DEPARTEMENTALES : 50 NUANCES DE BLEU …
23 mars 2015
Le premier tour de ces élections départementales présente trois particularités : les résultats ont démenti les sondages qui annonçaient un raz-de-marée du Front national ; quel que soit le mode de calcul, l’UMP-UDI arrive en tête ; le PS subit une défaite mais résiste ; le taux d’abstention de 49 % est inférieur à ce que l’on craignait, notamment par rapport aux élections européennes et aux cantonales de 2011 (55,7 %).
Des élections départementales, une dimension nationale.
L’enseignement principal qu’on doit en tirer, c’est que la politisation nationale, entreprise par Manolito à gauche et Sarko à droite, a payé. Elle a permis de réveiller une partie de l’électorat, à l’union de la droite et du centre d’arriver en tête et au PS de limiter les dégâts. En résumé, on a l'UMP en tête, le FN en embuscade et le PS qui tente de sauver les apparences.
L’abstention, qui avoisine les 49%, est nettement inférieure aux européennes de mai 2014 (57,5%) et des cantonales de 2011 (55,7%). La droite est sortie largement en tête du premier tour, alors que la gauche divisée est en passe de perdre dimanche prochain une trentaine de conseils généraux et que le FN, à 26,8% est qualifié dans plus d’un canton sur deux.
L’analyse des résultats.
Le bilan du premier tour est bon pour l'UMP. L’UMP-UDI-UC-MoDem recueille 29,51% des voix, et 36,41% des suffrages en incluant les voix obtenues par les binômes Debout la France et divers droite et un total de 218 sièges déjà pourvus.
L’ensemble de la gauche, qui pointait à 34% au soir des européennes, alors que les observateurs lui prédisaient une déroute sans précédent dans la droite ligne des municipales et des européennes de 2014, réalise un score cumulé de 36,2%, contre 36,5% pour le bloc de droite. Mais ce coude-à-coude est en réalité purement théorique et ne devrait pas empêcher un revers électoral. Sa désunion avec le Front de gauche et les écologistes risque de priver la gauche d’un grand nombre de sièges et de présidences départementales, alors que celle-ci détenait 61 départements.
Les Verts, qui ne s’étaient alliés au PS que dans 20% des cantons et s’étaient rapprochés de l’extrême gauche, s’effondrent, à 2,05% et n’obtiennent pas d’élus pour l’instant.
Le FN arrive en tête dans 43 départements (sur 98 où le scrutin avait lieu). Outre ses bastions du sud-est ou du nord/nord-est, il termine premier jusque dans les Côtes d’Armor (19%), où gauche et droite étaient divisées. Surtout, après 8 élus dès le premier tour, il sera présent au second dans près de 1.100 cantons sur environ 1.900 encore à pourvoir. Marine Le Pen était tout sourire au moment de son discours un peu après 20H. Pourtant, elle a raté son pari : son parti est arrivé loin derrière celui de Nicolas Sarkozy et n'est pas donc pas le « premier parti de France », titre dont elle s'était prévalue après les élections européennes.
Un décryptage compliqué, mais des lignes de force évidentes.
Ces chiffres peuvent donner le tournis et la confusion est volontairement entretenue par le Ministère de l’Intérieur. Il faut dire qu’il y a une multiplicité de combinaisons et d’étiquettes qu’il faut agréger pour donner du sens aux résultats. Ainsi dans le Maine-et-Loire, les plupart des binômes étaient des tandems UMP-UDI et parfois MODEM. La même chose se produit traditionnellement à gauche pour ces élections locales. Les résultats donnent donc lieu à des calculs différents : si on totalise les voix de la gauche, on s’aperçoit qu’elle fait score égal avec la droite. Pourtant, elle a déjà perdu quelque 500 cantons sur près de 2 000 et en perdra encore beaucoup au second tour. Malgré un score moins élevé que prévu, le Front national arrive en tâte dans 43 départements, dont le Var, l’Aisne, le Vaucluse, la Haute-Marne, l’Oise. Enfin, la droite est assurée de reprendre entre vingt et quarante départements supplémentaires et de renverser le rapport avec la gauche. L’union fait la force et les cantons où la division a entraîné l’élimination sont définitivement perdus pour la gauche. L’institut Opinionway a publié des projections tablant sur 71 départements « probablement à droite », 19 « probablement à gauche » et 3 « sans majorité » (Pas-de-Calais, Vaucluse, Seine-Maritime) à l’issue du second tour dimanche prochain. Elles sont évidemment à prendre avec précaution.
Les enseignements politiques sont nombreux.
C’est d’abord un succès pour Nicolas Sarkozy, qui a fait une campagne brillante et a réussi à rassembler les forces de la droite républicaine. Il maintient à la fois le « ni-ni », c’est-à-dire qu’il refuse tout appel à voter pour le FN ou pour le PS avant le second tour, et son serment de ne passer aucun accord avec le FN. La droite et le centre ont réussi à faire vivre une union pour la circonstance, comme en témoignent leur score impressionnant et le nombre de cantons où cet attelage est en passe de l’emporter. L’UMP et les centres devront s’en souvenir au moment des régionales et des primaires et comprendre que c’est la capacité à s’unir derrière le vainqueur qui donnera toute sa légitimité et sa force au processus de sélection du champion de ces familles politiques.
Car il faudra garder une dynamique puissante pour résister à la pression du Front National. Même avec un score en deçà de ses espérances, le parti de Marine Le Pen réalise une performance. Il a déjoué tout ce qui a été essayé contre lui, la diabolisation comme l’imitation, et comptera désormais des centaines d’élus locaux. D'autre part, on verra vite, dans les tout prochains jours comment la droite élargie au centre fera prospérer ce premier succès, et comment elle gérera alliances et reports pour le deuxième tour. C’est à cette réalité-là que l’on pourra évaluer la solidité de ce qui a commencé à se dessiner ce dimanche dans les urnes.
Pour contenir, au moins momentanément, l’ascension du Front, la gauche a dû surmonter ses divisions et se mobiliser au moins verbalement. De ce point de vue, elle a répondu à l’appel de Manuel Valls dont la campagne a été très critiquée, mais dont la dénonciation du péril FN a incité les électeurs de gauche à se rendre un peu plus nombreux aux urnes. Le PS va néanmoins perdre cette partie et il ne pouvait en être autrement, si l’on tient compte de l’insuffisance de ses résultats sur les plans économique et social et de l’incapacité de l’exécutif à empêcher au sein de sa propre majorité d’arrêter le chacun pour soi : Front de gauche, Verts, Parti socialiste, les familles de la gauche se sont un peu plus décomposées, avec effet immédiat sur le résultat électoral. C’est la grande leçon de ce scrutin : la division se paye cash.
La France est à droite, c’est ça la réalité.
Bien entendu, le FN est devenu une force politique considérable avec laquelle il faut compter et qui nécessite que l’on se batte contre avec toute la vigueur requise par une mobilisation encore plus grande avant le second tour. Mais, c’est aussi l’occasion, pour les frondeurs, pour Martine Aubry, pour le Front de Gauche, pour EELV (moins de 2 %) de méditer sur les stratégies fantaisistes et périlleuses qu’ils ont élucubrées sur un coin de table. Il y a une addition que personne n’ose faire mais qui traduit une vérité : UMP, UDI et FN représentent 60 % des suffrages. Les instituts d’opinion estiment à 40 % la proportion d’électeurs FN qui pourraient voter UMP au second tour, et qui ne croient pas au programme marxo-communiste de Marine Le Pen. Dans ces conditions, y a-t-il un avenir pour des idées qui s’inspirent encore aujourd’hui du marxisme ?
En attendant, le second tour sera décisif. Pour la droite et le centre, il faut amplifier la mobilisation pour transformer l'essai.
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