COUP DE SEMONCE POUR L’UMP
02 février 2015
Dur-dur, le Doubs.
Trop confiante l’UMP ! Depuis les attentats et le climat qui s’en est suivi, on sentait bien que quelque chose avait changé dans l’état d’esprit des électeurs. On a eu la réponse, peut-être partielle, dimanche dernier, mais elle tombe au plus mauvais moment pour Nicolas Sarkozy et l’UMP. Son candidat, Charles Demouge, est arrivé en troisième position, à moins de 2 points du second, lors du premier tour de l’élection partielle dans la quatrième circonscription du Doubs, où le poste de Pierre Moscovici, nommé commissaire européen, était à pourvoir. Il n’est donc pas qualifié pour le second tour qui opposera la candidate du Front national, Sophie Montel, laquelle fait une percée, avec plus de 33 % des voix, au candidat socialiste, Frédéric Barbier, qui a obtenu 29 % des suffrages. L’analyse des résultats obtenus montre au moins trois enseignements : l’électorat PS retrouve le même score que lors du premier tour de la présidentielle de 2012 mais perd 12 points par rapport aux législatives, et les partis de gauche autres que le PS font de tous petits nombres de voix, la candidate frontiste profite d’un véritable transfert des voix de gauche PS-FG dans les mêmes proportions, enfin les électeurs de l’UMP ne se sont pas suffisamment mobilisés bien que le nombre de voix obtenus par son candidat soit conforme à ce qu’il était en droit d’attendre puisqu’il retrouve le niveau de 2012 avec même 3 points de plus dans une circonscription ancrée à gauche. C’est bien là le problème, son résultat est trop normal ! Un coup dur pour l’UMP surtout psychologique, qu’il faut relativiser puisque le même jour, ses candidats triomphent largement à Ajaccio avec près de 60% des suffrages et à Louveciennes dès le 1er tour avec 52%. Sur ces trois scrutins, on constate toujours un effondrement plus ou moins important du Parti socialiste et la progression de nos candidats.
Le Bleu-Marine vire au noir.
Les électeurs de droite qui croient encore que le FN est un parti de droite qui serait qualifié d’ « extrême » par des positions plus dures font de plus en plus une erreur d’analyse. S’il garde le vocabulaire patriotique, c’est pour mieux leurrer tout le monde. Car il agrège des électorats qui se superposent en jouant avec des registres de langages populistes destinés à différents publics. Dans le Doubs, la candidate FN réalise 33% grâce au report des voix d’extrême gauche. Une fois encore, les Mélenchonistes sont à poil. Ce n’est pas un hasard puisque la nouvel plume du FN, Aurélien Legrand, vient du NPA de Besancenot. Une grande partie de l’entourage de Marine Le Pen vient de la gauche, à commencer par Filippot, et les cadres issus du vieux fonds de commerce Le Peniste ont été évacués. C’est donc une incongruité de parler d’un parti de droite après ce virage gauchiste. On peut ainsi imaginer aussi que l’effet Tsipras anti austérité a pu jouer en sa faveur. Le chœur français des médias a chanté à tue-tête la gloire de l’iconoclaste d’Athènes, sans se rendre compte que la haine de l’Europe peut conduire à une facture bien française.
Un dilemme ? Pas forcément.
Ce qui est plus inquiétant pour Nicolas Sarkozy, c’est le niveau atteint en général par le Front National : il dépasse les 30 % dans toutes les enquêtes d’opinion. La situation dégradée du pays et la montée constante du chômage y est sûrement pour beaucoup, mais ce n’est pas une consolation. Les adversaires de Nicolas Sarkozy ont beau jeu de constater que l’ancien chef de l’État n’a pas réussi à faire reculer le FN depuis qu’il a été élu à la tête de l’UMP. Et les médias ne ratent pas une occasion pour faire passer l’idée qu’il a raté son retour. De fait, la réorganisation du parti n’a pas pu réellement produire encore ses effets, et le voilà confronté à la pire des situations où l’image de la désunion risque de l’emporter sur celle du rassemblement souhaité. A cause des prises de positions personnelles et en désordre des uns et des autres. Ceux qui se livrent à ce petit jeu n’imaginent certainement pas les dégâts qu’ils font dans l’esprit des militants, trop imbus de leurs certitudes qu’ils sont ! Alors que Nathalie Kosciusko-Morizet souhaite que l’électorat UMP apporte ses suffrages au candidat socialiste dimanche prochain, Bruno Le Maire se déclare hostile au front républicain et s’en tient au « ni, ni », ni PS ni FN. Pour ne citer que ces deux-là. Faire élire un député PS c’est prendre le risque de donner un avantage psychologique non négligeable à l’exécutif, à la veille des élections cantonales, tout en faisant passer à la trappe tout le reste : impôts, chômage, désastre économique… Contribuer, en restant neutre, à faire élire une députée frontiste c’est pire. Ce serait même une défaite cuisante que de favoriser le parti anti-européen le plus virulent et qui plus est veut la mort de l’UMP. La direction de l’UMP doit prendre une position officielle demain : l’essentiel c’est qu’elle soit commune, sinon la querelle fera le jeu du FN ! Maigre consolation : quelle que soit la décision, il y a gros à parier que les électeurs de l’UMP n’en feront qu’à leur tête, en espérant qu’ils n’iront pas, par rancœur anti-socialiste déposer un bulletin FN.
L’offensive, vite.
Le débat sur la ligne de l’UMP, droite ou centre, est un faux débat. D’ailleurs l’élimination de Demouge, un proche de la ligne Juppé, en est une illustration. Il n’y a pas de solution miracle. On demande à l’UMP d’être elle-même, c’est-à-dire le rassemblement de la droite et du centre, et de jouer pleinement sur les deux créneaux. Ceux qui entretiennent un antagonisme entre soi-disant deux lignes qui seraient contradictoires ménagent en fait leurs petits intérêts avant ceux plus généraux du parti. On se moquera bien que Les socialistes dénoncent l’attitude de l’UMP. Le plus important c’est que Nicolas Sarkozy réussisse à reprendre la main : il peut y arriver s’il accélère la mise en place d’un programme de gouvernement qui serait soutenu par la totalité des candidats potentiels à la présidence et convaincrait les militants (ou les électeurs) et si les candidats à la primaire acceptent de mettre leur campagne au service des échéances électorales de cette année. Tout le monde y gagnerait. Il y a urgence à reprendre le travail d’opposition à la politique gouvernementale et à marteler son bilan désastreux. Pour la gauche, la tentation est grande de laisser croire que l’extrême droite se nourrit des forces de l’UMP. Pour la droite et le centre, le sursaut passe par un rassemblement. Ceux qui s'apprêtaient à faire une campagne cantonale bien dépolitisée à l'ancienne devront y réfléchir à deux fois entre un PS qui n'hésitera pas à entonner ses antiennes doctrinaires et le FN dont on sait qu'il ne fait jamais campagne que sur des thèmes politiques nationaux..
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