LA REFORME OU … LE PEN
29 septembre 2013
Quels critères vont prendre en compte les Français au moment de voter pour élire leur maire ? Les enjeux locaux d'abord, mais pas seulement. Selon un sondage Ifop pour le JDD, si 61% des personnes interrogées votent « principalement en fonction de considérations locales », 26% expriment la volonté de « sanctionner la politique du président de la République et du gouvernement ». Seulement 10% comptent au contraire la soutenir.
Cette part de l’électorat tentée par un « vote sanction » est élevée : lors du précédent scrutin municipal, en 2008, la volonté de sanctionner s’élevait à 21% des sondés. Un ressenti qui s'était alors traduit dans les urnes par un revers important pour l'UMP, qui avait perdu une trentaine de villes importantes. On peut imaginer ce que peuvent représenter 5 points de plus pour le pouvoir en place. Le tout est de savoir par quel type de vote se traduira la sanction.
Au-delà de la « vague bleue », certains mettent en garde contre la possibilité d'une vague « Bleu marine », le Front national étant souvent le premier à bénéficier de ce type d'atmosphère. Interrogés sur les enjeux les plus importants pour eux dans ce scrutin, les Français répondent en premier lieu la fiscalité (32%), puis la sécurité et l'emploi (30% tous les deux) et enfin l'éducation (26%).
Tous les ingrédients d’un nouveau 21 avril sont réunis.
Entre une dynamique protestataire, qui profite au Front national et une dynamique d’alternance qui devrait profiter à l’opposition, le parti socialiste doit s’attendre à de grandes difficultés. La rentrée politique de Marine le Pen, sur fond de record de popularité dans les sondages s’est faite à un moment ou Le FN s’est retrouvé au centre du jeu : polémique sur les propos de François Fillon, retour du thème de la sécurité au-devant de l’actualité.
Pourtant la question du FN ne devrait plus être un sujet pour la droite, car elle devenue un problème pour la gauche au pouvoir. C’est ce que toutes les élections partielles ont montré. Mais cela dicte à l’UMP un double impératif : celui de travailler à un programme qui soit véritablement un projet d’alternance et celui, plus impératif encore de faire plus visiblement son travail d’opposant. Or depuis un an, les dirigeants de l’UMP passent leur temps à tirer dans les coins au lieu de combattre le camp d’en face. Ce qui laisse un boulevard au Front national.
C’est la gauche qui devrait se méfier, car lorsqu’elle est au pouvoir, le piège de la diabolisation peut se refermer sur elle. Ce sont en effet ses électeurs populaires qui se détournent d’elle et vont grossir les voix de l’extrême-droite. C’est ce qui s’est passé en 2002. On a vu aussi dans les derniers scrutins qu’environ un cinquième de ses électeurs se comportaient ainsi au deuxième tour. Et avec la perte de crédibilité de la gauche sur la sécurité, malgré le verbe fort du Ministre de l’Intérieur et à cause des signaux désastreux envoyés par la Ministre de la Justice, l’opinion risque de faire payer très cher à la gauche sur le terrain électoral. La preuve : la cote de popularité du Président.
Le rejet du multiculturalisme est un facteur aggravant pour la gauche.
L’affaire des Roms ne vient pas par hasard sur le devant de la scène. Manuel Valls sent bien le danger. Le rejet du multiculturalisme se lit dans les sondages qui disent la réticence de plus en plus forte de l’opinion face à une immigration qui ne s’intègre plus et à un islam trop visible. De quoi porter le parti d’extrême-droite qui surfe là sur ses thèmes de prédilection. Et quand Dalil Boubakeur, réputé modéré, accuse la charte de la laïcité d’être dirigée contre les musulmans, il avalise la dialectique islamiste. L’accusation en islamophobie qui voudrait rendre impossible la critique de la doctrine islamique, est l’arme du communautarisme qui, partout, fracture les sociétés, attise les tensions et les guerres.
Il y a donc urgence à répondre aux attentes d’un électorat qui se radicalise à mesure que les désastres s’accumulent, dont la « libanisation » de Marseille n’est que la partie visible de l’iceberg. Nombreux sont les électeurs qui sont tentés « d’essayer » l’extrême droite, ne se satisfont plus du centre tiède où veulent camper encore Borloo et Bayrou, et ne font toujours pas confiance à l’UMP dont le message restait encore confus jusqu’à ce que François Fillon durcisse son discours. La « droitisation » de l’électorat n’est pas une théorie politique, elle est une réalité. Elle n’est pas bâtie sur une adhésion à des thèses racistes ou une vision étriquée de la nation, mais sur le sentiment d’une dépossession progressive de son identité culturelle que le « on n’est plus chez nous » traduit en termes prosaïques. Sous-estimer cette exaspération sera très dangereux pour tous les partis qui ne voudront pas en tenir compte.
La gauche est de plus en plus disqualifiée. Quand le Ministre de l’Intérieur feint de défendre une politique d’intégration, l’Elysée évacue les religieux du comité consultatif national d’éthique et supprime le haut conseil à l’intégration pour s’être opposé au communautarisme ou au voile à l’université, sans parler de l’abandon de toute exigence pour la naturalisation.
Il faut offrir d’urgence un débouché politique à la désillusion.
La gauche est en échec. La séquence d’intense activité médiatique de l’été et l’affaire syrienne n’ont pas réussi à inverser le mouvement de défiance qui touche l’exécutif. Le Président touche les bas-fonds de popularité, est largement minoritaire dans toutes les catégories de l’électorat. Les forces du retrait et de la protestation enflent d’autant plus que le « matraquage fiscal » des classes moyennes vient s’ajouter aux autres plaies de l’insécurité et du chômage. Ainsi, le gouvernement annonce pour le financement des retraites des « décisions courageuses » qui consisteront à faire les poches des salariés et des retraités déjà bien ponctionnés, sans rien toucher à ce qui est perçu comme injustice majeure.. Le socialisme qui se voyait comme une religion universelle s’est rétréci à la dimension d’une secte recroquevillée sur des interdits et des lignes jaunes à ne pas franchir et est condamné à « « faire croire » à des résultats qui n’existent que dans son imaginaire. Il est vain d’en attendre des réformes : son électorat de fonctionnaires lui empêche de toucher « aux acquis » pourtant au-dessus de nos moyens, tandis que son clientélisme l’invite à accompagner le communautarisme et à fermer les yeux sur les dérives de l’Islam pour ne pas fâcher les 86% de musulmans qui ont voté Hollande.
Pour l’instant, en face, la droite ne propose rien de crédible. Les éléments de programme qui apparaissent ici ou là quand ils ne sont pas excessifs, sont phagocytés par la multiplicité des prises de paroles à « compte personnel ». Or les Français attendent des réponses crédibles aux difficultés qu’ils rencontrent sur l’emploi, la croissance, la sécurité, la fiscalité, mais aussi ils ont besoin d’être rassurés sur la crise identitaire qui les inquiète et que seul le FN semble prendre en compte. Il y a urgence à l’UMP à tenir un discours coordonné autant que possible et commun de préférence. Le parti doit affirmer clairement son cap qui ne peut être que libéral, européen et humaniste et proposer les réformes qui permettront au pays de sortir durablement de l’ornière. Travailler à un nouveau pacte républicain avec son volet identitaire et sociétal devrait être sa priorité. Car l’urgence est d’endiguer la colère qui monte. Sinon, ce sera … Le Pen.
Le temps presse !
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