ECOLE : LE GRAND BOND EN ARRIERE
14 octobre 2012
« Ce n’est pas en tournant le dos aux choses qu’on leur fait face ! »
Pierre Dac.
La montagne a donc accouché d’une souris. C’était prévisible. Il était déjà bien difficile d’y voir clair dans le discours nébuleux de François Hollande pendant la campagne électorale, dès lors qu’on sortait de la phraséologie verbale des grands principes, mais on nous promettait que tout cela allait se décanter avec la mise en place de la grande concertation. C’était sans compter sans le conservatisme des puissants syndicats de l’éducation nationale. La refondation se résume donc à l’approfondissement des pratiques qui ont mis notre système éducatif en échec.
Trois mois de concertation, des débats dans toute la France, des centaines de personnes réunies à la Sorbonne… pour aboutir à la suppression des devoirs à la maison, des redoublements, des notes, pour recréer les IUFM – ces « usines à endoctrinement des maitres-, l’Institut National de la Recherche Pédagogique –à qui on devait tant de stratégies doctes et irréalistes-, et l’Institut National des programmes – repère des idéologues constructivistes-. Retour à la situation de 1990. On va dans le mur : accélérons !
Quelle avancée !
Quand dépassera-t-on la querelle entre les pédagos soixant-huitards et les « républicains » accrochés à l’école de la IIIème république ? Il ne suffit pas de brandir les mots « république », « morale » (laquelle d’ailleurs ?), « mérite » et « autorité ». La réalité reste implacable : 20% d’une classe d’âge (150 000 élèves) ne maîtrise pas les savoirs fondamentaux à la sortie du cursus scolaire, 40% d’élèves ayant des difficultés en français et en maths à l’entrée du collège, accroissement des inégalités… Triste réalité : la France accentue l’enfermement social et un enfant de pauvre y risque l’échec scolaire davantage que dans n’importe quel autre pays de l’OCDE. Le nombre d’élèves en difficultés augmente à chaque enquête statistique. Les enseignants sont mal payés et épuisés. Pire : voilà que la violence qui devrait nous sembler intolérable, qu’elle concerne les élèves entre eux ou touche les enseignants, s’installe et devient quotidienne au risque de nous sembler banale.
Et l’on choisit la fuite en avant en évitant toute annonce susceptible de braquer les syndicats. On croit toujours que pour répondre à la démocratisation massive du système scolaire depuis les années 70, il faut toujours plus d’enseignants – quitte à ce qu’ils restent mal payés-, même si le nombre des élèves diminue. Cette solution a pourtant conduit là où on en est. La massification aurait dû s’accompagner d’un changement de méthode. Le monde de l’éducation reste peu ouvert au travail de groupe, les disciplines demeurent étanches, l’évaluation à mi-chemin entre le conservatisme des notes sur 20 et le délire techno-pédagogique de dizaines d’items aussi pompeux que plats du type « utilise ses connaissances pour réfléchir sur un texte »…
Il serait temps que l’on en revienne à la réalité qui tient en quelques principes simples, en répondant à la question : que faut-il faire pour assurer sa réussite scolaire ? Pour réussir son parcours scolaire et éventuellement atteindre ces temples de l’élitisme que sont les grandes écoles, il faut lire, développer sa culture générale, sa connaissance de l’histoire et de la langue, sa logique et son esprit de déduction. En un mot, il faut tra-va-iller ! Tout ce qui contribue à dispenser de cet effort conduit nécessairement à l’échec. Quel que soit le système…
Et les enseignants ne sont pas seuls en cause, même si le fonctionnement de l’éducation nationale peut prêter le flanc à de graves critiques, ce sont les parents d’abord qui ont un rôle à jouer. Bien des parents réclament toujours plus de réformes conduisant à moins de culture classique, bien des parents refusent d’imposer à leurs enfants le moindre effort, bien des parents n’exigent de leur progéniture aucune rigueur, ne cherchent plus à faire découvrir le plaisir d’apprendre, n’enseignent pas le respect du professeur ni l’amour du savoir. Le fils d’ouvrier, travailleur et méritant, dans une classe où quelques paumés mettent le bazar, est victime du système. Dans ce naufrage, ce n’est pas un hasard si ce sont les enfants des enseignants qui tirent le mieux leur épingle du jeu comme en témoigne des statistiques éloquentes : 92% de chances d’avoir le bacho, 43% le convoité bac scientifique (contre 6% un fils d’ouvrier), ils sont surreprésentés à Normal sup et Polytechnique. Eux connaissent les codes et surtout, ils vivent, le plus souvent, dans un univers où le savoir est une valeur.
Alors que penser de ce cataplasme sur une jambe de bois que constituent les annonces du président :
- Hausse des effectifs : un leurre qui ne résoudra pas les difficultés et qui accentue la paupérisation des enseignants.
- Ecole de quatre jours et demi avec le mercredi matin : du simple bon sens.
- Création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation : pourquoi pas, à condition qu’elles se consacrent avant tout à la pratique pédagogique.
- Devoirs faits à l’école : la suppression des devoirs est une bêtise. Qu’ils soient faits à l’école, pourquoi pas, à condition que ce soit sous le contrôle de l’enseignant qui les donnent. Mais on déresponsabilise les parents, alors qu’il faudrait faire le contraire.
- Suppression des notes : on reste dans l’idéologie égalitaire. Tout système d’évaluation (peu importe lequel) débouche sur la reconnaissance d’acquis et de travail réalisé ou non. Les élèves se compareront toujours, de toute façon. Assez d’hypocrisie !
- Rythme scolaires : sur l’année, à part rajouter deux jours de vacances à la Toussaint, on ne touche à rien. Les vacances d’été se révèlent, par leur longueur, de plus en plus inadaptées aux élèves contemporains, mais on n’y touche pas. Inutile de demander pourquoi.
- Bivalence des professeurs en 6ème-5ème : une bonne idée qui a fait ses preuves dans le passé avec les PEGC. On y renonce sous la pression du « lobby » des certifiés. Dommage.
- Aucun enfant ne sera laissé en dehors de l’école avant 16H30 : c’était l’idée de Sarkozy. Les syndicats ont tout fait pour s’y opposer.
En attendant, la machine à trier par l’échec et à refouler les connaissances va continuer ses méfaits. J’oubliais : les « évacués » pourront toujours se réfugier dans les « emplois d’avenir ». Ainsi va le monde socialiste avec sa machine à niveler.
Il y aurait tant d’autres choses à faire. Ce sera pour une autre fois !
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