LA GUERRE DES GAUCHES
16 octobre 2015
Elle aussi fait rage et elle vaut bien la guerre du pétrole. Rien ne va plus entre le PS et ses alliés, les Verts, et encore moins avec la gauche de la gôôôche avec laquelle la rupture est consommée. Il suffit d’observer l’attitude de la CGT, téléguidée par ce qui reste du PC.
Les pommes de discorde se multiplient.
L’interpellation de six des employés d’Air France qui ont participé à l’agression contre deux cadres supérieurs est devenue un sujet de fracture. En effet, les policiers, lundi matin, sont allés chercher, à l’aube, cinq des salariés mis en garde à vue . Du coup, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent (PC) ont aussitôt exprimé leur indignation. Non seulement ils estiment que la violence est celle qu’exerce la direction de la compagnie en prévoyant près de trois mille licenciements, mais ils pensent que la police a réservé aux suspects un sort humiliant. Un peu gros quand même : certes les individus en question n’ont pas été traités avec ménagement, mais ils n’ont pas eu eux-mêmes pour les cadres d’Air France, des manières particulièrement « policées ». On peut même se demander ce qui se serait produit si les deux hommes n’avaient pas été soustraits par des vigiles à la violence dont ils faisaient l’objet. Cette fracture, on l’a bien vue lors de la visite du chef de l’Etat à Saint-Nazaire où il a été chahuté par les responsables cégétistes.
L’image de la France.
Le souci du gouvernement a d’abord été moins le sort personnel des deux cadres que les dommages causés à la réputation de la France par les images qui présentaient notre pays sous un jour peu flatteur. Aussi Manuel Valls, en visite en Arabie saoudite, s’est-il efforcé de minimiser l’incident dans l’espoir d’améliorer l’idée que l’on se fait de la France à l’étranger. Pierre Laurent a jugé « hallucinante » cette attitude du Premier ministre, qui est allé, selon lui, s’excuser d’un incident syndical auprès d’un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme. Polémique plutôt amusante, car le PC, toujours prêt à plaider la cause des prolétaires et des chômeurs, devrait admettre que le communisme et les droits de l’homme n’ont guère fait bon ménage. Mais la fermeté de l’exécutif a fait long feu. Notre roi de l’embrouille, qui s’est probablement senti humilié par le métallurgiste des chantiers navals, s’est empressé de reprendre à son compte le discours gauchiste comme quoi la violence vient aussi des « patrons » et de mollir sur le plan de restructuration d’Air France, pourtant indispensable si on veut sauver la compagnie. Double langage et valse-hésitation avec changement de pied en permanence. De ça, les Français n’en peuvent plus.
Une gauche d’opposition.
Ce que montrent surtout ces échauffourées (qui seront vite oubliées), c’est que la gauche non-PS se comporte en opposante, comme si elle voulait la perte de ce gouvernement. Le Premier Ministre et Emmanuel Macron sont les bêtes noires et, dans la hiérarchie de ses ressentiments, on peut se demander si c’est le Front National qui occupe la première place et la droite la deuxième. Le climat est tel que tout espoir de reconstituer l’unité de la gauche dans la perspective des prochaines échéances électorales paraît très compromis. Les frondeurs, les mélenchonistes, le PC et les Verts ont fait de la politique économique et sociale du gouvernement un abcès de fixation et ils n’accepteront de coopérer avec François Hollande que s’il limoge son Premier ministre et son ministre de l’Économie. Pendant ce temps, Jean-Marc Ayrault, ancien chef du gouvernement, qui a besoin d’exister, insiste pour que le Président de la République procède à la réforme fiscale qu’il avait promise et qu’il n’a pas faite. Une telle réforme impliquerait la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, ce qui se traduirait par une hausse sensible de l’impôt payé par les familles possédant un patrimoine. Bref, le bateau prend eaux de toutes parts.
Referendum bidon.
Aussi, la direction du PS tente-t-elle de trouver des pare-feu. Car la désunion, compte –tenu du mode de scrutin qui oblige à arriver en tête, risque d’être catastrophique pour les élections régionales, de provoquer une débâcle jamais vue. L’idée d’un referendum populaire pour imposer l’union n’a aucune chance de déboucher sur un rapprochement. Tout simplement parce que le pouvoir ne mesure pas son impopularité qui est immense parmi ses électeurs eux-mêmes et à moins d’un mois des élections régionales, cette crise idéologique et la déception ne laissent pas augurer du succès de cette initiative en faveur de l’unité électorale. Quoi qu’il soit, le résultat sera aussitôt contesté. Chacun tient désormais à se compter, et même à provoquer la défaite d’un gouvernement qu’ils ne veulent plus soutenir. On a désormais une gauche de gouvernement, mais qui n’est toujours pas claire sur sa ligne, et une gauche franchement d’opposition, de contestation, radicale, qui prétend répondre à la désespérance avec son discours archaïque. Mais les deux gauches n’arrivent pas à admettre qu’elles ont perdu totalement prise sur l’électorat populaire au profit du Front National. Et plus elles se déchirent et plus celui-ci prospère. Un terrain politique qui pourrait conduire à l’élimination de la gauche au premier tour par l’émiettement des voix et l’abstention, laissant l’union de la droite et du centre seule face au parti extrémiste.
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