverse. Cette fois-ci j’ai droit au côté face. Elle est allongée sur le dos. Même constat sur les proportions du corps et le décorum du maillot de bain, haut et bas, même hâle parfait. Visage impassible.
Une rôtissoire programmée.
Et de fait, de ma place, prolongeant mon observation, je constate que la « crêpe » est retournée tous les quarts d’heure, montre en main, en un mouvement de métronome lent. Et à chaque fois, elle plonge la main dans sa trousse pour en saisir un flacon de produit solaire dont elle s’enduit méticuleusement. Pour elle, bronzer sur la plage est une activité à temps plein. Pas de lecture, pas de jeu, pas de bain. Juste prendre le soleil et le faire savoir, car la place choisie n’est certainement pas le fait du hasard. Elle est jolie et elle le sait, elle veut que nous aussi on le sache ! Une blonde à la peau brunie comme ça, ce n’est pas courant.
Je n’ai pas voulu prendre de photo, ce n’est pas l’envie qui manquait. Respect de l’image de la personne oblige. Je ne me voyais pas lui demander l’autorisation. Aussi l’illustration ci-dessus ne correspond-elle pas…
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