« A TOUCHE LE FOND, MAIS CREUSE ENCORE ! »
17 avril 2016
Argumentaire plat, comme l’écran !
Je n’ai pas fait partie des malheureux qui se sont ennuyés pendant deux heures, jeudi dernier, devant l’écran plat, aussi plat apparemment que la parole présidentielle. Le peu que j’en ai vu à travers les commentaires qui ont suivi m’a largement suffi. Mon verdict, c’est celui d’un prof qui avait de l’humour et qui à propos d’un cancre, avait écrit sur son bulletin : « a touché le fond, mais creuse encore ! ». Tout le monde aura quand même retenu le « ça va mieux ! ». Enorme mensonge fondé sur des apparences trompeuses habilement exploitées. D’ailleurs les Français, en général ne sont pas prêts à le gober : la faible audience en témoigne, aggravée par son érosion au fil de l’émission. Avec moins de 3,5 millions de téléspectateurs, on peut dire qu’il a prêché dans le désert. La parole du chef de l’Etat est complétement dévalorisée et comme aurait Pierre Dac, « il n’est plus cru, il est cuit ! ». Comment peut-il songer à se représenter ? Tout homme sensé aurait déjà tiré les conclusions qui s’imposent, non ?
Non la France ne va pas mieux !
Les trois arguments sur lequel le locataire de l’Elysée s’est appuyé pour justifier son appréciation, la croissance, le déficit, le pouvoir d’achat, sont pipés. La croissance reste atone et les prévisions légèrement plus optimistes sont en train de fondre comme neige au soleil avec la conjoncture internationale morose : les 1,6% prévus au budget 2016 sont ramenés à 1,1% par le FMI. De toute façon on est bien loin des 3%, voire 2% qu’il nous faudrait, à minima, pour commencer à redresser véritablement la situation. Et encore faut-il répéter que la faible croissance que nous affichons est entièrement due aux facteurs extérieurs que sont le faible prix du pétrole (qui rapporte à lui-seul l’équivalent d’1 point), les taux d’intérêts nuls voire négatifs, l'euro faible, et à l’absence d’inflation. Il faudrait ajouter que les économies que cela permet, 6 milliards sur les taux d’intérêts en 2015 et 3,9 milliards escomptés en 2016, sont déjà dépensées avec toutes les largesses dispensées depuis le début de l’année : 2 milliards pour le plan de soutien à l’emploi, 2,5 milliards pour les fonctionnaires, 800 millions pour les agriculteurs, 500 millions pour les jeunes, 1 milliard pour la police et la gendarmerie, … Et il a oublié un paramètre important : le niveau de la dette ! Le recul du déficit en 2015 est obtenu mécaniquement par les économies réalisées sur les intérêts de la dette et en aucun cas par des efforts de réduction des dépenses publiques. Quant à la hausse du pouvoir d’achat, elle provient non de la hausse des salaires, mais de la diminution des dépenses des ménages sur le prix de l’énergie. Elle aura permis une reprise de la consommation qui s’est aussitôt soldée par une augmentation de notre déficit de la balance commerciale. Le seul gain à en tirer c’est l’augmentation des rentrées de TVA pour l’Etat.
Cette crise mondiale qui vient doucement … mais sûrement !
Le plus grave est à venir. On peut refaire le monde place de la République. Avec des vieilles idées on essaie de nous faire croire qu’un vent de fraîcheur souffle sur notre démocratie. Ce vent a l’haleine putride, tellement les slogans qu’on voit affichés sont éculés. Ils sont les proclamations d’une pensée figée dans le 19ème siècle. Le monde dont ce peuple soi-disant anonyme dessine les contours n’existe pas et s’il est virtuel, c’est plus un « téléportage dans le passé » à l’époque de Karl Marx et de Zola qu’un « retour vers le futur ». On est très loin du monde réel dont en haut lieu on ferait bien de s’inquiéter, toutes tendances politiques confondues. Car le plus grave incendie économique que la planète ait à connaitre couve sous les dérèglements monétaires que nous observons. Le FMI vient de tirer le signal d’alarme mais personne ne veut écouter. Qui peut croire qu’il est normal de recevoir de l’argent comme intérêts d’un emprunt contracté : c’est l’effet des taux négatifs, et ça existe au Danemark ! Les effets bénéfiques de la baisse des taux des grandes banques centrales et de la liquidité monétaire qui abonde partout, se lisent dans les signaux macro-économiques mondiaux, mais occultent deux énormes difficultés qui s’avancent parallèlement, comme deux vagues monstrueuses au milieu de l’océan. La première est celle de l’économie réelle, la seconde est celle de l’argent.
L’économie réelle ne va pas bien et le phénomène est mondial : pratiquement aucun pays ne peut prétendre à une croissance de plus de 2%. Les « émergents » sont victimes des désordres sur les prix des matières premières, les pays producteurs de pétrole sont à la peine et la crise qu’ils connaissent que l’Arabie et la Russie tentent maintenant d’enrayer, se répercute sur toutes les matières premières. Le Japon échoue à se relancer. La Chine a longtemps connu un contexte économique favorable qui n’existe plus et sa « transition » va être longue. Le Brésil est en crise profonde et l’Inde ne va guère mieux. L’Europe est à la traîne et à la limite de la déflation. Les Etats-Unis ont l’air d’aller mieux, et pourtant c’est encore de chez eux que viendra la tempête quand elle se déclenchera.
La vague de l’argent va en effet servir de courroie de transmission : trop peu a été fait en matière de régulation financière, notamment concernant la séparation des activités. Le trading haute fréquence s’intensifie et les marchés boursiers américains montrent de nombreux signes de faiblesse. Trois facteurs réunis déclencheront le cataclysme : la hausse des taux de la Fed, une crise obligataire et les technologies de l’instantané qui propulseront un « effet domino ». Il s’ensuivra, comme en 2008-2009, mais en plus accentué, un grippage du système économique mondial (en 2016, en 2017 ?). La mécanique enclenchée obligera à un cycle de hausse des taux avec multiplication des « défauts », crise de dette publique à laquelle s’ajoutera une crise de la dette privée.
Quand les deux vagues se seront rejointes, la liquidité deviendra plus rare dans un contexte global de ralentissement intensifié des émergents et de faible croissance des pays développés. Un krack obligataire créera la défiance dans le système interbancaire puis dans l’économie réelle qui se retrouvera paralysée. Les faillites seront cette fois-ci à l’échelle du monde.
La France est un maillon faible.
On constatera alors que faute d’avoir fait de réels efforts pour diminuer sa dette et ses déficits publics, la France sera exposée dès les premiers coups de vent de la tempête. La hausse des taux sera alors mortelle, les marges budgétaires qui existaient encore en 2008 ayant été rognées par l’inaction des socialistes. On peut craindre un impact majeur sur les ménages, mais ce sont surtout les investisseurs et le marché obligataire qui seront dépossédés de leurs avoirs, entraînant dans leur chute l’ensemble des économies. Inutile de vous dire que le Président aurait dû avoir en tête ce scénario avant d’annoncer, triomphal, « ça va mieux ! ».
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