UNE ELECTION N’A PAS DE PRIX… MAIS ELLE A UN COÛT !
04 mai 2016
« Tous les sortants l’ont fait ».
Cet argument facile est entendu pour justifier l’accumulation des dépenses soudainement décidées par le chef de l’Etat. Est-ce bien vrai ? Evidemment, non ! Tous les sortants ne l'ont pas fait. Imaginons la bronca qui se serait déchainée si le gouvernement de Nicolas Sarkozy s’était livré à pareille manœuvre en 2011. Il avait alors bien d’autres chats à fouetter à se battre avec la crise de l’euro. Tout au plus François Fillon prenait-il des mesures d’ajustement budgétaire pour assurer la sincérité des comptes et le redressement de la France : des taxes en plus et même une tva sociale. Comme mesures pour acheter un électorat on fait mieux !
Pareille prévention ne semble gêner l’hôte de l’Elysée.
C’est sans vergogne que les dépenses sont engagées en faveur de blocs entiers de son électorat pour tenter de le regagner, depuis qu’il sait qu’un « bonus » inattendu de 6 milliards d’euros a pu être dégagé grâce aux circonstances extérieures et notamment à la faiblesse des taux d’intérêt sur une dette qui ne cesse d’enfler. C’est quand même du jamais vu ! Nous sommes bien en présence d’un individu que rien n’arrête pour tenter de garder le pouvoir, quitte à « acheter » les voix. Pour quelqu’un qui a l’habitude de donner des cours de morale républicaine on attendait mieux. « Moi, Président je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour me faire réélire, y compris en utilisant les moyens les plus douteux ! » : voilà une phrase qui manquait à sa célèbre anaphore. À en juger par le dispositif qu’il met en place, il n’a aucun doute sur son droit à briguer un second mandat, même si son bilan est catastrophique. Qu’il n’ait aucune chance d’être réélu lui importe peu. En fait, il compte sur l’amélioration de la conjoncture au cours des mois qui viennent et il sait très bien que, de l’Élysée, il peut orienter l’ensemble de sa politique vers des mesures populaires pour tenter d’infléchir le sort. D’où la série de cadeaux qu’il a commencée à faire, dont il espère la reconnaissance des bénéficiaires. Après le plan pour l’emploi et la formation d’1,6 milliards d’€ qui servira à redresser les statistiques de l’emploi, 150 millions pour l’entretien du réseau routier, 825 millions pour les agriculteurs, 600 millions pour les fonctionnaires (2,4 milliards en année pleine), 400 millions pour alléger le suramortissement des investissements, 200 millions pour les jeunes (500 millions en année pleine), 265 millions pour la prime de 800 € des prof d’écoles, voici venir de nouveaux allègements d’impôts pour les ménages à revenus modestes (de l’ordre de 2 milliards s’il s’agit d’allègements visant la taxe d’habitation)… et cela alors que seulement 46% des ménages paient l’impôt sur le revenu.
Une politique irresponsable.
A l’Elysée, on sait très bien que prise une par une, ces dépenses peuvent trouver une justification : la justice, la police, les routes… même la revalorisation du salaire des enseignants, ne sont pas des dépenses choquantes en soi. Ce qui ne va pas c’est qu’elles ne font pas l’objet d’un programme bien établi comme la situation l’exigerait, avec les économies correspondantes en face pour ne pas alourdir le fardeau de la dette et les déficits. Il faut donc s’attendre à ce que l’objectif de passer sous les 3% de déficit budgétaire ne soit pas atteint, et Bruxelles n’a pas manqué de souligner ses doutes à ce sujet. Voilà le vrai scandale : non seulement ces cadeaux sont ouvertement ciblés sur une clientèle bien définie, mais en plus ils sont faits à crédit ! C’est, évidemment, ne pas mesurer l’exacte étendue du désastre. D’autant plus que tout cela a de grandes chances d’être réalisé en pure perte. Car on ne peut pas ignorer les divisions profondes au sein de son camp ni ne pas tenir compte des oppositions dressées contre lui, à droite comme à gauche et à l’extrême gauche. Rien que l’hostilité des frondeurs contre lui suffit à priver la gauche de toute chance de l’emporter en 2017. De toute évidence, le candidat Hollande s’arrangera pour que la primaire n’ait pas lieu à gauche, n’ayant aucun intérêt à se confronter à des concurrents qui pourraient faire mieux que lui sur sa gauche et l’extrême gauche. C’est pour réduire cette forte opposition au premier tour qu’il augmente inconsidérément la dépense publique. Oui, vraiment, c’est irresponsable !
Les donneurs de leçons aux abonnés absents.
Cette manière d’agir mériterait une cabale médiatique qui n’aurait pas manqué de se produire pour tout autre personnage, surtout s’il était de droite. Où sont les donneurs de leçon de Marianne, de Mediapart, du Monde, du Nouvel Obs… Ils regardent ailleurs, tout absorbés qu’ils sont par le tumulte artificiel des Nuits debout et casseurs patentés. C’est au contraire un déluge médiatique du candidat en campagne chaque jour, à nos frais, qui s’abat sur les pauvres électeurs. Un sondage annonce une hausse de trois points de sa cote de popularité. Une hirondelle ne fait pas le printemps et le chef de l’État a le temps de dégringoler de nouveau. Mais le frémissement d’aujourd’hui montre combien l’opinion est sensible à une amélioration, fût-elle faible et quelque peu frelatée, de la situation économique et sociale avec 60 000 chômeurs de moins en mars. Comme quoi, l’opposition ne doit pas mollir sur le pilonnage qu’elle devrait opérer pour dénoncer de tels agissements.
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