PETIT ANNIVERSAIRE POUR UN DESASTRE HISTORIQUE.
08 novembre 2017
Le 6 novembre 1917, un coup de force de quelques milliers de soldats et gardes bolchéviques dirigés par Lénine et Trotski, établissait à Saint-Pétersbourg le premier régime communiste de l’Histoire. Cet épisode faisait suite à la révolution de février de la même année, dite « révolution bourgeoise » qui avait mis fin à 300 ans de régime tsariste de la dynastie des Romanov. Ainsi naissait le régime bolchévique qui donna naissance à la Russie soviétique (URSS). Pourtant le 6 novembre 2017 aurait pu presque passer inaperçu sur la place Rouge.
Rétablissons les faits.
La révolution d’octobre (comme on l’appelle) à cause du décalage du calendrier orthodoxe avec le nôtre, n’est pas du tout une révolution qui aurait mobilisé les « masses » comme ont cherché à nous le faire croire les communistes. Les combats ont fait moins de cinq morts à Pétrograd contre un pouvoir en déliquescence. C’est plutôt une révolte de l’armée alors qu’on est en plein conflit avec l’Allemagne. Le parti bolchévik mené par Lénine en profite pour s’emparer des leviers du pouvoir au détriment des « mencheviks » et des « socialistes-révolutionnaires » et dissoudre en janvier 1918 l’assemblée constituante élue en novembre, où il est très minoritaire. Il n’y aura plus d’instance véritablement démocratique pendant 70 ans.
La terreur bolchévique.
Le régime bascule rapidement dans la terreur et instaure un totalitarisme que Lénine a théorisé et préparé : une volonté de domination totale qui avec le monopole du pouvoir politique, s’impose de remodeler toute la société selon la doctrine marxiste, jusqu’aux individus dans les moindres faits et gestes, via une propagande intensive inconnue jusqu’alors : « Nous allons maintenant procéder à la construction de l’ordre socialiste » a-t-il annoncé. Il s’empare de tous les leviers économiques : abolition de la grande propriété foncière, nationalisation des entreprises, répudiation de la dette publique, planche à billets, contrôle ouvrier dans les usines… Il phagocyte tous les organes de l’Etat, prend les banques, les usines et les terres, installe des camps de concentration qui préfigurent le goulag… La Tchéka, police politique, est créée dès décembre 1917, et arrête, torture et exécute sans aucun contrôle.
L’archipel du goulag.
Les résultats sont catastrophiques, avec une production industrielle en chute de 80 % et des prix multipliés par 8.000 en quatre ans, Lénine est obligé de desserrer le carcan dès 1921 avec une Nouvelle Politique économique qui redonne un peu d’air aux acteurs privés. Cependant, sous l’effet de la planification, les céréales manquent. A partir de 1928, Staline collectivise l’agriculture, à la fois pour contrôler l’approvisionnement en grains et prélever des excédents pour investir dans l’industrie. Plus de 5 millions d’hommes et de femmes meurent de faim en 1932-1933. Le « Père des peuples » est obligé d’imposer l’ordre qu’on nommera « stalinien », en envoyant des millions de personnes dans les goulags, en donnant le pouvoir économique au parti communiste, en planifiant la production et les prix. La priorité est réservée à l’industrie lourde ! Dès lors, les statistiques officielles font état d’une activité qui s’accélère. La croissance aurait été de 14 % par an de 1928 à 1941, de plus de 10 % dans les années 1950. Le 12 avril 1961, Youri Gagarine accomplit le premier vol dans l’espace de l’histoire. L’URSS semble avancer à pas de géant non seulement dans la sidérurgie, mais aussi dans la haute technologie. En France, Jean-Paul Sartre et Raymond Aron s’affrontent sur la question de savoir si l’URSS va dominer le monde. Pourtant on est loin de la réalité. Les résultats impressionnants des programmes entre 1930 et 1960 sur le plan quantitatif s’avèrent complètement bidons quand on découvre à la dislocation de l’URSS qu’ils étaient largement le fruit de manipulations statistiques ou fondés sur des évaluations politiques de la valeur, en l’absence de prix de marché.
La Russie a gaspillé un siècle.
Le niveau de revenu moyen par habitant se situait à la veille de la Première Guerre mondiale entre celui de l’Italie et celui de l’Espagne. Aujourd’hui, il est équivalent, en données brutes, à un tiers du PIB par habitant d’un Espagnol. En 1913, sa production industrielle était équivalente à celle de l’Allemagne, elle n’en dépasse pas le tiers actuellement, malgré les programmes d’industries lourdes lancés par le régime soviétique. A peu près aucun produit industriel russe n’est connu, à part la vodka… et la kalachnikov. La Russie, avec 147 millions d’habitants, semble être un des très rares pays au monde, dont la population a décliné depuis cent ans, sous l’effet d’une faible natalité et de l’alcoolisme. Les bolcheviks ont exterminé nombre de membres des élites scientifiques et artistiques et la contribution de la Russie en la matière, hormis en physique, discipline clé pour l’armement, n’est pas du tout au niveau du potentiel du peuple russe ou de son histoire. Il faudrait rajouter le désastre écologique de la mer d’Aral, Tchernobyl… Il n’y a quasiment que dans le secteur militaire et des technologies associées (spatial) que la Russie a gagné en puissance depuis la révolution d’Octobre. Sous l’effet de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide, elle dispose du plus grand arsenal nucléaire de la planète à égalité avec celui des Etats-Unis. Et elle figurerait au deuxième rang mondial en nombre de chars, navires et avions.
Poutine, nouveau Tsar ?
75 ans de régime soviétique ont façonné les mentalités : 75 ans de répression qui, entre les exécutions, les déportations et les goulags, a fait de 10 à 20 millions de morts selon les historiens. Les gens sont habitués à obéir, y compris à la violence. Hormis la Corée du Nord, il n’existe plus de régimes totalitaires de même intensité : dans les autres pays communistes, les gens ont le droit de voyager, une classe moyenne s’est créée, le parti se contente de garder le contrôle politico-idéologique de la population. A moins que le pouvoir chinois de Xi ne préfigure un nouveau retour en arrière… ce qui n’est pas exclu. Pour la Russie, après huit ans de parenthèse démocratique chaotique sous Eltsine, Moscou semble revenu à une sorte de tsarisme : une concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme, inconnue depuis la mort de Staline en 1953. Le Parlement, les médias, les oligarques, les gouverneurs, les partis politiques, l’armée et le FSB (exKGB) sont aux ordres de Vladimir Poutine, qui s’appuie sur un lien direct avec le peuple russe, illustré par une popularité authentiquement supérieure à 80 %. Un système très instable toutefois, où se posera la question de la succession du maître du Kremlin, un jour.
Totalitarisme pas mort !
Comme l’affirme Stéphane courtois, l’Historien spécialiste du communisme, « on fête plus la révolution d’octobre à Paris qu’à Moscou ». En effet, Poutine n’a pas sorti le grand jeu pour le « centenaire », comme s’il voulait faire oublier cette triste époque. Des médias français glorifient toujours Lénine, et la présence de marxistes dans les Universités, refusant de reconnaitre leurs égarements, comme l’avait fait Yves Montand, est avérée. Et quand Macron veut commémorer Mai 68, qui a dévasté l’université française et l’exigence intellectuelle dans les sciences humaines, on croit rêver ! Il y en a toujours qui préparent le « grand soir », du côté de chez M. Laurent, Mélenchon et Besancenot….
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