EDOUARD TETREAU, T’ES TROP !
24 juillet 2018
Hystérie collective ?
Dans une tribune publiée ce 24 juillet par le Figaro l’essayiste proche de Macron crie à « l’hystérie collective » contre le président au sujet de l’affaire Benalla. Sa plaidoirie prête à rire à défaut de pouvoir être prise au sérieux. On voit bien la ligne suivie, celle fournie par le « château », il s’agirait de « l’histoire minable d’une dérive personnelle ». Pour le reste circulez, il n’y a rien à voir, excepté « quelques erreurs commises et reconnues par l’Elysée ». Et encore, avec quelques excuses : « une équipe éprouvée par deux années ininterrompues de campagne et de présidence ». Il suffira « d’un renouvellement des hommes et des méthodes de gouvernement à la rentrée » et roule ma poule. Sur les deux maux que l’auteur a identifiés –les hommes et les méthodes-, je reviendrai plus loin.
Le procès des médias : tiens ?
Edouard Tréteau dénonce les « piliers du système politique et médiatique » qui font le lit du populisme par leur comportement. Et il nous livre une analyse extraordinaire. Je vous en livre les principales lignes : « … un mélange toxique de propagande, d’approximations, de non-vérifications des faits mêlés aux opinions, d’incapacité à prendre du recul sur l’évènement. Le journalisme d’investigation se fait journalisme de délation, avec la nécessaire complicité de policiers bafouant le secret de l’enquête ou de l’instruction pour faire avancer leurs agendas parallèles. Le journalisme de combat est devenu journalisme d’invective : exit Henri Frenay et Albert Camus, place à Jean-Jacques Bourdin… » Cela ne vous rappelle rien ? Ne découvre-t-il pas tardivement le traitement qui a été infligé à François Fillon auquel M. Macron doit sans nul doute son élection. Cette indignation est donc à la fois suspecte et tardive.
Le procès des partis traditionnels : tellement facile !
Quant aux « grandes gueules de l’opposition », elles n’ont rien de comparables avec celles du XXème siècle. Il n’y voit qu’une radicalisation des comportements et des expressions : « on exécute d’abord, on écoute et on réfléchit ensuite ». Forcément quand on ne voit dans l’affaire Benalla, qu’on devrait d’ailleurs plutôt appeler « Benjupiter », qu’un épiphénomène, alors qu’il y a accumulation de dysfonctionnements qui consacrent la confusion des pouvoirs et des genres entre ce qui appartient au gouvernement et ce qui procède de la présidence ; forcément quand on se fait le chantre du pouvoir avec la thèse et les éléments de langages fournis par le cabinet de la rue Saint-Honoré, forcément, ce sont les autres qui font le lit du populisme. Il ne veut pas voir que c’est la pratique du pouvoir et le comportement de la majorité qui provoquent cette exacerbation, imprégnée d’arrogance et de mépris. Les oppositions sont dans leur rôle : elles ont le devoir d’exiger toute la lumière sur ce qui est bien plus qu’un incident dont on peut penser que tout a été fait pour qu’il soit enterré. Sans elles, il n'y aurait pas de commission d'enquête !
Le renouvellement des pratiques démocratiques : chiche !
Néanmoins, la tribune n’est pas exempte de réflexions lucides. Quand il présente LREM comme « un parti d’automates et de dévots qui doit s’enrichir de vrais débats internes… et de débats externes avec les autres partis de gouvernement », ne fait-il pas le procès de l’incompétence et d’une certaine arrogance conférée par la « masse », qui a accentué la « verticalité » du pouvoir macronien. Le silence et la tétanisation qui les saisit depuis que le « château » se mure dans le silence en dit long. Il regrette fort justement que le système « majoritaire projette (malencontreusement –dit-il) ce qui ressemble à une arrogance de caste au lieu de diffuser une confiance collective ». Mais changer les équipes et la méthode suffira-t-il ? Oui, cette affaire constitue une belle occasion de sursaut et de renouvellement de toutes nos pratiques démocratiques. A l’Elysée, d’abord : arrêt des tentatives de renforcement du pouvoir personnel et d’affaiblissement du parlement, et de régression démocratique, contenus dans la réforme de la Constitution ; au Parlement en prenant en compte les propositions souvent constructives des députés n’appartement pas au parti majoritaire, et celles des sénateurs, au lieu de les rejeter en bloc. Il a le même refrain pour les instructions judiciaires, les pratiques journalistiques et policières : on peut rêver. La vérité, c’est que le sujet « Benalla » est bien une affaire d’Etat, ce que montrent assez bien les découvertes successives auxquelles elle donne lieu. Ce n’est pas une dérive personnelle mais celle d’un système qui procède d’un seul homme.
Et c’est à juste titre qu’on s’en prend à Emmanuel Macron.
Car, le Premier ministre et les députés LREM ont continué à nier l’importance de l’affaire pour empêcher qu’elle remonte au Président de la République, lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Il a été répété en boucle le même mensonge : une sanction a été appliquée à sa juste mesure. Mais répéter un mensonge n’en fait pas une vérité. Le ton moralisateur un brin méprisant empreint d’une certaine désinvolture qu’Edouard Philippe a utilisé à maintes reprises ne préjuge pas de l’évolution souhaitée par Edouard Tétreau, pas plus que les déclarations suant l’arrogance et le mépris du Président devant ses troupes, en marge de l’Assemblée, bombant le torse et se revendiquant comme « le seul responsable », (« s’ils cherchent un responsable, qu’ils viennent le chercher ») une forme de provocation à l’égard de l’opposition qui a obtenu la mise en place des commissions d’enquêtes parlementaires. Un Président qui choisit la provocation après s’être muré dans le silence et avoir tout fait pour que l’affaire ne soit pas sue ! Enfin, Un mot sur les auditions de Gérard Colomb : le Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur se comporte en expert lyonnais qu’il est de Guignol, tant ses « ignorances » sont grotesques.
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