DRÔLE DE CLIMAT POLITIQUE !
01 juin 2017
Macron bousculé par les affaires
L’euphorie de la victoire aura été de courte durée, et le retour à la réalité du pays vite imposé. Ces débats, ces révélations quotidiennes sur les agissements d’un ministre ou de députés européens, et toutes ces polémiques, sont en train de polluer la campagne des législatives comme ils ont abîmé celle de la présidentielle. La situation de Richard Ferrand n’en finit pas de se dégrader, ce matin une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Brest. On saura dans dix jours, à l’issue du premier tour des élections législatives, si ce changement de climat aura valu à Emmanuel Macron de battre un record dont il se passerait volontiers : celui de l’état de grâce le plus bref jamais accordé à un président de la République nouvellement élu. Le cas de Richard Ferrand est très différent de celui de François Fillon, mais il produit les mêmes effets. Le président de la République et le Premier ministre le soutiennent, le premier avec force, même s’il faut admettre que nos concitoyens sont « exaspérés ». Il n’empêche que, jour après jour, le Ministre de la Cohésion des territoires est soumis à un tir nourri de la presse, comme ce fut le cas de François Fillon. « J’ai ma conscience pour moi » est une réponse bien faible, qui ressemble furieusement à la défense de l’ancien Premier Ministre candidat, avec les mêmes arguments. La situation devient intenable pour lui et évidemment pour le pouvoir. Pour la première fois, le fulgurant Macron est dépassé par une tempête qui l’a pris de vitesse.
Le silence de Bayrou.
Et, comme Marielle de Sarnez, numéro deux du MoDem, ministre des Affaires européennes, fait, elle aussi, avec 18 autres députés européens, l’objet d’une enquête, François Bayrou, ministre de la Justice, est atteint par le contrecoup de l’affaire, au moment précis où, comble de l’ironie, il va présenter son projet de loi de « moralisation de la vie politique ». Celui-ci a bien pris soin d’ignorer le cas Ferrand : il n’en a pas dit un mot, sans doute parce que ses relations personnelles avec son collègue du gouvernement ont été très dégradées depuis l’affaire des investitures des candidats de la République en marche, et aussi par embarras. Le « goupillon » a été mis au rebut : sa loi fait rire à défaut de pleurer. Le résultat des rebondissements à propos de ces affaires c’est que le climat politique, de nouveau, est devenu très lourd et que la sagesse recommanderait au Président de la République d’assainir la situation par des décisions fortes. Enfin, c’est plus facile à dire qu’à faire. D’abord, M. Ferrand, à chaque nouvelle révélation, continue à affirmer qu’il n’est coupable « ni légalement, ni moralement », ce que seuls des juges pourraient confirmer. Ensuite, il n’est pas facile de le limoger alors qu’il a contribué énormément à la victoire de son mentor et mérite sa gratitude plutôt qu’une sanction. Pour ce qui est de Marielle de Sarnez, le moindre acte disciplinaire entraînerait une réaction forcément négative de Bayrou, qu’elle a servi pendant des décennies avec constance et fidélité.
On va voir si Macron a la moelle d’un chef.
Le président n’a pas besoin des conseils des observateurs et politologues. Mais la première leçon, qu’il doit tirer, porte sur le coeur d’airain que la tragédie politique exige de lui. Son devoir n’est pas d’être reconnaissant envers un fidèle lieutenant ou indulgent pour une Ministre, il est de réformer la société française, tâche assez lourde pour qu’il ne s’encombre pas en chemin de scrupules qui l’honorent mais sont dangereux. Pour l’instant, les sondages peuvent laisser croire à une douce atmosphère. Le chef de l’Etat communique par l’image, et c’est un sans-faute. On le voit mettre en scène efficacement ses apparitions à l’international. En quelques poignées de mains et déambulations savamment calculées, Emmanuel Macron a su séduire au-delà des frontières. Mais ses engagements à renouveler la vie publique du pays sont mis à mal et sa volonté de réformer rapidement le droit du travail et la pénibilité est l’objet d’une sorte de « stress-test » : la grève des camions citernes a beau être un conflit mineur, elle agit comme un rappel désagréable à l’endroit de tous ceux qui voudraient ignorer la soif de revanche sociale et de « troisième tour » de certaines forces politiques et syndicales qui n’attendent que le moindre prétexte pour utiliser leur capacité de nuisance.
Les diversions habituelles de nos juges…
Dès qu’une personnalité de gauche est dans le collimateur, comme par hasard, les affaires resurgissent. Pour mieux alourdir le climat, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur, 88 ans, est mis en examen dans l’affaire Karachi, qui traîne depuis quelque quinze ans, pour détournement de fonds. Eric Woerth a été entendu dans l’affaire du »financement libyen ». Manque plus que Sarkozy au palmarès… Ajoutez à cela la polémique entre Jean-Luc Mélenchon et l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve sur « l’assassinat » de Rémi Fraisse en 2014 à Sivens, et vous avez le tableau complet d’une campagne des législatives qui devient nauséabonde.
Reste à savoir comment réagiront les électeurs. A qui peut profiter le crime ? L’abstention ? La droite ? Ce qui est certain c’est que La REM risque d’y laisser des plumes. Et un point de perdu, c’est 50 députés de moins …
Commentaires