ECRAN TOTAL
17 juillet 2012
De protection solaire, il n’est point question, à moins de parler de la toile du parapluie qui nous protège de la pluie. Je veux plutôt évoquer le comportement bizarre de nos contemporains. En effet, une étrange épidémie gagne peu à peu toute la population et à tous les âges de la vie. Elle commence à sévir dès 6-7 ans, parfois avant, frappe les adolescents avec sévérité, touche tous les adultes sans distinction et n’épargne même pas les seniors qui sombrent parfois dans une addiction surprenante.
Cette maladie étrange a commencé à se manifester il y a déjà quelques années. On voyait alors circuler dans les rues, attablés aux terrasses des café ou plantés au supermarché devant le rayon crémerie, des personnages à qui il avait poussé subitement une excroissance sur l’oreille munie d’une courte antenne parfois télescopique. Elle s’accompagnait toujours d’un délire verbal passionnant du genre : « allo, t’es où ?» ou encore « le beurre, doux ou salé ? »…
Depuis le mal a empiré. Il s’est aggravé avec la multiplication des ordinateurs et l’arrivée de Facebook. La race humaine connaît un épisode ultime de son évolution. L’homo sapiens sapiens devient « internotus ». Pourquoi communiquer face à face alors qu’on peut le faire par écran interposé et à tout moment.
Le temps où ma dernière fille quittait sa copine devant le portail de la maison après avoir bavardé pendant une heure et, aussitôt rentrée, s’emparait du téléphone fixe pour l’appeler et continuer la conversation pendant toute l’heure suivante, me parait remonter à l’antiquité.
Les gens passent leur temps à se flairer entre eux . Après l'inévitable "t'es où ?" qui vient toujours en premier, suivi de :« t’es en train de faire quoi ? », ils aiment étaler leurs sentiments ou tailler un costard à leur tête de turc préférée ou encore nous faire des confidences essentielles comme : « bon, je vais me coucher ! ». C'est tout juste s'ils ne nous préviennent pas qu'ils vont faire leurs besoins.
C’est ainsi qu’en toutes circonstances vous les voyez courbés sur leur instrument planté dans leur main, soit à pianoter d’un pouce agile de la même main (pour les plus agiles), soit à effleurer l’écran d’un geste léger, absorbé dans une contemplation dont rien ne peut les soustraire. La maladie sévit en tous lieux : à table, même avec des invités, au restaurant en attendant les plats, au lit en guise de roman. Comme on ne peut pas encore copuler avec l’engin (ça viendra), on se demande encore comment on arrive à maintenir le taux de natalité. A moins que le téléchargement de films pornos ne soit une explication.
L'iphone est apparu. Il permet de rester connecté en permanence et évite de sauter d'un écran à l'autre. Utile ou futile ? Comme toujours, c’est à chacun de décider. Car il est bien difficile d’apprendre à tous ces consommateurs, et surtout aux plus jeunes à l’éducation déjà très rudimentaire, comment contrôler une activité quasiment souterraine, tentaculaire, et qui se développe à l’insu de notre plein gré (comme disait l’autre).
Il serait bon de rappeler à tout ce beau monde que, pour éviter la surchauffe oculaire aussi bien que cérébrale, la vie existe aussi bien en dehors de l’écran. Peut-être faudra-t-il bientôt initier des stages de sevrage médiatique, histoire de faire redécouvrir la vraie vie et ses vraies valeurs. La panne d’Orange nous rappelle utilement qu’on peut aussi se passer de ces appendices allumés en permanence sans que le monde ne s’écroule. Enfin presque…
« L’écran total », y a qu’en protection solaire estivale que c’est bien.
Bonjour!
pour illustrer ton propos qui ne manque pas d'à propos(facile)je vais te raconter une petite anecdote.Je me trouvais en déplacement et le midi je mangeais dans un restaurant mi-routier mi-ouvrier et du fait que j'étais tout seul la serveuse m'a installé à une table commune avec 7 autres convives.Et chacun de déposer son téléphone portable devant son assiette comme au temps des westerns avec leur"colt". "dring plif plaf ssstrz chprouf bang zzzz!".concert de fourchettes et couteaux tombant dans les assiettes et 7 gus qui se précipitent sur leur engin à celui qui dégainera(heu!qui décrochera le premier)et moi de pouffer!(il faut dire que mon TP était resté dans le camion).
amicalement
Remember
Rédigé par : remember | 17 juillet 2012 à 16:39
Ton anecdote est monnaie courante, malheureusement. C'est la même chose dans le train, sur la plage,... partout.
J'y vois une forme de décadence.
Daniel
Rédigé par : Daniel | 19 juillet 2012 à 09:14