LA GAUCHE AUX ABOIS
09 octobre 2013
L’élection de Brignoles où la gauche une fois de plus ne sera pas au second tour agit comme un révélateur. Elle est intéressante parce qu’elle intervient à la suite de deux annulations consécutives en 2011 et 2012 et permet de mesurer les évolutions des votes. La cuvée 2013 qui voit l’extrême droite réaliser pratiquement 50% des suffrages exprimés (40% FN + 10% dissident) se caractérise par un effondrement du vote des électeurs de gauche et une faible mobilisation de ceux de droite dans un canton où Nicolas Sarkozy a fait 58%. En réalité, le Front National ne progresse pas en voix et construit son score sur cette abstention massive (deux électeurs sur trois). Il ne représente en fait que 15% des inscrits. Il bénéficie du seul électorat mobilisé, ce qui lui permet de parler de « dynamique », ce qui n’est pas faux.
Il faut reconnaître que les partis dits de gouvernement sont en crise partout : le PS est secoué par des divisions et des surenchères entre partisans de la ligne sociale-démocrate et une gauche plus marquée, les Verts se débattent dans leurs querelles byzantines dont ils ont le secret, la gauche de la gauche est divisée entre le PC et la stratégie de Mélenchon qui n’arrivent pas à converger pour les prochaines élections. A droite, c’est guère mieux, le revirement de Bayrou fait sourire et après le temps des amours, on s’attend à une querelle de leadership à l’UDI, dès l’année 2014 passée, quant à l’UMP, la stratégie offensive de Fillon annihile les efforts de reconstruction entamés par Jean-François Copé. Il faut bien reconnaître que tout cela n’est guère motivant pour l’électeur lambda.
Néanmoins, il ne fera pas bon être classé à gauche pour mener une liste municipale. La cantonale de Brignoles reste un avertissement sévère au gouvernement. Le PS est le premier perdant parce que la preuve est fournie que la politique économique et sociale conduite par Hollande a fait sauter toutes les charnières qui reliaient les communistes, les écologistes et les socialistes. Une opposition forte se manifeste à gauche avec les mélenchonistes à la manœuvre, qui profite en premier lieu au FN. Le PS est divisé sur la parade à opposer au FN, se trompant une fois plus d’enjeu, confondant le résultat avec la cause.
La période qui s’ouvre va être compliquée à gérer par l’exécutif. Le mécontentement qui s’est exprimé traduit un désaccord profond avec les méthodes sociales-démocrates. Pour espérer s’en sortir il lui faudrait prendre des décisions qui ne pourraient qu’aggraver la crise nationale. Il n’a aucune marge manœuvre. Il est assiégé par une partie de ses députés qui réclament des mesures en faveur du pouvoir d’achat, mais les caisses sont d’autant plus vides que les recettes ne rentrent pas, et il en est réduit aux expédients pour trouver un peu d’argent. Il tente de mettre un peu de baume en multipliant les décisions d’assistance telles que la généralisation du tiers payant aux médecins ou l’instauration d’un RSA jeune non financé. Il est dans les sables mouvants et plus Manuel Valls gesticule, plus le gouvernement s’enfonce dans l’impopularité. Car la tête de l’Etat a beau s’agiter, président en premier, courir la France, se démultiplier en visites sur le terrain, partout l’accueil est le même : troublions de la manif pour tous avec drapeaux et sifflets, huées, ou tout simplement indifférence.
L’élection de Brignoles produira-t-elle l’électrochoc qui permettra à la droite de retrouver sa lucidité ? Contrairement à ce que croit Marine Le Pen, son mouvement n’est pas encore en mesure de parvenir au pouvoir. Pour cela, il faudrait que le corps électoral ait envie de se mettre une balle dans la tête. Le Front est pour l’instant incapable de transformer un essai local en succès national, car si la cote d’amour de sa patronne est forte, sa cote de rejet l’est deux fois plus. Mais sa capacité de nuisance est énorme, car il prend des suffrages à l’UMP, mais surtout au PS grâce à la mue d’un programme libéral sous Le Pen père devenu «socialiste national » avec la fille, tout-à-fait approprié pour capter les voix populaires et ouvrières. Dans ce contexte, la droite républicaine a une belle carte à jouer si elle veut bien s’en donner les moyens.
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