LE FEU CHEZ JUPITER
20 juillet 2018
Le conseiller a été finalement « foudroyé ».
Les agissements « curieux » d’Alexandre Benalla ont pris, en vingt-quatre heures de révélations et de condamnations, un tour vertigineux. Premier temps : les faits, ils sont confirmés par des vidéos, et suivis de l’insuffisante réaction du staff élyséen. Deuxième temps : le silence présidentiel. Pourtant, il est impossible de relativiser la gravité des faits. Un homme, tout conseiller pour la sécurité à l’Élysée qu’il fût, a usurpé la fonction de policier et a tabassé un manifestant le 1er mai. Il a été filmé. Quand le cabinet du président, qui l’avait autorisé à se rendre à la manifestation en tant qu' « observateur », a su ce qu’avait été son comportement, il s’est contenté de lui infliger une mise à pied soi-disant non rémunérée de quinze jours. C’est une sanction bien légère au regard de la gravité des faits, alors qu’on nous assure qu’il s’agit d’une punition exemplaire. On apprend au passage que ce genre d’autorisation est une pratique courante. Il y aurait donc des barbouzes parmi les policiers qui assurent le maintien de l’ordre quand il y a des manifestations. Emmanuel Macron est mouillé, forcément Contraint et forcé, il a bien fallu qu’il licencie M. Benalla. Il aura fallu attendre deux mois et demi pour que l’affaire soit rendue publique : c’est sans doute parce que Alexandre Benalla a été vu dans d’autres circonstances, notamment lors du retour en France de nos footballeurs, que la vidéo a été diffusée et a permis au « Monde » de raconter l’histoire. Une histoire que l’Elysée a pu croire enterrée puisque le conseiller du président s’est vu attribuer un logement de fonction début juillet.
La loi n’a pas été appliquée.
Il était pourtant simple, pour les conseillers de M. Macron, de saisir la justice dès le 2 mai et de se dispenser définitivement des services de M. Benalla. S’ils ne l’ont pas fait, c’est forcément sur instructions venant d’en haut, et sans doute parce qu’ils ont pensé que, si l’affaire ne s’ébruitait pas, ils pourraient l’enterrer. Sauf qu’il existe un article 40 du code de procédure pénale qui stipule que, si un fonctionnaire a connaissance d’un délit ou d’un crime, il doit le signaler à la justice. Tenu au courant, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, n’a pas cru bon, lui non plus, d’informer le procureur de la République. Qui plus est, le Président lui-même informé, n’a pas fait la démarche non plus, ni donné la consigne de la faire ! L’erreur du pouvoir est là, et elle gravissime, surtout si on se souvient que M. Macron a fait campagne sur le thème de la République exemplaire ! Evidemment, dès qu’elle a été connue l’affaire a créé le tohu-bohu à l’Assemblée nationale qui, à la vitesse grand V, a décidé de créer une commission d’enquête, tandis qu’une instruction judiciaire était ouverte, parallèlement à une enquête de l’IGPN, demandée par le Ministre de l’Intérieur. Branle-bas de combat tardif mais nécessaire. On finira donc par connaître la vérité dans ses moindres détails et il est indispensable que l’exécutif prenne la pleine mesure de cette affaire dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle ébranle la République. Et plus on en apprend et plus l’exécutif s’enfonce.
Un président atteint.
A l’Assemblée, les explications fournies par le Premier ministre et par la ministre de la Justice n’ont été ni claires ni utiles, à l’établissement de la vérité. Édouard Philippe et Nicole Belloubet n’ont, en réalité, probablement rien à voir avec cette histoire et ils ont été certainement court-circuités par les manigances de l’Élysée. Mais pas Gérard Collomb, informé, selon France-Inter, depuis le 2 mai. Dans ce contexte, Emmanuel Macron doit absolument prendre la parole. Il n’a pas voulu répondre au débotté pendant une visite en province, il a esquivé une question sur l’altération de la République qui pouvait en résulter. Il a seulement répondu qu’elle restait « inaltérable. » Et il feint d’ignorer les injonctions multiples en provenance des oppositions. Non seulement la République est touchée au cœur, mais sa présidence, elle, est altérée, ça c’est certain. C’est ce qu’on appelle « une affaire d’Etat », sans doute la plus grave depuis son arrivée à l’Élysée. On attend ses explications, or il se mure dans le silence, tout en laissant la justice, qu’il a oublié de saisir, faire enfin son travail. En tout état de cause, sa crédibilité est désormais atteinte et entachée d’insincérité par la volonté de cacher des faits délictueux. Jusqu’à maintenant, la communication de l’Elysée sur cette affaire accumule les mensonges, sans qu’on sache pourquoi M. Benalla a bénéficié d’un tel régime de faveurs. Comme manifestement il y a le feu à la maison, la foudre jupitérienne s’est abattue sur le malfrat. Même si d’autres têtes tombent, personne ne sera dupe : la foudre pourrait bien s’abattre aussi sur le directeur de cabinet et même sur le Ministre de l’intérieur. Cela ne suffira pas à éteindre l’incendie : il faudra que le Président explique l’inexplicable ! Et l’arrogance ne suffira pas.
Un cadeau aux oppositions.
Les oppositions n’en demandaient pas tant. Leur rôle est cependant de mettre le doigt où ça fait mal, et d’alerter l’opinion publique. Cette histoire est tellement rocambolesque que les militants et élus de la République en marche en ont le tournis. Les rares qui acceptent de s’exprimer veulent minimiser le rôle de leur « dieu ». Ils voudraient bien que le chef de l’État fasse toute la lumière sur l’affaire, mais comme c’est périlleux pour lui et que les « éléments de langage » venant habituellement du « château » sont aux abonnés absents, la plupart préfèrent se terrer, ne sachant quoi dire. Quel crédit pourra-t-on désormais accordé à un Président qui oublie d’appliquer la loi dont il est le garant ? Les forces de l’ordre elles-mêmes sont furieuses de ce qu’un individu dangereux ait usurpé les fonctions qui sont les leurs et entaché leur réputation. Macron comptait sur l’effet Coupe du monde du football pour rassembler les Français et aborder ainsi plus aisément un programme chargé de réformes difficiles. C’est raté. Il veut réformer la Constitution : mieux vaudra y regarder à deux fois ! Un referendum s’impose !
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