JUPITER, MERCURE, HERCULE & C°…
05 juillet 2017
Un discours d’une heure et demie à 400 000€ (au moins).
Il parait que nous avons le plus beau Président de la Vème République. Le compliment vient de Brigitte (bah oui !). Forcément puisque c’est un dieu. C’est Jupiter et son ministre des finances en voyage à New York est Mercure (ou Hermès, chez les Grecs, le messager des dieux). Rien que ça ! Jupiter a donc parlé devant tous les parlementaires. Le palais avait fait savoir qu’il ne donnerait pas d’interview le 14 juillet parce que sa pensée est trop complexe. Les députés et les sénateurs ont pu le vérifier : ça baillait dur dans l’hémicycle, c’était dur de suivre. Hier, il a encore franchi une étape dans la mise en scène de son pouvoir : les images de sa marche dans la galerie des bustes à Versailles ont fait le tour du monde. Il a présenté sa vision du quinquennat au Congrès : à combien d’animaux sacrifiés ses « aruspices » ont-ils procédé pour arriver à un tel niveau éthéré. Le rêve éveillé a duré 1H30. Dieu a évoqué les grands, très grands principes de son action, à tel point qu'on a un peu de mal à en extraire les éléments clés. On aura retenu principalement la réforme des institutions. Il se donne un an pour la mettre en œuvre : baisse du tiers du nombre des députés et sénateurs, introduction d'une dose de proportionnelle sans plus de détails, suppression de la Cour de Justice, réorientation du Conseil économique et social, qu'il aurait pu supprimer d'ailleurs... autant d’idées qui flatteront le bon peuple par leur caractère populiste et vaguement punitif pour les élus, mais dont l’efficacité reste à démontrer. Toute « révolution » fait revenir au point de départ.
Hercule en action.
Il revenait donc à Hercule le soin de détailler sa méthode pour nettoyer les écuries d’Augias (l’Etat). Mais c’est un Hercule sans moyens : les caisses sont vides. Il faudra étaler le nettoyage ! Édouard Philippe va devait ramener tout le monde sur terre et aborder les sujets très pratiques. Son discours de politique générale fait penser à la chanson de Fernand Sardou : « Aujourd'hui peut-être ou alors demain ». Mais c’est la « Révolution » sans l’air ou plutôt l’« R ». Car ce qu’il propose est une timide « évolution ». On retrouve les éléments du programme de Jupiter dont il doit craindre la foudre. C'est déjà bien, mais le contraire eût été surprenant. Seulement voilà, le timing est devenu un peu flou. Des mesures vont être prises, dont certaines devraient être saluées. Mais elles ne le seront pas aujourd'hui, ni demain ! Certaines sont repoussées à 2019. D'autres à la fin du quinquennat... autrement dit aux calendes grecques. Il faut dire que la situation des finances publiques n'est pas bonne, comme l’a souligné la Cour des Comptes. Comme nous voulons, pour obtenir le soutien de l'Europe mais surtout la coopération de l'Allemagne, impérativement passer sous la barre des 3% du PIB, il faut donc différer d'un an, voire de quatre les mesures qui coûtent. Le seul risque c'est que dans un ou deux ans, l'état de grâce sera terminé et que les décisions soient moins simples à faire adopter. Donc, l'ISF ne sera pas supprimé avant 2019, le CICE ne sera pas transformé en baisse des charges avant 2019, au mieux, la taxe d'habitation sera bien supprimée pour 80% des Français mais on ne sait pas quand, sinon au bout d’une négociation avec les collectivités territoriales dont on sait qu’elles sont vent debout contre. Il reste la hausse du paquet de cigarettes à 10 euros et le « vaccin pour tous » qui devraient arriver rapidement. Par contre la hausse de la CSG sera appliquée rapidement et tant pis pour les retraités. Je perds mon temps à dénoncer cette mesure inique. On cherche le grand plan d’économies que tous ses prédécesseurs ont soigneusement évité. Hercule en dépeint l’urgence mais se hâte lentement. Dans cinq ans, si tout va bien, on aura réduit la dépense publique de 3 points de PIB et les prélèvements obligatoire de 1% : pas de quoi se rouler par terre, sinon de rire ! Dans l'ambiance de « Macronmania » actuelle, émettre une critique est un crime de lèse-majesté ou de blasphème. Je me contente donc de rapporter. C'est encore autorisé.
Les Français n’écoutent pas.
On ne s’étonnera pas que seulement un Français sur quatre a jugé convaincantes les interventions de Jupiter et d’Hercule. Selon un sondage Harris Interactive, le discours divin à Versailles devant les députés et sénateurs réunis en Congrès a convaincu 26% des personnes interrogées, 42% ne se disant pas convaincues et 32% ne se prononçant pas. Celui de politique générale d'Hercule devant l'Assemblée nationale a été, pour sa part, jugé convaincant par 27% des sondés, pas convaincant par 41%, 32% ne se prononçant pas. Rien d’étonnant, cela rappelle comme en écho, le taux de participation aux élections. La confiance sera longue à revenir. Et quand on est rattrapé par la réalité …
Pendant ce temps-là, Irène …
Pour rester dans la métaphore antique, voyons voir ce qu’Irène (Régente de l’Empire byzantin) a préparé outre-Rhin pour sa réélection : la présentation du programme de la CDU. Un objectif majeur : le plein-emploi, alors que l'Allemagne a atteint un des taux de chômage les plus bas d'Europe et du monde, Merkel vise les 3%, le plein-emploi absolu. Le programme a pour titre « L'Allemagne, le pays où il fait bon vivre ». Baisse d'impôts possible grâce à l'excédent budgétaire, relance d'une industrie déjà florissante, investissements dans le numérique : tout y est. On croit rêver. Non, on ne rêve pas !
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