L’EMBOBINEUR PUBLIC
15 janvier 2014
Et j'en remets une couche !
Toute la planète microcosmique s’ébaubit sur le virage social-démocrate ou social libéral (curieusement, ce n’est plus un gros mot) du locataire de l’Elysée. Mais une fois les mots retombés, les maux réels réapparaissent comme les champignons après l’averse. Et viennent contredire la parole « d’en haut », dont on découvre petit à petit les nombreux artifices comme les 30 milliards alloués au « pacte de responsabilité » qui ne s’ajoutent pas au 20 milliards du CICE, mais les prennent en compte, ce qui diminue l’effort d’autant. 50 milliards de baisse des dépenses publiques, 35 milliards de baisse des charges pour les entreprises : montants impressionnants, dommage qu’ils soient bidons, car infinançables sans croissance.
Les chiffres économiques de ce début d’année 2014 sont formels : tous les pays européens, même les plus touchés par la crise, repartent du bon pied… sauf la France. Elle reste à l’arrêt, avec une croissance atone et une courbe du chômage qui ne s’inverse pas. Alors qu’en Espagne le chômage baisse, en Grèce le climat des affaires est au plus haut, en Italie les exportations décollent. Au Portugal, le coût du travail ne cesse de baisser ce qui finira par attirer les investissements productifs.
La France est à contre-courant du reste de la zone euro où les carnets de commande se remplissent grâce aux gains de compétitivité. Et il n’y a pas de retournement à l’horizon.
Après avoir profité de la monnaie unique et de ses taux bas pour consommer sans se réformer, le pays donne l’impression d’attendre que ses voisins se refassent une santé, entraînés par l’Amérique, pour profiter d’un bol d’air venu du large. Et ce ne sont pas les mesures annoncées hier qui risquent d’améliorer la santé du malade, car on est loin du traitement de fond de nos faiblesses. De quelle baisse des dépenses publiques parle-t-on quand elles augmenteront encore de 10 milliards d’euros ? De quelle pause fiscale s’agit-il quand on s’apprête à infliger 12,5 milliards d’euros supplémentaires d’impôts aux ménages et 2,5 milliards aux entreprises déjà exsangues ?...
Et hier, pas un mot sur l’effondrement de l’ordre public, alors que tous les territoires se trouvent confrontés aux violences de toutes sortes. Pas un mot sur l’explosion des communautarismes confortés par les politiques publiques dans le domaine social et éducatif. Pas un mot sur la vraie cause de l’exil de nos cerveaux à cause du démantèlement systématique des pôles d’excellence publics et privés, au profit d’un enseignement public décadent mais protégé comme un tabou religieux. Pas un mot sur l’impasse budgétaire du financement des opérations extérieures au Mali et en Centrafrique (1,2 milliards d’euros) non financées sinon par la cannibalisation des budgets d’équipement.
Son passage sur l’Europe aura été le moment le plus crédible, mais c’est pour faire du Sarkozy sans le dire notamment dans le rapprochement avec l’Allemagne qu’il a interrompu à son arrivée ou avec le projet de gouvernance de la zone euro qu’il reprend à son compte. C’est donc dix-huit mois qui ont été perdus.
L’état de santé de la France inquiète en Europe. Les personnalités en vue s’en émeuvent. Car si elle ne guérit pas vite, elle risque de contaminer ses voisins et de les faire rechuter. Il faut sans tarder procéder aux vraies réformes : baisses immédiates et réelles des charges sur les entreprises, coupes sombres dans les dépenses publiques, baisse du salaire minimum qui est une machine à fabriquer des chômeurs, flexibilité du travail qui ne se résume pas à taxer les contrats de travail et à interdire le travail le dimanche et l’ouverture nocturne des commerces. De telles mesures sont réputées impossibles parce qu’elles produiraient une révolte populaire. Mais le débordement de la violence viendra tout aussi sûrement du pourrissement de la situation tant la colère et le désespoir sont grands face aux mensonges de l’embobineur public.
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